Le comédien François-Xavier Demaison, la productrice Virginie Calmels, l’ancien patron de Google Jean-Marc Tasseto… Tous ont en commun d’avoir quitté une situation professionnelle confortable pour changer totalement d’orientation.
Qui n’a jamais fait ce rêve : quitter un job devenu routinier pour créer un site Web, ouvrir un restaurant ou partir à l’étranger ? Un phénomène qui prend de l’ampleur, à tel point que les sociologues parlent du «syndrome de la chambre d’hôtes» : chaque année, 2.500 Français ouvrant un gîte rural, espérant une nouvelle vie, à un rythme plus cool, dans un environnement plus calme… espoir souvent déçu.
Pour la sociologue Catherine Négroni, auteur de «Reconversions professionnelles volontaires», «jusqu’aux années 70, le projet de vie des individus était surtout construit à partir des catégories de la famille heureuse, de l’accession à la propriété familiale. Aujourd’hui, il est davantage question de réalisation de soi, de quête de l’identité personnelle ». Entre 30 et 50 ans, on prend souvent conscience que son quotidien ne nous satisfait plus. Volonté de changement
Pour
François-Xavier Demaison
, qui a abandonné une très confortable situation de financier à New York pour l’incertitude du métier de saltimbanque, «la reconversion a les meilleures chances de réussir si vous êtes réellement convaincu que le prix du renoncement est beaucoup plus élevé que celui de l’audace. Alors, les efforts, les obstacles, les résistances vous paraîtront plus légers ».
Virginie Calmels
a connu une vie professionnelle particulièrement riche et médiatique, à la tête de Canal+ puis du producteur télé Endemol. Volonté de passer plus de temps avec sa famille, de retrouver sa ville natale et de s’engager, elle est aujourd’hui adjointe d’Alain Juppé à Bordeaux et dirige une start-up d’investissement. «Après ma démission d’Endemol, j’avais envie d’une aventure différente, plus entrepreneuriale. J’ai refusé tous les postes exécutifs qui m’ont été proposés pour me consacrer à mon futur rôle d’adjoint au maire et à la société que je venais de créer ».
Ce que Marie Andersen, psychologue clinicienne et psychothérapeute à Bruxelles, auteure du livre «L’Art de se gâcher la vie», résume ainsi : «On n’a qu’une vie et elle est précieuse. Amadouez vos inquiétudes, apprivoisez cette paralysante crainte du changement et cette mystérieuse peur de l’inconnu. Mesurez quels petits risques vous êtes prêts à prendre pour commencer. Le changement est aussi source d’émerveillement et d’évolution, et l’inconnu n’est pas nécessairement peuplé de solitude ou de dangers ». Mais, concrètement, comment faire ?
La voie du business
On peut devenir artiste, moine bouddhiste ou s’engager dans une organisation caritative. Mais on peut aussi choisir la voie de l’entrepreneuriat. Quitter un emploi salarié pour créer ou reprendre une entreprise, c’est sortir de la routine. C’est ce qu’explique
Pascal Cagni
, ancien patron européen d’Apple Europe : «Si je ne partais pas, je devenais un rouage». Aujourd’hui, à 52 ans, ce capital-investisseur parie sur des entreprises qui ont l’esprit de son ancien employeur.
Même approche pour
Guillaume Poitrinal
, qui, à 45 ans, a quitté la direction d’Unibail Rodamco, le leader d’immobilier commercial en Europe (1,4 Md€ de CA), pour se consacrer au développement d’une PME spécialisée dans la construction bois, Woodeum, à la dimension nettement plus modeste (2 M€ de CA aujourd’hui) mais aux objectifs ambitieux (100 M€ de CA à l’horizon 2016). L’ancien grand patron est très clair : «Si j’avais voulu continuer dans une grande entreprise, je serais resté chez Unibail». C’est en effet le caractère enthousiasmant de la nouvelle aventure qui est la motivation première de ceux qui franchissent le pas.
Un projet avant tout
Jean-Marc Tasseto
, ancien patron de Google, explique ainsi sa décision un peu folle de créer une start-up : «J’étais convaincu que quelque chose était en train de se passer avec les MOOC. J’ai senti qu’après avoir révolutionné le cinéma ou la presse, le Web allait bientôt modifier en profondeur le monde de l’éducation et l’apprentissage au sens large».
Rupture encore plus impressionnante pour
Vincent Mourou
et
Samuel Maruta
. Ces deux quadragénaires ont abandonné des postes confortables dans la publicité et la finance pour créer une petite fabrique-laboratoire qui produit un chocolat noir exclusif… à Hô-Chi-Minh-Ville, au Vietnam. Une aventure où ils sont accompagnés par un jeune artisan de 30 ans, Arnaud Normand, qui n’a pas hésité à les suivre.
Désir de donner du sens à leur vie
Leurs motivations ? Désir de donner du sens à leur vie : «J’en avais marre de travailler pour les autres et pour le fric», témoigne Samuel Maruta. «Moi, je voulais découvrir de nouveaux pays, de nouvelles valeurs, mais surtout me découvrir moi-même et arrêter de faire des films publicitaires, ce qui ne me donnait plus aucune satisfaction», renchérit Vincent Mourou. Faire le point Changer de vie, changer d’entreprise, réaliser un projet est une décision radicale. Il faut évaluer l’impact financier, s’assurer de ses compétences (au besoin en acquérir de nouvelles) et compter sur le soutien de ses proches, les premiers touchés par les conséquences (baisse de niveau de vie, disponibilité réduite…).
«Plus les bouleversements sont importants, plus il faut anticiper les problèmes», précise Catherine Picq-Ricard, fondatrice du cabinet de conseil Palette RH. Malgré les risques et les difficultés, ceux qui ont franchi le pas ne reviendraient en arrière pour rien au monde. Et vous ?