Décidément, l’hôtellerie-restauration est un monde qui bouge, en particulier sur le secteur haut de gamme et luxe. Emmanuel Sauvage, directeur général du groupe Evok Hôtels Collection, connaît bien ce segment, ayant dirigé la boutique-hôtel cinq étoiles parisien Burgundy pendant 4 années.
Salarié du groupe, il n’aurait peut-être pas été tenté de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale sans la vente de cet établissement qui l’a conduit à s’investir et investir ailleurs. Rien d’étonnant à cette décision, l’homme est pressé, directeur dès l’âge de 23 ans dans le groupe « Les Hôtels de Paris », il a ensuite apprécié travailler pour Guy de Durfort, propriétaire de plusieurs hôtels qui a su lui faire confiance.
Evok Collection est née en 2014 dans l’esprit de Romain Yzerman et d’Emmanuel Sauvage. Le propriétaire en est Pierre Bastid, ancien entrepreneur reconverti en investisseur immobilier suite à la vente de son entreprise Converteam. Sa foncière Zaka Investments est pilotée par Romain Yzerman. L’idée était non pas de créer une autre chaîne, mais de fonder une marque positionnée entre le palace et le 5 étoiles, dans des styles adaptés à différentes clientèles, allant sur les terrains du décontracté, du décalé, ou du classique, voire de l’exclusif.
« Sortir des sentiers battus »
Lancer un nouveau groupe hôtelier sur le secteur du luxe est un défi. Un acteur de plus ? Pour quoi faire ? Il a fallu définir une stratégie à la fois originale pour se démarquer et classique, car le luxe a ses exigences, quelle que soit l’enseigne. Emmanuel Sauvage évoque à propos d’Evok Collection le savoir-vivre à la française, type début du XXe siècle, avec une exigence incontournable : ne pas négliger la clientèle française tout en attirant la cible étrangère, car les crises récentes ont sonné l’alarme, l’ancrage national des établissements hôteliers reste essentiel. Cette ligne directrice s’accompagne également d’une adaptation de chaque établissement au lieu où il est situé.
Le Marais a ses spécificités, tout comme le XVIe arrondissement. Et le virage a été pris pour s’adapter pareillement à des lieux européens disposant d’un beau patrimoine historique. Les créations des hôtels sont donc prévues comme autant de déclinaisons différentes. La marque Nolinski est intimiste, feutrée, luxueuse, Brach se veut en même temps convivial et sophistiqué, Sinner cultive le bien-être et la singularité, Cour des Vosges impose par l’aspect historique.
Cette personnalisation est la signature d’Emmanuel Sauvage qui aime à créer des styles spécifiques avec l’aide des meilleurs designers et des architectes d’intérieur. Le groupe déploie par ailleurs sa panoplie de services au travers de services de consulting, de propositions d’exploitation et de management pour des établissements externes. Luxe ne rime pas avec immobilisme. Evok Hôtels Collection a par exemple surpris avec son immense salle de sport lors de l’ouverture du Brach, un lieu qui a attiré toute la clientèle du quartier. Les objets d’art et curiosités sont également l’une des marottes de ce directeur général à l’âme de collectionneur.
Ouvertures à la chaîne
Les ouvertures s’enchaînent depuis la création du groupe, surprenant des concurrents sans doute moins habitués à cette frénésie. Et cela n’est pas près de s’arrêter, car le groupe bénéficie d’une structure relativement légère qui lui permet d’avancer à pas de course sur le chemin de la croissance sans subir de longs circuits de décision.
Emmanuel Sauvage estime que cette rapidité est absolument nécessaire, car les délais de concrétisation d’un projet dans ce secteur sont déjà suffisamment longs entre l’immobilier à proprement dit, les travaux de rénovation et les recrutements.
Pas de complexe à l’embauche
Lors d’une conférence organisée par la Mairie de Paris, Emmanuel Sauvage a répondu à certaines questions portant sur les problèmes de recrutement du secteur qui préoccupent tous les acteurs. Recruter des qualités plutôt que des diplômes est une voie qu’il privilégie, mettant en avant des mots peu souvent usités tels que « gentillesse et empathie », la base étant encore et toujours l’envie de satisfaire le client. Autre élément présenté parfois comme un écueil, les horaires.
Il s’agit au contraire d’un atout pour Emmanuel Sauvage, car l’hôtellerie-restauration propose des métiers où il est possible de ne travailler que le matin, ou l’après-midi ou en soirée, une répartition du temps qui intéresse une partie de bons candidats potentiels. Cet argument a pris de l’importance ces dernières années, car la recherche d’équilibre vie professionnelle/vie privée est devenu un critère prioritaire.
Enfin, la direction d’Evok Hôtels Collection ne cache pas être très favorable à la promotion interne, un avantage pour les salariés. Cette façon de voir le verre à moitié plein est assez caractéristique de l’approche d’Emmanuel Sauvage dans son métier, dans un secteur qui est pourtant considéré comme étant l’un des plus difficiles qui soit.
Bientôt 10 ans
Aller de l’avant, voici la devise immuable des trois cofondateurs. Un projet hôtelier est porté durant 4 à 5 ans, il faut donc faire preuve de créativité pour envisager l’hôtellerie de luxe de demain et après-demain. Récemment élu président de la commission technique Prestige Tourisme et Promotion du GHR, l’homme aura de quoi mettre en avant ses idées pour la profession.
La récente ouverture du Nolinski Venise dans l’ancienne Bourse du commerce de la ville en annonce d’autres, comme Madrid en 2024 et Rome ensuite. L’ambition est claire, doubler le nombre d’établissements dans les cinq ans. S’il en a le temps, le Castelroussin de naissance pourra rejoindre son havre de paix pour se ressourcer dans le joli petit port de Collioure dans les Pyrénées-Orientales. Et pourquoi pas y ouvrir un nouvel établissement ?
Anne Florin