En 2021, vous quittez une situation professionnelle confortable pour entreprendre, alors que vous voulez fonder une famille. La décision a-t-elle été facile à prendre ?
Julia Néel Biz. Je me suis interrogée avant de me lancer afin de savoir si le moment était opportun. J’ai finalement décidé de prendre le risque de me faire censurer par l’expérience et la réalité plutôt que par une petite voix intérieure limitante, souvent liée à des biais cognitifs. Concrètement, cela signifie que je préfère prendre un risque et trouver des solutions quand un problème se pose, plutôt que de trop anticiper les éventuels problèmes.
Est-il possible de conjuguer maternité et entrepreneuriat ?
Bien sûr, c’est possible. Mais la véritable question est de savoir comment soutenir les femmes pour qu’elles soient en capacité de concilier un rôle de mère et celui d’entrepreneure. La clé réside dans un équilibre subtil entre priorisation, organisation, soutien externe et reconnaissance des défis spécifiques auxquels les mamans entrepreneures doivent faire face.
Quels sont les biais et freins à la maternité entrepreneuriale ?
Lorsqu’elles cherchent à concilier maternité et entrepreneuriat, les femmes se heurtent à des préjugés profondément ancrés. Leur capacité à gérer simultanément les deux rôles est questionnée et source d’inquiétude. Au-delà de ces questionnements, certaines femmes s’autocensurent et se limitent sous le poids de biais cognitifs conscients ou inconscients.
À quels préjugés les « mumpreneurs » sont-elles confrontées ?
Il est souvent présupposé qu’une femme doit arbitrer entre être une bonne mère et une entrepreneure accomplie, car le stéréotype selon lequel les responsabilités parentales sont incompatibles avec une carrière entrepreneuriale persiste. On sous-entend également qu’une mère ne pourrait pas s’investir pleinement dans son entreprise en raison de ses obligations familiales, perçues comme un obstacle. Pourtant, certaines des compétences essentielles pour un(e) entrepreneur(e), telles que l’efficacité, la capacité à prioriser, à prendre des décisions, à prendre du recul, et à naviguer sur les montagnes russes émotionnelles, sont renforcées en devenant mère !
Un autre préjugé courant consiste à penser que les enfants souffriraient du manque de présence d’une mère entrepreneure. Mais avec une bonne organisation, il est tout à fait possible de concilier responsabilités professionnelles et familiales. Deux fois par semaine, je m’autorise à partir du bureau à 17h45 pour aller chercher mes enfants à la crèche. Je fais aussi valoir le droit à la déconnexion afin de profiter pleinement de mes deux filles jusqu’à leur coucher.
Faut-il préparer son congé maternité à l’avance ?
Je recommande vivement de le planifier en amont et de définir les tâches à déléguer ou à maintenir sur le plan professionnel. Durant mon congé maternité, j’ai établi une liste des sujets stratégiques sur lesquels je devais être consultée ou décisionnaire, et ceux (très majoritaires !) qui pouvaient être gérés sans mon intervention directe. Déléguer en pleine confiance est essentiel.
Quels enseignements avez-vous tirés de vos deux maternités successives ?
La courte parenthèse du congé maternité était un cadeau que je souhaitais offrir à mes filles et à moi-même. J’ai donc tout mis en œuvre pour vivre pleinement cette période sans sacrifier ma vie d’entrepreneure. J’ai compris et accepté que je pouvais me rendre dispensable pendant quelques semaines. Mes deux congés maternité m’ont rendue meilleure en tant qu’entrepreneure, cheffe d’entreprise et associée. Être parent exige une grande efficacité et une gestion rigoureuse de l’allocation des ressources et du temps. Cela oblige à un travail de priorisation drastique. Les enfants nous enseignent aussi énormément sur nous-mêmes et sur la vie, nous aident à prendre du recul et à être la meilleure version de nous-mêmes pour leur montrer l’exemple.
Pourquoi est-il non seulement possible mais essentiel de concilier maternité et entrepreneuriat pour favoriser la féminisation de la tech ?
Il y a 15 ans, j’étais convaincue que ma génération allait faire bouger les lignes rapidement pour tendre vers une société plus paritaire et égalitaire, et pour que plus de femmes accèdent à des postes de dirigeantes d’entreprise. Aujourd’hui, force est de constater que nous en sommes encore très loin. Et j’en suis indignée. Les avancées sont très lentes. Le chemin à parcourir en général, et dans la tech en particulier, sera encore très long. Nous devons intensifier nos efforts pour parvenir à une véritable parité et développer un écosystème plus inclusif et équitable.