La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS
En complément des trois premiers volets des défis que la France se doit de relever pour se refonder et relancer l’activité de la Nation, il y a un défi structurel, voire organisationnel. Les institutions et le fonctionnement actuel de la République ne permettent pas au pays de s’inscrire dans un avenir plus serein. Bien au contraire, ils sont des poids de nature à provoquer chaque jour un peu plus sa chute. Face à nous, se dresse le squelette d’une démocratie à bout de souffle et qui a perdu son âme
L’organisation politique initiale de la 5ème République, née de la rédaction et de l’adoption de la Constitution du 4 octobre 1958 a subi des évolutions, au fil des décennies, qui ont modifié profondément les valeurs fondamentales de notre République.
Ce que le général de Gaulle et les rédacteurs du texte avaient voulu, dans l’esprit du CNR (Conseil National de la Résistance) n’est plus.
Tout cela n’est plus parce que le monde s’est « mondialisé », que la technologie s’est « webisée », que les jeunes générations ne croient plus à la valeur travail et qu’ils ne sauront bientôt plus où ils vont, comme beaucoup de moins jeunes qu’eux, avec les effets de la physique quantique dans le fonctionnement de leur petit monde fondé sur les réseaux sociaux.
Les pessimistes disent déjà que « la fin des temps approchent », compte tenu de l’accélération avec laquelle le monde passe d’une révolution à une autre, d’autres veulent affirmer qu’il est grand temps de réagir. Les institutions de notre pays, comme chez d’autres d’ailleurs, sont quasiment obsolètes, elles n’ont plus la capacité de développer un lien fort entre les citoyens et de les emmener vers un avenir commun !
Tout était pourtant écrit, à défaut de marbre, dans les pages de la Constitution.
Le préambule de la Constitution
En vertu du premier alinéa du Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, le peuple français proclame « son attachement aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004 ».
Ce sont des textes qui ont valeur constitutionnelle et qui constituent le siège des droits et libertés constitutionnellement garantis. Il faut savoir que la Constitution du 4 octobre 1958 ne décrit pas ce que sont les « droits et libertés ». Mais elle détermine notamment :
- La forme de l’État comme étant une République indivisible, laïque, démocratique et sociale, […] dont l’organisation est décentralisée ;
- Les caractéristiques du régime politique semi-présidentiel de la 5ème République ;
- Les règles relatives à la production des normes et à leur place dans la hiérarchie des normes ;
- Les modalités de la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis, par le Conseil constitutionnel.
Les articles les plus fondateurs de la Constitution
Article 1er : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».
Article 2 : « La langue de la République est le français. L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge. L’hymne national est « La Marseillaise ». La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ». Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».
Article 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret. Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ».
Article 4 : « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ».
L’application respectueuse de ces principes édictés par la Constitution montrent tout autant la richesse que la faiblesse du système. Le peuple, qui s’investit moins dans les affaires publiques pour des raisons liées à leur art de vivre personnel, laisse, en quelque sorte, carte blanche à ses représentants pour gérer le pays et gouverner. Les risques d’une grande distanciation entre le peuple et ses élus sont nombreux. On pourrait, à titre d’exemples, en évoquer au moins trois.
Le premier, c’est que les élus, moins enclins à rendre compte à des citoyens préoccupés par leur propre vie, ne s’interrogent pas suffisamment sur la destination des moyens qu’ils utilisent et ne bénéficient pas toujours d’un suivi efficace de ce qu’ils font, d’une revue des objectifs qu’ils doivent atteindre et d’un contrôle précis sur le coût de leur « fonctionnement ». Les citoyens ne s’intéressent pas suffisamment à la vie publique et, même lors des scrutins qui scandent régulièrement la vie publique, le débat n’est plus un débat de projets mais une contestation perpétuelle et simplement stérile qui ne permettent pas, en l’absence de moyens fiables et d’outils appropriés, de dresser un bilan réel des réussites et des échecs.
Le second tient au fait qu’une partie du personnel politique n’est plus suffisamment motivé par l’engagement public. Même si le nombre en est réduit, le fait que certains d’entre eux s’érigent en professionnels auto-déclarés de la chose publique, est néfaste pour l’ensemble du corps. L’exécutif voulu en 1958 par le général de Gaulle, sur un socle de valeurs morales et intellectuelles, était constitué de citoyens qui avaient montré leur courage, leur sens de la patrie et leurs qualités au cours des années noires de la guerre contre les nazismes de toutes sortes. Aujourd’hui, une partie de ceux qui s’engagent en politique ne sont plus aussi motivés qu’il y a un demi-siècle par des principes fondamentaux de rigueur et de compétence, et des valeurs morales ancestrales. C’est forcément une difficulté, car les médias ne se privent pas de faire régulièrement écho de scandales liés aux ambitions basiques de quelques-uns et à leur besoin de faire carrière, exemples qui ternissent l’image globale de la classe politique.
Le troisième tient à l’image que certains professionnels de la politique peuvent donner aux électeurs, et je cite là l’exemple de personnages qui n’ont parfois, ni programme réel, ni projet raisonnable. Cet état de fait inquiète et désespère une frange non indifférente des citoyens. Désabusés, toujours prompts à la critique et fondamentalement sceptiques, ils sont la proie facile des diffuseurs de théories complotistes. Convaincus, sans engagement personnel et souvent vaincus par leurs propres faiblesses, les électeurs boudent les urnes, se désintéressent de la gestion et de la gouvernance de leur pays, mais aussi, simplement, de leur commune, voire de leur village. Ils laissent alors à des représentants peu convaincus de leur rôle essentiel dans le fonctionnement de la démocratie, toute latitude pour laisser aller les affaires à vau l’eau ! On dira alors qu’ils font n’importe quoi, n’importe comment et les débats finiront par se limiter à des actes de violence comme on en voit de plus en plus dans les agglomérations importantes.
La fonction publique
La fiscalité est lourde en France, nul ne le conteste ! Oui, le fonctionnement de l’État coûte cher ! Il est de bon ton dans la population de se plaindre des effectifs excessifs de la fonction publique, qui serait la responsable principale du montant des impôts. La question n’est pas si simple, parce que, parallèlement, les Français sont en demande ! Ils veulent de l’Éducation pour leurs enfants et de la Santé pour leurs familles, ils veulent de la Sécurité et de la Justice pour eux-mêmes, ils veulent que l’on dispose d’une énergie moins onéreuse. Ils attendent beaucoup de l’État. Examinons donc ce qu’il en est du poids de la fonction publique. Il n’est pas ici, dans me propos, question de « se débarrasser » des fonctionnaires à qui on ne cesse de jeter la pierre. Leur rôle est indispensable, leur travail et leur investissement ne sont pas à remettre en question.
Mais il y a différentes « fonctions publiques », et leur rôle et leur poids dans le débat sur le coût induit est tout aussi différent !
Il y a d’abord la fonction publique d’État (FPE). Les administrations centrales comme les services centraux des ministères gèrent l’action de l’État au niveau national et les services déconcentrés comme les directions départementales ou les préfectures relaient les actions en province. Si pendant quelques années, le nombre de fonctionnaires de services de l’État a régulièrement augmenté, ce n’est plus le cas aujourd’hui où ses effectifs diminuent. Actuellement, le ratio est d’environ 90 agents de la FPE pour 1 000 administrés, dont environ 20 % sont des contractuels.
C’est cette administration au service des citoyens, dont la création par Napoléon 1er a longtemps fait la force de notre nation, et ce jusqu’à aujourd’hui, en dépit de la succession des régimes, les deux Empires, la Royauté revenue et puis la République. Contrairement aux régimes présidentiels à l’Américaine que certains souhaiterait instaurer, ou aux régimes purement parlementaires que d’autres appellent de leurs vœux, notre système, voulu par le général de Gaulle, est original. Il est semi présidentiel et semi parlementaire. Comme chacun le sait, le président dispose de la légitimité du suffrage universel, et le gouvernement nommé par lui est responsable devant le parlement.
La FPE est notre force et notre stabilité en ce qu’elle contrôle et règlemente. Ce qui peut poser problème, en revanche, c’est cette « fausse fonction publique d’État » caractérisée par la prépondérance des cabinets ministériels sur la vie publique, cabinets qui sont pour nos institutions une sorte de cas particulier.
Dans la hiérarchie des agents rémunérés par l’État, les fonctionnaires en postes dans les cabinets ministériels sont parmi les mieux traités. Leurs rémunérations et leurs avantages divers n’expliquent pas à eux seuls l’augmentation des dépenses publiques en comparaison du PIB. Néanmoins, dans une période où tous les Français sont appelés à faire des efforts conséquents, la diffusion régulière par les médias des chiffres concernés donne une image assez déplaisante du fonctionnement de notre exécutif, une façon de dire que les efforts imposés à la population ordinaire ne concernent pas une sorte de classe à part.
Il faut de toute urgence diffuser un message inverse ! L’exécutif a pleinement conscience de la situation délicate qui se présente à nous et les efforts doivent être faits par tous les salariés, y compris par ceux qui sont les plus proches du pouvoir ! Le gouvernement doit mettre en place un vrai programme, celui qui consistera enfin à remettre les français au « travail » et de partager équitablement les fruits d’une croissance en laquelle on croit.
Je n’insisterai jamais assez sur l’importance la valeur « travail » et sur la relation qui doit être valorisée entre le travail effectué, l’identité affirmée et la rémunération reçue. Cet équilibre malheureusement précaire doit être retrouvé. Ne pas travailler est inconcevable dans un pays dont des générations passées de travailleurs se sont battues pour obtenir des lois justes et respectueuses, et respecter la lettre de la Constitution qui prévoit « les modalités de la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis ».
Ne pas être payé à hauteur de son travail n’est pas concevable non plus, mais être rémunéré dans la fonction publique au-delà de la moyenne n’est pas non plus acceptable. Et de ce point de vue, l’exemple des cabinets ministériels est parlant ! Tant en analyse quantitative que qualitative. On constate en effet, depuis 1958, une explosion progressive de l’effectif global des cabinets ministériels et de leur rémunération.
Le Gouvernement mis en place en 2020 comptait 43 ministres et 570 membres de cabinets, soit 270 de plus qu’en 2017, un effectif que l’on peut réellement qualifier de pléthorique, alors que la crise se profilait déjà. On en a une preuve concrète avec la parution d’un décret du 18 mai 2017 portant les effectifs maxima des cabinets ministériels, de 10 à 15 pour les ministres, de 8 à 13 pour les ministres délégués, et de 5 à membres pour les secrétaires d’État ! On ne peut que s’interroger sur les raisons d’une telle décision quand on sait que le réel travail de rédaction législative est effectué par les services juridiques (du ministère de la Justice, par exemple) et non pas par les cabinets ministériels.
Il y a ensuite la fonction publique hospitalière (FPH), dont l’importance n’est jamais critiquée par les électeurs en attente d’un service de Santé performant et reconnu depuis des décennies comme l’un des meilleurs du monde. Les agents de la FPH interviennent dans l’ensemble des établissements à caractère public (hôpitaux, maisons de repos, maisons de retraite) et ses effectifs (dont 20 % de contractuels) sont plutôt stables.
Il y a enfin la fonction publique territoriale (FPT) qui englobent les emplois des collectivités territoriales (communes, régions, départements et leurs établissements publics), en augmentation régulière depuis plusieurs décennies et qui représente 34 % des 6 millions d’agents de l’ensemble des trois fonctions publiques. La proportion des contractuels y est aussi d’environ 20 %.
Depuis 1998, alors que la population française a augmenté de 11 %, les effectifs globaux des trois fonctions publiques sont passés de 4,7 millions à plus de 5,5 millions, ce qui représente une hausse de 17 %. Si les effectifs de la fonction publique d’État ont légèrement diminué, ceux de la fonction publique territoriale ont connu une hausse de 50 % et ceux des hôpitaux de 30 %. Ce dernier chiffre s’explique facilement par le vieillissement de la population, et il n’y a rien à y redire sauf si cet accroissement concerne des fonctions transverses alors que nous sommes à l’heure du digital..
A contrario, l’inflation des effectifs de fonctionnaires affectés dans les collectivités locales est difficilement compréhensible. Il faudrait consacrer un article entier, plus largement documenté et chiffré pour y voir plus clair dans cette nébuleuse désormais coûteuse et dont les contribuables sont les premières « victimes » dans le contexte variable des impôts locaux qui varient de façon erratique d’une commune à une autre. Mais chacun, dans sa propre commune, a la possibilité d’analyser et de comparer les chiffres du budget au regard des projets, des promesses et des réalisations, et parfois, de s’étonner, notamment du nombre de fonctionnaires ou du nombre de véhicules frappés du logo de la ville circulant en dehors des heures de service.
En complément de ces chiffres, il faut préciser enfin qu’un agent sur cinq est contractuel, et qu’il n’est donc pas recruté sur concours, même s’il bénéficie d’être embauché sous la seule responsabilité de l’élu, et dispose d’un contrat de droit public, sans pour autant bénéficier des mêmes droits que les fonctionnaires titulaires. Il est également important de remarquer que les fonctionnaires (toutes origines confondues) ne représentent que 20 % du marché global de l’emploi en France, ce qui veut dire que 80 % des salariés français ne sont pas, quoi qu’on en pense, des fonctionnaires !
Des projets pour un État « créateur de valeur »
Le gouvernement devrait sans doute envisager d’affecter ces effectifs coûteux à la définition et au développement d’un grand projet de valorisation du travail dans toutes les couches de la société. Il est grand temps pour le gouvernement de consacrer toutes ces énergies à créer de la valeur. Investir de telles sommes dans des emplois peu productifs, doit l’amener à s’interroger sur la plus-value qu’apporte les effectifs souvent pléthoriques des cabinets ministériels. Ces équipes d’amis, de clients ou de collaborateurs sans métier affirmé, doivent être mises aux services de « fonctions productrices de l’État ». Et ce, sans évoquer les fonctions support des cabinets, les effectifs mis à leur disposition représentant environ 2.500 agents.
Cette « armée » nouvelle doit désormais abandonner ses anciennes fonctions de communicants non « producteur » pour aider l’État à réinvestir les domaines régaliens abandonnés, l’industrie, la recherche, l’écologie, la protection de la nature. Les sujets sont multiples, le programme est vaste. Il est même multiforme.
Il est un temps où le peuple, spectateur résigné des errements politiques et des erreurs commises au nom de la politique des marchés, pourraient fort mal prendre la chose et exiger qu’on lui explique les raisons des difficultés qui se profilent à l’horizon du prochain hiver. Il faut agir pour que le pays ne sombre pas, avec ses citoyens les plus pauvres, dans une misère encore plus sombre que les alarmistes ne l’annoncent.
Le Président de la République, dès sa première élection, s’était engagé à réduire le train de vie de l’État, notamment en constituant « un Gouvernement de 15 membres maximum, très ramassé ! » Il doit s’engager dès maintenant, sur la base de la sacralisation du travail, sur le chemin de la frugalité budgétaire, désormais consacré prioritairement au développement des emplois pérennes et des rémunérations équitables.
Nous le savons tous, travailler, c’est retrouver de la dignité, retrouver une identité, retrouver une légitimité en trouvant sa place dans une République respectueuse de chacun. C’est aussi permettre à cette République de redevenir celle des droits… et des devoirs. Depuis plus de 50 ans, la France s’est égarée dans les contradictions internes de la notion de tolérance. La France est sans doute « le pays des droits de l’Homme », elle est aussi « le pays des devoirs du citoyen » envers sa nation.
Il est temps de revenir à la juste définition des mots : Contrairement à ce que disent certains, la compréhension des devoirs est aussi importante que celle de l’affirmation des droits. Je rappelle les termes du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 : Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004.
Il faut préciser ce qu’est la souveraineté nationale, ainsi que le précise l’article 2 de la Constitution : La langue de la République est le français. L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge. L’hymne national est « La Marseillaise ». La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ». Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
Il ne saurait donc pas possible, et ce en aucun cas, de pouvoir y déroger. Or, il semble bien que dans l’esprit de nombreux citoyens, l’idée même, non inscrite en tant que telle, d’une République obligeant le citoyen à des « devoirs » n’est pas une réalité. Chacun ne voit que ce qui l’arrange, la France étant LE pays des « droits » de l’homme…
Il faut en finir avec cette conception où l’on tolère jusqu’à l’intolérable. Cette perception est celle de ceux qui prône cette maxime imparable à leurs yeux : « J’ai tous les droits, ils sont inscrits dans la Constitution ». Il est donc de la mission régalienne de l’État que de faire respecter « l’esprit et la lettre » de notre démocratie républicaine. Point de droits sans respects des devoirs. Il en est ainsi de l’investissement citoyen. On ne peut recevoir sans donner, et si l’on donne, on doit recevoir. C’est ainsi qu’il faut remettre le pays au « travail ». Arrêter de distribuer des allocations pour tout et à n’importe qui, sans raison, et sans contrepartie.
La production de valeur
Nul ne conteste que le fonctionnement de l’État ait un coût, mais ce dernier doit donner l’exemple, en temps de réussite économique comme en période critique où des efforts considérables sont demandés aux Français par la voie fiscale. Il faut en effet en revenir à une conception plus « raisonnable » du fonctionnement des institutions. Je prends ce mot au pluriel, car ce qui est vrai pour le train de vie princier, monarchique de l’exécutif est également valable pour les dépenses des assemblées, des corps constitués, et des collectivités locales et territoriales !
Tous ceux qui connaissent le fonctionnement démocratique, le mille-feuilles administratifs de nos communes, de nos communautés de communes, de nos syndicats intercommunaux, de nos cantons et de nos départements, et enfin de nos petites et grandes régions, savent à quel point ces entités sont distributrices d’indemnités diverses, de subventions et d’honoraires qui, rajoutées les unes aux autres, font de nos élus de « province » des petits barons locaux disposant de moyens supérieurs à la moyenne.
En 1980, le pays comptait 3 strates de décision, État, Régions et Communes qui disposaient chacune d’un budget et de responsabilités différenciées ou partagées. Aujourd’hui, ce sont 8 strates qui coiffent le territoire, employant des fonctionnaires dans les différentes collectivités locales dont les pouvoirs se contrarient ou s’interposent ! À l’heure du digital et bientôt de la physique quantique (intelligence artificielle), cela frise l’absurde.
Le coût de l’action de l’État peut être élevé, compte tenu de ses missions régaliennes et en fonction des objectifs fixés par le peuple à ses représentants, ! Encore faut-il qu’il soit justifié et qu’on en légitime l’objet. Que cela coûte cher de gouverner un pays comme la France, c’est certain ! Mais comment justifie-t-on les chiffres évoqués dans mon article de la semaine dernière. Comment justifier que le train de vie de l’État représente environ 60 % du PIB, quand l’exécutif ne peut justifier d’aucun projet réussi, d’aucune ambition aboutie. Et comment peut-on supporter la comparaison avec l’Allemagne (51 %) ou le Danemark (50 %) ? Devant la débauche des dépenses de représentation des dirigeants français, comment interpréter la façon de vivre des ministres des pays nordiques, prenant le bus ou le métro pour rentrer chez eux ?
Contrairement à une entreprise, qui dépense parfois beaucoup pour son projet industriel ou commercial et qui crée de la valeur, l’État Français ne crée pas de valeur. L’État Français n’est plus ce partenaire du renouveau industriel des 60 Glorieuses de notre pays. L’exécutif a vendu les richesses du pays, ses savoir-faire et ses technologies.
Là où l’exécutif était « à la manœuvre », actionnaire, et surtout dirigeant, qu’il imposait ses vues dans des projets industriels de haut niveau, qu’il était le « patron », quitte, parfois, à se retrouver dans des conflits sociaux, il se contente aujourd’hui de vendre les biens communs, de profiter des ressources ainsi acquises pour améliorer le quotidien d’un état aux effectifs aussi pléthoriques qu’inutiles. Dans le contexte d’aujourd’hui, il faudrait enfin accepter de reconnaître que l’on s’est trompé, que l’exécutif s’est fourvoyé. L’État doit créer de la valeur, il doit se faire « commerçant ». Il doit se sortir de le ruineuse spirale infernale qui consiste à constater les dégâts et à distribuer des allocations dans tous les sens sur tous les sujets.
Cela commence par la formation, formation qualitative en restructurant les métiers porteurs, formation des esprits en apprenant aux jeunes générations (et à d’autres sans doute aussi) qu’on ne vit pas sans travailler. Sans travail, sans emploi, on n’a pas d’identité dans ce monde. Sans travail, on ne peut pas attendre des allocations éternelles. Qui dit « rémunération » sous quelque forme qu’elle soit, cela implique « travail ». Et du travail, il y en a ! 1 million d’emplois ne sont pas pourvus. Et l’État doit être capable d’en créer.
La situation d’aujourd’hui n’est pas sans rappeler celle de la crise de 1929 aux Etats-Unis et des années 30 en Europe ! Les hausses spéculatives sur les énergies et l’alimentation vont provoquer une dangereuse situation de misère dans les mois prochains. Une politique semblable au « New Deal » du président Roosevelt devra être mise n place. À titre d’exemple, les exigences de la COP 27 et du rapport du GIEC sont en mesure de procurer de nombreux emplois dans le domaine de l’écologie en lutte contre le réchauffement climatique.
Cela continue par l’affirmation d’une nouvelle volonté entrepreneuriale de l’État, un État qui investit dans des projets ambitieux avec un programme affirmé et réaliste. Le renouveau de l’agriculture et des industries agro-alimentaires de notre pays sont autant d’autres filons d’emplois qu’il est possible de développer. Le monde de la technologie pure, celui de l’intelligence artificielle, comme celui de l’image et des activités artistiques sont également dans une phase de développement comme on en a rarement connu.
Cela implique enfin une prise en considération du devenir erratique de sa jeunesse !Encore faudrait-il que ces projets rencontrent l’adhésion de notre jeune population qui, déçue par le comportement de ses élites, prend ses distances avec l’engagement citoyen, refuse de se rendre aux urnes en sachant (et c’est la triste réalité) qu’aucun des candidats à l’élection ne porte le plus petit projet, qu’il n’a pas de programme et qu’il devra compter sur des alliances de circonstances pour espérer obtenir des votes favorables.
Conclusion
Il n’y a aucune autre solution ! La fiscalité a atteint en France un niveau insupportable. Elle doit donc baisser ! L’effort qui est sans cesse demandé aux classes moyennes doit être imposé aux élites. Tout cet argent doit être utilisé à bon escient, pas pour le confort et le luxe de quelques privilégiés, notamment pas quand ils sont élus sur la base d’un « principe qui est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».
Il conviendrait que les médias cessent de parler de « l’inflation causée par la guerre en Ukraine », pour parler de « l’inflation provoquée par l’État et les spéculateurs du monde capitaliste ».
L’argent des « surprofits » doit être réinvestis dans l’économie de proximité, cela permettra à des départements, à des régions, de retrouver de l’attractivité..Une vraie décentralisation… Car Paris n’est plus une ville où le peuple de Paris cher à Victor Hugo peut encore vivre ! Il n’en a pas les moyens, par la bienveillante action des élus et de ceux qui ont vendu la ville aux spéculateurs venus du monde entier.
Le Grand Paris s’étend au-delà du périphérique parisien dans un rayon de bientôt 100 km. Les « grand-parisiens » ne pourront même plus se rendre à leur travail, car les distances et les temps de trajet leur rendront la chose impossible. En province, à l’exception de quelques villes où les transports en commun rendent encore la chose possible, point de salut pour le rural qui veut se déplacer, travailler, faire des démarches administratives (tout ne se traite pas par internet), aller se faire soigner, etc. Alors, n’est-il pas arrivé le moment de diminuer les impôts et taxes sur les carburants ? Mais pour cela, il faut être capable de créer des « revenus de substitution », d’entrer réellement dans un modèle nouveau d’économie « mixte » avec une interactivité entre « public et privé », bien au-delà de simples « partenariats ».
L’Etat, et toutes ses composantes ou dérivées, ne doit plus « vivre » sur les seules recettes fiscales mais au contraire, sur la « création de valeur » à laquelle il aura réellement contribué.
Bernard Chaussegros