Par Jean-François Faure, président fondateur d’AuCOFFRE.com
Tribune. La trésorerie d’une entreprise porte bien son nom : c’est bien le trésor de la boîte. Cette somme qu’il faut absolument protéger parce qu’elle pourra servir en cas de mauvaise passe, amortir une crise ou bien encore acheter des produits indispensables malgré une forte inflation. Alors, traditionnellement, la « tréso » est placée sur des supports réputés très sûrs et donc souvent peu rémunérateurs. De manière assez étonnante, l’or n’est pas (ou très peu) utilisé par les entrepreneurs alors que c’est un actif qui répond à toutes les exigences d’un placement de trésorerie !
Les placements de trésorerie très « plan-plan » des banques
Quand un entrepreneur a un peu de « tréso », il demande en général à son banquier où il peut les placer. On pourrait même écrire, où il peut les « planquer ». Il faut en effet éviter les risques de perte en capital. Et dans la psychologie d’un dirigeant, la trésorerie doit être le dernier recours. Il faut absolument que cet argent soit bien présent quand on en a besoin, surtout si la situation est compliquée. Les banques proposent donc un certain nombre de produits comme des SICAV monétaires ou obligataires, des FCP (fonds commun de placement) mais aussi des comptes à terme. Ces derniers rapportent moins que le livret A des particuliers, mais ils ont quand même un petit rendement. Ils ont une durée de vie limitée à quelques années, mais sont relativement liquides. On peut les casser à tout moment même s’il existe un préavis avant de recevoir la somme sur son compte courant. Évidemment, les autres placements sur les marchés sont accessibles aux entreprises, mais, compte tenu du risque, il n’est vraiment pas recommandé de spéculer avec sa trésorerie. Au pire, investissez dans des entreprises partenaires ou sous-traitantes, au moins vous allez pouvoir sécuriser la relation.
L’or comme placement de trésorerie
J’ai moi-même expérimenté cette idée : acheter de l’or avec ma trésorerie. En 2007, je dirigeais une entreprise de traduction. Son marché était lié aux échanges internationaux, au développement des entreprises mondiales. À cette époque, les signaux faibles sur une crise financière majeure se multipliaient. Je me suis demandé comment placer ma trésorerie pour résister à une crise économique et financière mondiale. Finalement, l’or répondait le mieux à ce risque. Sa valeur est contracyclique, c’est-à-dire qu’elle va à l’inverse des autres placements. Quand la bourse s’effondre, en général, l’or s’envole. Mais c’est un peu contre-intuitif parce que l’or, par définition, n’a pas de rendement : il ne produit pas d’intérêt ni de dividendes. Son seul rapport, c’est une plus-value éventuelle lors de la revente.
L’or à l’épreuve des subprimes
Un an plus tard, la situation que je craignais est arrivée, en plus grave. Les Subprimes ont provoqué une énorme crise financière, un krach boursier, mais aussi une crise de liquidités. Seul l’or s’en est sorti. Ma petite boîte de traduction a pu survivre malgré l’arrêt soudain de nombreuses commandes d’entreprises internationales. J’ai vendu des pièces d’or pour récupérer du cash.
Comment acheter de l’or pour son entreprise ?
En 2007, c’était très difficile. Ma banque ne vendait pas d’or au détail (les banques ne le font toujours pas), c’est-à-dire sous forme de pièces ou de lingots. Elle ne me proposait que des certificats (ETF) basés sur l’or. Mais cet or papier porte le même risque que les autres actifs sur les marchés. J’ai dû trouver des solutions et, comme je suis entrepreneur dans l’âme, j’en ai créé un business : celui de l’entreprise que je dirige toujours.
Comment un comptable peut accepter un placement de trésorerie avec de l’or ?
Tout d’abord, comme il ne faut pas se retrouver « négociants en métaux précieux », il faut limiter ses achats d’or à 10 % maximum de sa trésorerie. Ensuite, c’est assez simple : c’est un stock dans votre bilan. Ce stock peut perdre de la valeur avec un prix de l’or en baisse et si on le vend au mauvais moment. Son poids diminue aussi dans votre bilan à ce moment-là. Et ça tombe bien puisqu’en général, si le cours de l’or est faible, c’est que tout va bien dans le monde, et votre entreprise aussi on imagine. On n’a donc pas besoin de vendre son or en ce moment-là. Même, la perte de valeur potentielle passe en compta et permet de baisser son IS et ainsi de financer une matière qui va se révéler utile en cas de crise. Car en cas de tempête, le cours monte et vous vendez au plus haut. Vous devrez alors payer la flat tax sur les plus-values.
L’or pour sa trésorerie est un placement qui permet d’avoir une valeur contracyclique dans son portefeuille. Une valeur refuge qui peut permettre de limiter la casse pendant une crise économique. Le seul frein : accepter de sortir un peu des propositions traditionnelles des banquiers !
