Implantées dans les territoires, créatrices d’emplois durables, résiliantes en période de crise, facteur de stabilité, les ETI familles sont l’une des composantes essentielles de l’économie française. Pour certains, elles seraient même un antidote aux excès du capitalisme. Sont-elles pour autant considérées à leur juste valeur ?
Léa Nature (alimentation), Manutan (industrie), Mane (arômes alimentaires), Lauak (aéronautique), Oeneo (vin), Somfy (domotique), Aguettant (santé)… Ces entreprises ont un point commun : ce sont toutes des entreprise de taille intermédiaire (ETI) familiales. Selon l’INSEE, une ETI compte entre 250 et 4999 salariés et réalise un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliard d’euros. Elles seraient environ 5 800 en France. Parmi elles, 4000 à 4500 sont indépendantes et ne font pas partie du giron d’un grand groupe.
« Ce qui caractérise les ETI de long terme, avance Frédéric Coirier, co-président du METI (mouvement des entreprises de taille intermédiaire), c’est le fait qu’elles aient un actionnariat stable et engagé, qu’il soit intégral, majoritaire, familial, multi-familial, avec des cadres ou des associés. Que vous ayez un actionnaire majoritaire familial, multifamilial ou autre, les problématiques rencontrées par l’ETI sont les mêmes. » Pour Rania Labaki, directrice de l’EDHEC Family Business Centre, « il n’y a pas de définition communément admise de l’entreprise familiale. La Commission européenne reconnaît trois critères : qu’au moins deux membres d’une même famille détiennent la majorité des actions et le contrôle des droits de vote ; que l’un d’entre eux occupe une position opérationnelle, que ce soit dans un organe de gouvernance ou de management ; enfin, qu’il existe une intention de transmettre l’entreprise à la nouvelle génération. » Les entreprises familiales sont prédominantes à l’échelle du monde. En France, la majorité des ETI sont familiales.
Moins de dividendes, le long terme et l’auto-financement
En échappant à la tyrannie du court terme, les entreprises familiales se projettent vers le temps long. « Elles recherchent la création de la valeur financière mais aussi socio-émotionnelle, explique Rania Labaki. Elles cherchent à créer des liens durables avec le capital social, les réseaux sociaux… mais aussi à transmettre l’entreprise à la génération suivante. Elles ont une préférence pour l’auto-financement par rapport à l’endettement ou à l’ouverture sur les marchés financiers, pour réduire le risque de perte de contrôle de l’entreprise. Elles distribuent moins de dividendes, voire par du tout, et préfèrent investir l’excès de cash-flow dans les projets de long terme. Les entreprises familiales sont donc très différentes sur le plan de la stratégie financière et stratégique. »
Les entreprises familiales privilégient l’auto-financement. Et quand elles s’introduisent en bourse, il n’est pas rare de les voir racheter leurs actions et se retirer du marché une fois les projets financés. En outre, une entreprise familiale qui réussit à travers les générations entretient des relations privilégiées avec les banquiers, ce qui est un facteur facilitateur pour le financement.
Dès lors que son actionnariat est stable, qu’il soit familial ou patrimonial, l’horizon d’une ETI s’élargit, et la hantise de voir un fonds sortir du capital au bout de 5 ans disparaît. « Avec un fonds, vous ne pouvez pas faire les mêmes choix et arbitrages que quand vous avez une famille qui se projette à une génération, voire au-delà, et qui fera des choix plus tranchés, audacieux, et structurants, souligne Frédéric Coirier. Le fait d’avoir un actionnaire patient, responsable et engagé permet à l’entreprise de franchir les moments difficiles. » La vision à long terme permet aussi à ces ETI de bénéficier d’une forme de droit à l’erreur. « Quand vous avez plus de temps, vous pouvez vous permettre d’expérimenter et d’innover », explique Frédéric Coirier.
Des ETI pourvoyeuses d’emplois
Du fait de leur relative liberté vis-à-vis des impératifs de court terme, les ETI familiales se caractérisent bien souvent par une certaine stabilité de l’emploi — elles représentent aux alentours de 25 % de l’emploi salarié en France, ce qui fait d’elles le plus gros employeur de France. « Dans certains cas, elles créent même plus d’emplois, notamment en période de crise, parce qu’elles puisent dans leurs ressources pour poursuivre le développement de l’entreprise », avance Rania Labaki.
Contrairement aux idées reçues, les ETI sont plus pourvoyeuses d’emplois que les PME, dont l’importance serait parfois sur-estimée. « Nous avons souvent une vision biaisée en surestimant le poids des PME dans l’économie française, confirme Hervé Bacheré, auteur d’une étude comparative sur les créations d’emplois entre 2009 et 2015 pour l’Insee et responsable de la publication des « Insee Entreprises ». Globalement, ce ne sont pas les petites entreprises qui créent de l’emploi, mais elles contribuent en revanche à enrichir la croissance des ETI. »
Une chiffre frappe les esprits : entre 2009 à 2015, une période marquée par les conséquences de la crise de 2008, les ETI ont créé 337 500 emplois. Dans le même temps, les grands groupes en détruisaient plus de 80 000 en délocalisant certains de leurs moyens de production, tandis que les PME n’en n’ont créés qu’un peu moins de 100 000… « Les ETI créent donc des emplois dans les périodes difficiles, poursuit Frédéric Coirier. Selon lui, les ETI ont par ailleurs « très peu » contribué à la désindustrialisation. « La désindustrialisation s’est opérée dans les villes moyennes de 20 000-30 000 habitants, car les usines ne sont pas dans les grandes villes. Durant les dix dernières années, 600 usines ont fermé. Sur ces 600, très peu étaient des ETI ou dans le giron d’ETI : 85 % des usines qui ont fermé étaient des PME ou des grands groupes. » Dans certains cas, les ETI seraient donc également des amortisseurs, voire des ressorts, permettant de relancer la croissance. « C’est le moteur de l’économie française, ajoute Rania Labaki. Certaines études ont montré que les sociétés familiales cotées ont sur-performé les entreprises non familiales cotées pendant la crise financière de 2008. »
Au sein de l’EDHEC Family Business Centre qu’elle dirige, Rania Labaki a mené une étude portant sur le comportement des ETI du Nord de la France durant les périodes de crise. « Nous avons montré qu’elles détruisent moins d’emplois, voire qu’elles arrivent à en créer et qu’elles innovent. La capacité d’auto-financement des entreprises familiales expliquent leur résilience face aux crises, voire leur faculté de faire de la crise une opportunité. »
« Par sa taille, l’ETI draine autour d’elle tout l’écosystème local, des PME aux TPE »
Au-delà de leur influence micro et macro-économique, les ETI exercent un rôle crucial au sein des territoires. Ancrées au coeur des petites et moyennes villes – deux tiers d’entre elles ont installé leur siège social en province –, zones où les phénomènes de désindustrialisation et de paupérisation sont les plus exacerbés, elles sont le pivot de l’économie locale. « Dans ces territoires, ces ETI sont souvent le dernier maillon. Par leur taille, elles drainent autour d’elles tout l’écosystème local, des PME aux TPE. On ne l’entend pas souvent, mais l’ETI a un rôle très important de structuration du territoire (infrastructures, formation, économie locale…). Elles apportent de la stabilité, investissent et incitent certains jeunes à rester plutôt qu’à partir dans les grandes villes… » Ces ETI familiales entretiennent une relation forte avec le territoire et les parties prenantes de son écosystème (banques, fournisseurs, clients…). En retour, ce lien contribue également à la pérennité de l’entreprise.
Analogie avec le Mittelstand allemand
Les ETI familiales françaises sont souvent comparées à leurs homologues allemandes, qui composent le gros du fameux « Mittelstand ». « Il s’agit d’un ensemble assez hétérogène, composé de PME, de grandes entreprises familiales et de « champions cachés », terme désignant des entreprises de taille moyenne et intermédiaire peu connues du grand public qui, dans un secteur très spécialisé, occupent une position importante sur le marché mondial », selon la définition qu’en donne Gerald Lang, docteur de l’École Polytechnique et professeur à KEDGE Business School. Dans l’Hexagone, certains militent pour la création d’un « Mittlestand français », en se souvenant qu’au début des années 80, la France comptait le même nombre d’ETI que l’Allemagne. Mais à l’heure actuelle, les systèmes français et allemand sont trop divergents. « Le cadre juridique et fiscal n’est pas comparable, précise Rania Labaki. « Nos ETI ne sont pas assez nombreuses, elles devraient être deux fois plus… juge Frédéric Coirier. L’Allemagne, l’Italie du Nord ou l’Angleterre, qui sont pour la plupart au plein emploi, ont plus d’ETI que nous. Par ailleurs, nos ETI sont plus petites que leurs voisines allemandes. »
Dans ce contexte, comment accroître le nombre d’ETI familiales et se rapprocher des performances allemandes ? Pour Frédéric Coirier, il y a « plusieurs conditions à réunir ». En premier lieu, l’ambition des chefs d’entreprise. « Mais les Français ne sont pas plus mauvais que les autres, précise-t-il. Quand ils évoluent dans de bonnes conditions, ils sont même plutôt aux avants-postes. »
Pour le co-président du METI, ce sont les conditions de développement des ETI qui doivent être repensées. « Déjà, elles doivent être reconnues. Ensuite, il faut que tout le cadre législatif et réglementaire soit adapté. La fiscalité ne doit pas être supérieure à ce qui se pratique au niveau européen, sous peine d’être désavantagé par rapport à nos voisins, sachant que le terrain de jeu d’une ETI, c’est l’Europe. L’ETI ne peut pas uniquement se développer sur le marché français, elle a besoin d’exporter. En se projetant, elle s’expose à la concurrence des autres ETI du continent. Si l’ETI française est surfiscalisée, surréglementée, il est évident qu’elle est moins apte à faire face à la concurrence. Conséquence : elle se développe moins vite… »
Baisser les impôts de production pour réindustraliser la France ?
Certains experts pointent du doigt le poids de la fiscalité pour expliquer les difficultés rencontrées par les ETI pour se développer et investir. C’est le cas de Rania Labaki. Pour appuyer son propos, la professeure associée de management à l’EDHEC Business School cite une étude de 2017 selon laquelle 12 % des entreprises familiales étaient transmises de façon intra-familiales, tandis que les autres étaient cédées à l’extérieur. « Au-delà de la complexité de la gestion des relations familiales, l’une des raisons est l’importance du poids de la fiscalité, et donc des droits de succession. Parfois, il plus intéressant de céder à l’extérieur plutôt que dans la famille… Au niveau des pouvoirs publics, il y a donc des efforts à faire pour lever cette corvée et faciliter les successions. »
De son côté, Frédéric Coirier pointe du doigt le poids des impôts de production (prélèvements relatifs au foncier, à la valeur ajoutée et au chiffre d’affaires des entreprises, comme la CFE, la C3S ou encore la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises — ndlr). « En 2012, lors d’une étude sur le sujet, nous avions placé une entreprise française dans différents environnements économiques étrangers. On s’est rendu compte que cette même ETI gagnait deux à trois fois plus d’argent en jouant uniquement sur les paramètres de fiscalité des différents pays. » Dans l’Hexagone, les 1800 ETI industrielles, dont la plupart sont familiales, paient chaque année plus de 50 % des taxes de production du pays. « Ce chiffre surprend à chaque fois. Il est pourtant corroboré par tous les rapports, même par l’Inspection des Finances… Ces 50 % représentent une charge inadmissible vis-à-vis de la concurrence étrangère. Pour la plupart de ces ETI, cela représente 3 % de leur chiffre d’affaires qu’elles doivent payer quoi qu’il arrive – qu’elles aillent bien ou mal -, alors que leurs voisines, qui viennent aussi sur le marché français, n’ont pas à le faire. Les ETI ont un boulet au pied qui les empêchera de se robotiser, de faire leur transformation digitale, etc. Si on ne change pas ce point, la France ne se réindustrialisera pas… »
La baisse de ces impôts de production, qui représentent 72 milliards d’euros chaque année, est le cheval de bataille de Bruno Le Maire. Pour le ministre de l’Economie et des Finances, l’ensemble de ces prélèvements « sont très pénalisants pour notre industrie ». La comparaison avec l’Allemagne est souvent avancée : outre-Rhin, les impôts de production sont sept fois moins élevés. Au sein de la zone euro, c’est deux fois moins. « Une ETI française qui fait 200 millions d’euros de chiffre d’affaires peut payer 5 millions d’euros de taxes de production quand sa voisine espagnole ou allemand paiera 1 million d’euros, détaille Frédéric Coirier. Au bout de dix ans, l’ETI espagnole aura disposé de 40 millions d’euros supplémentaires pour investir, acheter des robots, construire de nouvelles usines, moderniser ses outils… Ce concurrent sera donc plus attractif et plus compétitif… C’est un cercle vicieux terrible. »
La question des seuils
Quid de la complexité administrative ? Si les grands groupes disposent de services dédiés leur permettant de naviguer dans les méandres de l’administration, les PME et les ETI familiales sont bien souvent livrées à elles-mêmes. « Au regard de la réglementation et des seuils, une ETI est considérée comme un grand groupe dans 80 % des cas, avance Frédéric Coirier. Quand vous êtes une petite ETI, vous basculez donc directement dans l’univers de la complexité des grands groupes. Ce n’est pas parce que vous avez 251 salariés que vous pouvez vous permettre d’avoir 20 personnes pour gérer les lourdeurs administratives… Ce n’est pas adapté. La reconnaissance de la catégorie ETI est essentielle. » Pour certains, les réglementations destinées aux grands groupes peuvent engendrer des effets de bord dévastateurs pour les ETI. « J’ai deux entreprises comparables dans mon groupe, explique Frédéric Coirier qui, outre ses fonctions au Meti, est également président du groupe Poujoulat, une ETI spécialisée dans la fabrication de conduits de cheminées qui emploie 1 500 salariés. L’une en France, l’autre au Danemark. Dans l’une, j’ai trois personnes aux ressources humaines ; dans l’autre, je n’en ai qu’une… »
La transmission, un moment charnière
Transmettre une entreprise en France coûte « quatre fois plus cher » qu’en Allemagne, avance Frédéric Coirier. « La plupart des autres pays ont mis en place des dispositifs qui annulent pratiquement les droits de succession sur les entreprises, poursuit le co-président du Meti. Plus la fiscalité du capital est élevée, moins la transmission est possible. Il faut saluer l’effort du gouvernement qui a supprimé l’ISF et mis en place la flat tax. Cela a permis de replacer la fiscalité du capital sur la détention dans la moyenne européenne. Il faut maintenant aller au bout sur la transmission. » Frédéric Coirier avance une autre raison qui devrait inciter le gouvernement à légiférer : le coût de la transmission est payé in fine par l’entreprise, les revenus du dirigeant étant trop faibles. « C’est donc l’entreprise qui, par capitalisation des dividendes payés, va pré-financer la transmission à la génération qui suit », précise-t-il. Aujourd’hui, il faut quasiment 5-6 ans de bénéfices pour payer une transmission. C’est énorme. »
Durant cette période de transition, l’entreprise se trouve donc en sous-capacité d’investissement en raison du coût de la transmission. En fin de compte, si les ETI familiales ne se transmettent pas, elles terminent bien souvent dans les mains d’un grand groupe. « Or, si un grand groupe étranger doit faire un choix de restructuration, il restructure d’abord à l’étranger avant de le faire chez lui… »
Un taux de transmissions intrafamiliales à 17 % en France, contre 56 % en Allemagne
Si Frédéric Coirier cite l’environnement comme un élément influent sur le devenir des ETI familiales, il ne faut pas négliger les paramètres endogènes. La transmission est un moment charnière de la vie et de l’histoire d’une entreprise. En France, ce moment est bien souvent synonyme de sortie de l’entreprise du giron familial. En effet, selon l’Institut Montaigne, le taux de transmissions intrafamiliales s’établit « à 17 % dans l’Hexagone, contre 56 % en Allemagne ou 69 % en Italie ». Ce taux friserait même les 90 % en Suède. « Les entreprises familiales ont un taux de survie à la transmission très faible, renchérit Rania Labaki. Seulement 1 % des entreprises familiales survivent lors de la transmission de la 3ème à la 4ème génération. »
Réussir une transmission n’est pas une mince affaire. Il s’agit souvent d’un long processus semé d’embûches qui passe, selon la directrice de l’EDHEC Family Business Centre, par plusieurs leviers incontournables : « Entretenir les relations familiales, créer une cohésion familiale, transmettre l’histoire de l’entreprise et ses valeurs. » Si ce travail de transmission n’est pas effectué en amont, l’entreprise risque de voir les conflits familiaux s’envenimer et/ou d’être cédée à l’extérieur de la famille. « L’entreprise doit être consciente de ces risques et travailler sur sa gouvernance familiale pour les prévenir », estime Rania Labaki. Et la professeure de management de poursuivre : « Ce processus est un défi car il implique qu’un membre de la famille, qui a beaucoup contribué à l’entreprise, a été visionnaire et reste viscéralement attaché à l’entreprise, cède sa place à la nouvelle génération… Cette dernière doit avoir les épaules et la légitimité pour être à la hauteur du dirigeant. Enfin, ce processus de transmission consiste aussi en l’identification du bon successeur, celui qui aura la motivation et la formation. Il faut lui transmettre la connaissance de l’entreprise mais aussi le capital social, le savoir-faire. Autant dire que les relations doivent être solides pour ne pas rater une transmission… »
Même son de cloche du côté de Frédéric Coirier qui insiste également sur la dimension relationnelle et affective de toute transmission. « Si le pacte Dutreil (dispositif fiscal visant à favoriser la transmission familiale des PME et des ETI — ndlr) représente une avancée significative, ce n’est plus suffisant. Il traite principalement le cadre juridique un peu rigide, mais pas des problématiques relationnelles, ce qui est normal. Il n’existe pas aujourd’hui de mesures d’accompagnement relationnel des familles dans leur processus de transmission. » Certaines entreprises familiales peuvent ainsi considérer que le fait d’avoir signé un pacte Dutreil va résoudre tous les problèmes de succession. « Or, il y a beaucoup d’autres problématiques à traiter, notamment celle de la transmission managériale. »
Capitalisme, RSE, raison d’être
Raison d’être, société à mission, quête de sens… Dans le sillage de la loi Pacte, les entreprises ont été invitées à donner du sens à leur action. Mais pour beaucoup, les ETI familiales n’ont pas attendu ce texte de loi pour incarner cette nouvelle éthique du capitalisme, certains allant jusqu’à affirmer que le principe de la raison d’être fait partie intégrante de l’ADN des ETI familiales. « Une entreprise qui a 30, 50 ou 80 ans est une communauté de valeurs, avec ses repères, ses traditions, ses savoir-faire, son ancrage… C’est par définition une entreprise qui a du sens. On ne peut pas durer plusieurs générations si on n’a pas respecté son territoire, ses hommes, ses clients et ses partenaires financiers. Toutes ses valeurs sont ancrées dans leurs gènes des ETI familiales, même si ce n’est pas formalisé dans le cadre d’une campagne marketing. »
Les ETI familiales peuvent-elles servir d’exemple en incarnant une alternative crédible et durable aux excès du capitalisme financiarisé ? « Les entreprises familiales ont toujours été dans cette démarche, juge Rania Labaki. Elles peuvent donc très bien faire figure d’exemple. »
Pour Frédéric Coirier, « la RSE est dans l’essence des ETI ». « Quand vous faites des choix au détriment de la rentabilité de court terme pour garder du personnel que vous avez formé en attendant que les choses aillent mieux, c’est un acte de RSE. Quand vous formez des chômeurs en fin de droits pour les aider à se réinsérer, voire des migrants, vous avez le souhait de faire du bien à votre territoire. Les ETI font cela naturellement, sans vouloir l’afficher en faisant du greenwashing. » Entre le gigantisme des grands groupes, qui ne sont pas perçus comme des modèles d’éthique, et le foisonnement de l’écosystème French Tech, qui repose en partie sur le court terme, les ETI familiales ont une chance à saisir.