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Cette crise d’ampleur qui menace les Etats-Unis

Une crise financière pourrait succéder à la crise économique et démocratique. Dans ce cas, Trump pourrait être élu en novembre 2024.(Photo Mike Segar/UPI /ABACAPRESS.COM)

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Par Julien Chevalier, journaliste indépendant.

Au cours des derniers mois, la Réserve fédérale américaine a relevé ses taux d’intérêt au rythme le plus rapide depuis quarante ans afin de lutter contre une inflation historique. Alors que les regards sont tournés vers le Moyen-Orient, la hausse des prix persiste aux États-Unis, et les rendements des bons du Trésor américain atteignent des sommets, obligeant la Fed à des choix de plus en plus difficiles. Les États-Unis doivent se préparer à une crise d’ampleur qui bousculera les élections présidentielles en 2024.

En septembre, les prix ont augmenté de 3,7 % sur un an aux États-Unis, soit près de deux fois plus que la célèbre cible de 2 % de la banque centrale. Considéré comme « trop élevée » par le président Jérôme Powell, aucune hausse de taux ne devrait toutefois voir le jour dans les prochaines semaines, alors que le taux directeur américain se situe dans une fourchette comprise entre 5,25 % et 5,5 %. La Fed cherche en effet à éviter un scénario semblable à la crise bancaire de mars dernier, qui pourrait rapidement se transformer en contagion.

Une politique monétaire en deux temps

Véritable lutte contre l’inflation ? Selon Jérôme Powell : « Nous devons laisser les choses se dérouler, mais pour l’instant, il s’agit clairement d’un resserrement des conditions financières. » Pourtant, si l’on s’en tient à la donnée observée de près par les investisseurs – celle des taux réels positifs (taux corrigés de l’inflation) – la politique monétaire n’est restrictive que depuis quelques mois. Pendant plus d’un an, entre la première hausse de taux d’intérêt par la Réserve fédérale en mars 2022, et avril 2023, l’inflation restait supérieure aux taux d’intérêt. Emprunter à des taux plus faibles que l’inflation n’était donc pas une situation de normalisation, mais toujours d’aisance monétaire facilitant le remboursement des crédits et donc stimulant la demande d’emprunt. Une situation qui prédominait au cours de la décennie passée et qui signifiait que le futur était jugé plus certain que le présent… Le taux d’intérêt étant non seulement synonyme de prix du risque mais aussi de prix du temps.

Si la lutte contre la hausse des prix a donc commencé en avril dernier, l’inflation a connu une nouvelle accélération lors des deux derniers mois. Les tensions géopolitiques et la volonté de déstabiliser le gouvernement Biden par les pays de l’OPEP ont, en effet, conduit à une restriction de leur production de pétrole pour maintenir les prix élevés et assurer d’importantes recettes tant que le monde est encore largement dépendant des énergies fossiles. Les effets attendus ont eu lieu car l’indice des prix à la consommation outre-Atlantique est passé de 3 % en juin à 3,2 % en juillet, puis 3,7 % en août et en septembre.

L’étau se resserre aux Etats-Unis

Alors que les conditions de crédit se resserrent désormais et que l’inflation persiste, les investisseurs exigent des rendements de plus en plus élevés. Aucun pivot de la politique monétaire – c’est-à-dire une baisse des taux d’intérêt – n’est par ailleurs attendu du fait de l’accélération de l’inflation. Les marchés estiment à moins de 30 % une nouvelle hausse des taux à court terme par la Fed cette année. Et le contexte géopolitique, le retour du protectionnisme, mais aussi et surtout le déficit et la dette abyssale américaine, sont tant d’enjeux qui font croître la célèbre « prime de risque » et in fine les taux souverains. L’offre d’obligations américaines progresse nettement plus rapidement que la demande. Le taux à 10 ans des bons du Trésor américain, qui demeure l’indice de référence en finance, ne cesse d’augmenter et frôle désormais les 5 % – un niveau record en 16 ans. Les autres taux de marché suivent cette progression. Le taux à 2 ans américain dépasse les 5 %, signe que le court terme est plus dangereux que le long terme selon le marché. Du côté des ménages, le taux moyen d’un prêt immobilier à taux fixe sur 30 ans a atteint 8 % pour la première fois depuis 2000, rendant l’accès au logement extrêmement difficile pour des millions d’Américains. Les taux sur les cartes de crédit, et l’ensemble des crédits bancaires plus généralement continuent d’augmenter, ce qui entraînera naturellement une baisse de la consommation à terme.

Par extension, ces hausses conduisent à un recul des marchés. Comme les taux augmentent, la valeur des obligations baisse et affecte les garanties présentes dans les emprunts interbancaires. Les investisseurs procèdent ainsi à des ventes successives afin d’apporter plus de liquidités pour maintenir leur position – lorsque cela est possible. Depuis quelques semaines, les principaux indices boursiers américains que sont le S&P500 et le Dow Jones affichent une baisse progressive.

Des fuites de dépôts plus ou moins importantes s’observent. Comme les rendements obligataires sont supérieurs à l’inflation, des millions d’Américains transfèrent leurs liquidités présentes sur leurs comptes de dépôts auprès de fonds monétaires en bons du Trésor. Pour la première fois depuis le début du siècle, les liquidités rapportent d’ailleurs plus d’intérêts que les bénéfices du S&P 500 (environ 5,5 % contre 5 %).

L’économie des Etats-Unis résiste, pour le moment

La face verso de cette situation est bien celle de la résistance de l’économie américaine. Le massif plan de relance du gouvernement Biden et l’important soutien en liquidités par la Fed permettent en effet de limiter les conséquences de la politique monétaire restrictive malgré une contraction du crédit. Et la diversification de l’économie américaine permet par ailleurs de soutenir la croissance.

Le marché du travail reste extrêmement tendu, comme en témoignent les créations d’emplois supérieures aux attentes, et les ventes au détail défient les prédictions de ralentissement.

Néanmoins, il semble inévitable que dans les prochains mois, l’économie américaine plie. Le resserrement monétaire de la Réserve fédérale continuera à peser sur l’activité économique jusqu’à ce que le cycle finisse par se retourner. Le délai de la transmission de la politique monétaire est progressif (de 12 à 18 mois selon les économistes), et les taux réels sont, rappelons-le, positifs depuis six mois seulement. Comme dans les années 1970, à la fin des années 80, ou encore au début des années 2000, la lutte contre l’inflation conduira à une récession profonde, comblée par une importante hausse du chômage, une chute de la croissance, et des marchés financiers en difficulté. Contrairement à la BCE qui n’a pour principal objectif que la stabilité des prix, la Fed a pour rôle d’assurer une croissance stable et un faible taux de chômage.

Perspectives moroses

La Réserve fédérale américaine est plus que jamais confrontée à des choix difficiles. La politique de fuite qui prédomine depuis la crise de 2008, visant à maintenir artificiellement le secteur financier par un soutien permanent et une garantie implicite de sauvetage en cas de crise, prend progressivement fin. Après une hausse significative des inégalités au cours des années passées, conséquence de cette politique, l’inflation appauvrit l’écrasante majorité des ménages américains à une vitesse croissante dans un contexte de taux d’intérêt élevés.

Si la banque centrale souhaite retrouver l’objectif de 2 %, cela ne pourra se faire qu’au détriment de la croissance, de l’emploi, mais aussi et surtout de la stabilité financière. Les institutions financières (en particulier les banques américaines) affichent d’ores et déjà des pertes latentes significatives – en particulier Bank of America qui n’a jamais connu de pertes aussi importantes – du fait de leurs achats et détentions de titres obligataires à des taux extrêmement faibles pendant la crise sanitaire. Et ce, alors que le programme de la banque centrale nommé Bank Term Funding Program (permettant d’emprunter dans des conditions plus que favorables) reste fortement utilisé par les banques américaines.

D’un autre côté, si la Fed souhaite prolonger la situation actuelle caractérisée par une économie résistante et des créations d’emplois significatives, elle doit baisser ses taux d’intérêt. Mais l’inflation, qui accélère de nouveau et qui reste particulièrement élevée au regard de l’objectif visé, augmenterait alors en conséquence.

D’après les récentes mesures prises par la banque centrale et les nombreuses déclarations, il est incontestable qu’elle se dirige vers le premier choix, à savoir une lutte – quoi qu’il en coûte – contre l’inflation. Le rôle des banquiers centraux reste en effet et depuis toujours de conserver la rareté de la monnaie. La fin de l’année 2023 et l’année 2024 s’annoncent donc moroses pour les États-Unis tant d’un point de vue économique que financier. Une crise financière se substituera à une crise économique et démocratique. Les républicains en profiteront, et Trump sera élu en novembre 2024.

Julien Chevalier


Retrouvez cet article dans Géostratégie Magazine

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1 commentaires sur « Cette crise d’ampleur qui menace les Etats-Unis »

  1. Encore un article qui prend est partisan dans le seul but de faire peur avec le personnage néfaste pour la démocratie qu’est Trump. S’il vous plaît, faites des recherches approfondies et écoutez les reportages non partisan. Oui Biden est âgé mais Trump commet de plus en plus d’erreurs et de gaffes. Oui l’économie américaine n’est pas parfaite mais elle est au mieux, le chômage est au plus bas, le PNB a eu une hausse historique, l’ inflation ralentit et même des prix dans l’énergie et l’ alimentaire sont a la baisse. Oui il reste du travail, mais ne dites pas que l’état de l’économie américaine pousse à voter Trump, ce sont les articles mensongers si le font. Parlez des affaires Trump au civil et au pénal et laissez Biden agir pour relever l’économie que Trump a laissé avec un aggravement de la dette de près de 8 milliards. Merci.

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