Nos grands économistes sont toujours remplis de certitudes. Récemment, l’un d’entre eux expliquait doctement sur une radio que la croissance ne pouvait résulter que de la démographie et de la compétitivité. Ce qui fait bien peu de cas du principal : l’esprit d’entreprendre et la capacité des hommes à se projeter dans un univers concurrentiel amélioré.
Prenez le nouveau siège d’avion ultra-léger, le TiSeat (40 % de poids en moins que les sièges classiques grâce au titane et aux fibres de carbone renforcées), proposé par la jeune tech française Expliseat. Lancée en 2011 par Benjamin Saada, cette jeune firme, présidée par Amaury Barberot, n’était après tout qu’un bureau d’études parisien de 80 personnes, performant certes, mais comme il y en a d’autres dans notre pays. Et il a fallu une innovation (avec 80 brevets internationaux) et surtout l’aptitude à concevoir un siège d’avion allégé, ramenant le poids à moins de 6 kg par passager – un gain phénoménal d’une tonne pour chaque avion – pour que le projet industriel voie le jour.
L’avantage concurrentiel est en effet considérable, avec 5 % des émissions de CO₂ en moins par passager. Un préalable commercial pour que le projet industriel puisse aboutir. Et c’est ce qui se produit, puisque 11 000 sièges furent très vite commandés pour équiper des turbopropulseurs, mais aussi des A320. Aujourd’hui, de nombreuses compagnies passent commande après Air Tahiti, Air France, Air Canada ou Hop, et même le constructeur Dassault pour ses Falcon.
Un succès commercial qui permet de passer sereinement au plan industriel. Fort de ces commandes et en réussissant, au plan financier, à lever 17 millions d’euros, Expliseat se donne les moyens de créer sa propre usine qui vient de s’ouvrir à Avrillé, près d’Angers, un investissement de 8 millions d’euros pour une surface de 6 200 m², pouvant produire à terme 25 000 sièges avec 120 salariés (contre 50 aujourd’hui). Un outil industriel de première main qui va permettre de challenger, sur ce segment innovant, directement les grands fabricants déjà installés sur le créneau, tels que Zodiac Aerospace (groupe Safran), l’Américain Collins et l’Allemand Recaro. Une sacrée gageure qui a déjà convaincu de nombreuses compagnies aériennes.
Il faut dire que nos entrepreneurs ont eu du nez. Et avant de lancer leur propre production, ils ont pris soin de vérifier le bon succès commercial de leur innovation en sous-traitant la fabrication de leurs premières séries à un industriel toulousain. Ce qui a permis de tester et perfectionner les premières commandes.
On ne le répétera jamais assez : avant de jeter toutes vos forces dans la bataille, les nouveaux entrepreneurs ou industriels ne doivent pas rechigner à bien tester leurs nouveaux produits, que ce soit auprès de leurs clients, prospects ou fournisseurs. C’est bien moins risqué et surtout riche d’enseignements pour la suite, d’autant plus que le produit est innovant.
C’est ce qu’a fait également, à un autre niveau, Gary Dauman, fondateur en 2009 à Chennevières-sur-Marne, en région parisienne, d’E.Zicom, nouvelle PME de robots ménagers. Avant de relocaliser sur le territoire sa production d’aspirateurs-balais ou de robots lave-vitres, il a pris grand soin de s’assurer de la viabilité du marché en sous-traitant la fabrication en Chine. Désormais, en réalisant quelques 8 millions d’euros en France, en Belgique, en Suisse ou en Allemagne, E.Zicom est à même de relocaliser la production de sa gamme EZIclean de petit électroménager d’entretien de la maison. Tout sera désormais assemblé et produit dans le Haut-Rhin, à Ribeauvillé (68), dans l’usine de Cordon Electronics. Il se vend, en 2023, 500 000 aspirateurs-robots en France, mais seuls 15 % des consommateurs sont équipés ! Le marché est énorme.
Autant d’exemples concrets qui montrent que la réindustrialisation de la France est possible dans de nombreux secteurs, à la double condition d’être à la fois capable de vendre en quantité – ce qui suppose, la plupart du temps, de faire preuve d’innovation – et surtout de dynamisme.
Ne négligez pas à ce sujet l’appui d’un organisme public comme Business France, qui dispose de nombreux points d’appui pour aider nos PME/PMI à se redéployer dans le monde. Visez grand, ce n’est pas interdit !
Robert Lafont
