Née à Nantes, la création de la marque est le résultat d’un voyage universitaire en Chine. C’est dans ce pays que Frédéric Mugnier et Nicolas Rohr ont commencé à mûrir leur projet, celui de créer une marque de chaussures. Ils lèvent un peu de love money dans leur entourage, bénéficient de prêts étudiants, et se lancent à 22 ans. Ils font fabriquer 5000 paires de baskets et commercialisent les modèles en vente directe.
L’aventure est lancée et se développe notamment grâce à des collaborations avec des stylistes ou des marques partenaires. Les 5000 premières paires sont devenues près d’un million en moins de dix ans. La distribution s’effectue en majorité dans le commerce de détail, qui représente la moitié du chiffre d’affaires, contre 30 % pour le réseau de grossistes et 20 % pour le commerce en ligne.
Modification capitalistique
Il y a un an, tout a changé. L’entreprise est parvenue à lever 15 millions d’euros auprès de NextStage AM et Sodero en contrepartie de 25 % des parts. Les salariés ont également accédé à la possibilité d’acquérir des parts de la société dans le cadre de la loi Pacte.
Quant aux deux fondateurs, Nicolas Rohr et Frédéric Mugnier, ils reprenaient les guides de leur entreprise en lieu et place du groupe Eram, actionnaire sortant. Son rôle fut celui d’un « mentor » selon les propres termes des deux dirigeants. Eram était un actionnaire ancien, puisqu’il était entré au capital dès 2012 afin de participer au déploiement international de la marque, jusqu’à prendre 49 % des parts en 2017.
À fond sur la ligne stratégique
Aux débuts de l’aventure, les jeunes entrepreneurs avaient pris l’initiative de commander leur premier bilan carbone. Cette préoccupation est restée, avec l’objectif de réduire de façon drastique la pollution liée à l’activité tout en restant accessible en termes de prix de vente. Les deux entrepreneurs ont un objectif clair via cette reprise : poursuivre sur la voie de la RSE et faire de Faguo une marque de mode équitable en accentuant ses actions sur l’usage de matériaux recyclés, que ce soit pour les vêtements (40 % des ventes), les chaussures (40 % des ventes) ou les accessoires (20 % des ventes) avec le but d’atteindre les 100 %.
Cette vocation tient à cœur aux créateurs, elle s’est déjà affirmée par le fait que Faguo soit devenue une entreprise à mission et détienne la certification B-Corp depuis 2021. L’annonce de son nouveau bilan carbone confirme ces avancées. Depuis déjà plusieurs années, Faguo pratique la compensation sous forme de plantations, un arbre planté pour chaque produit vendu. Une façon de réduire son empreinte en des années où la filière de produits recyclés en était encore à ses balbutiements.
Faguo s’était déjà fait remarquer par une action qui démontre ses convictions tout en étant peu populaire : il s’agit du refus de participer au Black Friday, mouvement qui a rassemblé quelques 700 marques. Lors de la reprise en main des fondateurs l’an dernier, Frédéric Mugnier a annoncé qu’il n’y avait pas de révolution, mais une politique de continuité « pour faire gagner la Fair Fashion » dans un soutien continu envers ses actions contre le dérèglement climatique.
Des objectifs précis à court terme
En dix ans, Faguo a divisé par deux ses émissions de carbone liées aux collections. La gamme Faguo est fabriquée en petite partie en France, mais également en Chine, au Portugal et au Maroc. Le transport ne représente cependant que 2 % des émissions carbone dans leur bilan du fait notamment que 80 % des produits sont fabriqués à partir de matières recyclées. La cible est inchangée depuis les débuts, son cœur est constitué par une clientèle masculine citadine de 25 à 35 ans.
À noter que les femmes se sont également approprié la gamme de baskets. Cette nouvelle cible fait d’ailleurs partie des projets à court terme. L’objectif des deux dirigeants est d’accentuer sa présence en France, en préservant un rapport qualité/prix abordable. Cette année, l’objectif est d’ouvrir à nouveau une dizaine de boutiques en 2024 et de poursuivre sur un taux de croissance à deux chiffres. L’entreprise avait annoncé une croissance de 25 % de son CA, à 28 millions d’euros, une performance. L’objectif est posé : dépasser les 40 millions d’euros d’ici trois ans.
Une chose est claire, les dirigeants ont toujours affirmé que leur entreprise était rentable depuis ses débuts et leur entreprise se situe à l’opposé de la fast fashion. Il s’agit de préserver les équilibres financiers, en produisant moins et mieux. Proche de concepts tels que Veja ou Patagonia, Faguo a plus que son mot à dire depuis le retour en force de ses créateurs.
Vendre des convictions
Nicolas Rohr et Frédéric Mugnier ont vendu des produits, mais ce sont aujourd’hui des convictions qu’ils partagent avec leur clientèle. Même si, dans la démarche, c’est le produit et son style qui doivent attirer avant que la découverte des valeurs portées par l’entreprise ne se fasse. Une communication qui fait profil bas, même si l’acteur Pierre Niney a fait le buzz sur Instagram en apparaissant avec un sweat Faguo de façon spontanée. Et si la morale recommençait à payer ?
Anne Florin
