Difficile d’échapper à son destin. Compagnon du devoir à 19 ans, Eric Kayser n’a eu de cesse de contribuer au renouveau du marché du pain et à l’exportation de son savoir-faire, en toute discrétion, sans aucune campagne de publicité.
A la base, ce passionné du produit de boulangerie a souhaité remettre au goût du jour la tradition, en se passant de la levure, plus facile à utiliser, mais qui donnait un goût standardisé. Eric Kayser a quant à lui travaillé avec Patrick Castagna pour mettre au point une machine, le Fermentolevain, permettant d’utiliser le levain liquide traditionnel, en 1994. Peu après, le 13 septembre 1996, naissait la première boulangerie Eric Kayser à Paris, rue Monge. Aujourd’hui, Maison Kayser en a plus de 250 en propre et en franchise.
On vous dit Lorrain, Parisien, Azuréen… d’où êtes-vous vraiment ?
Eric Kayser : C’est une bonne question, car en réalité je suis né à Lure, ce qui fait de moi un Franc-Comtois. Mon nom de famille vient d’Alsace-Lorraine, ce qui entraîne parfois des confusions. Si j’ai ensuite créé à Paris, c’est tout simplement parce que j’y vivais, en tant que formateur en boulangerie, comme Patrick Castagna avec qui nous avons travaillé sur la fermentation naturelle du levain, via un rafraîchissement quotidien. On peut comparer cette opération à celle de la culture du moût de raisin.
La boulangerie, une évidence ?
E.K. : J’ai toujours eu envie de faire ce métier. Depuis petit, cela m’attirait. J’étais également fasciné par la découverte et le voyage. Lors d’une discussion avec un psychiatre, il a évoqué combien le rêve d’enfant était essentiel. En ce qui me concerne, j’ai eu l’opportunité et la persévérance nécessaire pour le réaliser. Je suis depuis toujours dans le secteur qui me plaît et je voyage à travers le monde pour ouvrir de nouvelles affaires, ce qui prend environ la moitié de mon temps. Mais c’est aussi un métier qui a beaucoup de contraintes, dans lequel il ne faut pas compter ses heures, de l’apprenti au chef d’entreprise.
1996, ouverture de votre première boulangerie en propre à Paris. Aviez-vous déjà en projet d’en ouvrir d’autres ?
E.K. : Oui, j’avais cette idée en tête, si le succès était au rendez-vous. J’étais porté par l’amour du monde qui me poussait à aller dans différents pays. A l’époque, dès que j’ai pu, je me suis lancé en franchise, puis j’ai conclu des associations, comme cela est le cas pour l’un de nos pays phares, le Japon où nous sommes à 50/50 avec un partenaire japonais avec une trentaine de boutiques. Aujourd’hui, le réseau est pour moitié en franchise, et pour moitié en propre.
Comment avez-vous organisé votre expansion à l’international ?
E.K. : Nous n’avons jamais eu besoin de passer par un cabinet spécialisé. Les gens viennent à nous. Nous sommes très régulièrement sollicités et lorsque cela peut fonctionner, nous allons de l’avant, sans forcément choisir une zone géographique en particulier. Pour nous, c’est l’emplacement de la boutique qui prime : aéroports, centre-ville… Les candidats choisis sont formés plusieurs mois en France, en Asie aussi, ensuite nous effectuons un suivi, et nous organisons également des opérations avec de nombreux chefs français à l’étranger. Généralement, nous avons deux cibles de clientèle : la restauration et le grand public. Rue Monge, nous livrons ainsi bien des clients comme l’Atelier Robuchon et l’hôtel George V, des ministères, que des petites brasseries.
La baguette est donc internationale ?
E.K. : A vrai dire, la baguette est quasiment un produit franco-français, les étrangers n’y sont pas très habitués, et de nombreux pays veulent un pain qui se garde plusieurs jours. On vend donc plus d’autres types de pains, ainsi que des viennoiseries. Mais nous devons également adapter nos produits aux clients. Par exemple, on ressent une tendance globale à aller vers moins de sucre, voire plus du tout, alors qu’au Mexique c’est le contraire. Au Japon, nous avons beaucoup travaillé sur la miniaturisation des portions.
A 55 ans, quels sont vos prochains projets ?
E.K. : Nous avons l’intention de poursuivre notre développement et d’ouvrir une cinquantaine de boutiques dans les deux ans qui viennent. Nous venons d’ouvrir à l’aéroport de Santiago du Chili, à Cancun, d’autres sont programmées comme Tel-Aviv et Madrid, Rabat au Maroc, Panama… Mais nous avons aussi d’autres idées telles que monter une école de formation au Cambodge, faire connaître la boulangerie, donner du bonheur à nos clients, en un mot, faire de belles choses.
Propos recueillis par Anne Florin