Les entrepreneurs qui se sont lancés sur le créneau de la livraison de plats chez les particuliers veulent faire entendre leur différence face à la concurrence internationale et au mastodonte Uber.
D’ici quelques années, pas sûr que nous continuions à sortir pour aller au restaurant. En effet, dans un contexte de croissance continue du e-commerce (11,2% en France et 14,3% en Europe), le secteur de la commande de restauration livrée à domicile a le vent en poupe.
Ce marché représente plus de 20 Mds€ de volume d’affaires en Europe et 1 Md€ en France. «Le marché français a encore un immense potentiel de développement comparé à l’Angleterre.
Le rapport est de 1 à 7 aujourd’hui. Il va se réduire avec le développement de l’offre de restauration livrée en province et l’arrivée d’enseignes à forte valeur ajoutée», indique Gilles Raison, directeur général du leader du secteur en France, Allo Resto.
La livraison à domicile d’une offre de restauration n’a, en soi, rien de nouveau, mais ce qui a changé, «c’est qu’avec l’essor des smartphones et des connexions haut débit, il n’a jamais été aussi simple d’accéder à Internet, à n’importe quel moment, de n’importe où.
Nomade et connecté, le consommateur a aujourd’hui la possibilité de commander partout et à tout moment». Et la livraison de repas à domicile est l’un des secteurs qui profite le plus de cette hyper-connectivité.
Nouveaux modes de vie
La livraison de plats à domicile répond également aux changements sociologiques : des trajets maison/bureau qui s’allongent, un nombre de célibataires qui a plus que doublé en 40 ans, des familles monoparentales plus nombreuses… autant de raisons qui poussent à chercher des alternatives.
«Aujourd’hui, nos utilisateurs sont principalement des urbains actifs, solo ou en couple, entre 20 et 40 ans, qui ont très tôt adopté les outils digitaux. Mais de plus en plus de familles rejoignent le mouvement, entre la flemme de cuisinier et l’envie d’une expérience culinaire différente».
Autre marché qui se développe, la livraison sur le lieu de travail : «Le sandwich tous les midis, ça suffit ! Et, lorsqu’une réunion importante avec un client se profile, plutôt que de l’emmener au restaurant, chronophage et peu propice aux échanges confidentiels, rien ne vaut un bon repas livré directement dans la salle de réunion». Un tel potentiel a de quoi aiguiser bien des appétits, et pas uniquement chez les consommateurs.
Ogres internationaux…
Le phénomène est universel. Sans surprise, les grands acteurs entendent bien s’imposer comme l’Airbnb ou le BlaBlaCar du secteur. Ainsi, Just Eat, jeune pousse danoise lancée dans un sous-sol en 2001, est n°1 mondial, valorisée aujourd’hui 3 Mds€ à la Bourse de Londres.
En 2012, elle s’est d’ailleurs emparée du pionnier français, Allo Resto, site lancé en 1998, juste au moment de la Coupe du monde de football, par un étudiant, Sébastien Forest, toujours actionnaire et membre du board. Sur les six premiers mois de l’année, Just Eat a enregistré 41,9 millions de commandes de repas en ligne dans le monde, soit plus de 950 M€ en volume d’affaires, en progression de 54%, avec 11 millions d’utilisateurs actifs pour plus de 59.000 restaurants référencés.
Les investisseurs ne s’y trompent pas. Deliveroo, une jeune pousse londonienne lancée en 2013 autour d’un concept de livraisons de plats préparés par des restaurants de quartiers sélectionnés par des coursiers en vélo, vient de réaliser un second tour de table de 100 M$ (95 M€) quelques mois seulement après une première levée de 25 M$ (23,5 M€). De quoi accélérer son développement international.
L’entreprise, qui vient de s’implanter à Paris, se lance en Asie (Hong Kong, Singapour) et en Australie (Melbourne et Sydney).
Mais c’est évidemment l’arrivée d’UberEATS, proposé par Uber, qui suscite toutes les interrogations et tous les fantasmes. Le service consiste à se faire livrer en moins de 10 minutes un plat, au moyen de son smartphone, grâce à la même application que pour commander une VTC. Lancé depuis 1 an aux États-Unis dans une dizaine de villes, UberEATS s’intègre dans la stratégie «logistique» d’Uber.
«Dans un monde où la technologie vous permet de commander en 5 minutes une voiture pour faire un trajet, imaginez tous les autres biens et services que l’on pourrait obtenir rapidement et sûrement à l’aide d’une seule touche», explique son fondateur Travis Kalanick. La force de frappe de l’entreprise américaine réside dans sa flotte de plus de 200.000 chauffeurs, deux fois plus que chez le spécialiste de la logistique UPS.
… et petits poucets français
Face à ces géants aux moyens considérables, quelle place pour les jeunes pousses hexagonales ? Difficile d’imaginer aujourd’hui l’émergence d’un compétiteur capable de jouer dans la cour des grands.
En revanche, en misant sur des marchés de niche, un positionnement plus qualificatif et la qualité de service, il y a sans aucun doute des places à prendre. C’est en tout cas le pari de ces entrepreneurs qui se sont lancés ces derniers temps. Après tout, à côté de McDonald ou Subway, il y a toujours une place pour le bistrot de quartier ou le grand restaurant gastronomique.
Autant d’expression d’un savoir-faire français qui ne demande qu’à bénéficier, lui aussi, de la révolution numérique.