Par Justine Coret, Avocat associé du département social – Cabinet AYACHE
C’est ainsi qu’on a pu voir se multiplier des situations de salariés choisissant d’établir leur résidence personnelle en province alors qu’ils travaillaient à Paris, partageant leur temps entre leur domicile et leur entreprise.
Au terme du Code du travail, tout employeur, privé ou public, a l’obligation de prendre en charge au moins la moitié du prix de l’abonnement aux transports publics souscrit par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail.
La notion de domicile ou résidence habituelle peut être difficile à déterminer lorsque le salarié a une double résidence (la semaine dans la ville où il travaille et le week-end dans la ville où réside sa famille).
Pour la Cour de cassation, la résidence habituelle est le lieu où le salarié a fixé le centre permanent ou habituel de ses intérêts ; pour l’administration, il s’agit du milieu où le salarié réside pendant les jours travaillés. Ainsi, un salarié ayant une double résidence, par exemple la semaine à Paris où il travaille et le week-end à Bordeaux où habite sa famille, doit être considéré comme ayant sa résidence à Paris, de sorte que seul son abonnement aux transports en commun entre son domicile parisien et son lieu de travail ouvre droit à prise en charge.
Les choses se compliquent lorsque les salariés choisissent d’éloigner leur domicile de leur lieu de travail : l’addition pour les entreprises concernées peut être élevée.
La question s’est posée de savoir s’il était possible de refuser de prendre en charge partiellement le coût de l’abonnement aux transports publics d’un salarié au motif que l’éloignement géographique de ce dernier était lié à sa convenance personnelle.
Le tribunal judiciaire de Paris, saisi de cette question en 2022, avait répondu par la négative dans un jugement du 5 juillet 2022, estimant que l’employeur ne pouvait valablement ajouter une condition non prévue par la loi.
La Cour d’appel de Paris, appelée à se prononcer sur ce même jugement du Tribunal judiciaire, a confirmé cette position dans un arrêt du 14 septembre 2023, et rappelé sans aucune ambigüité que l’éloignement géographique du domicile du salarié pour convenance personnelle ne pouvait justifier un refus de remboursement des frais de transport en commun pour les trajets domicile – lieu de travail.
Dans cette affaire, l’employeur avait instauré un critère d’éloignement géographique entre la résidence habituelle des salariés et le lieu de travail, conditionnant la prise en charge partielle du coût de l’abonnement aux titres de transport à une durée maximale de trajet journalier domicile-lieu de travail de 4 heures aller-retour. La Cour d’appel, en décidant que la prise en charge des frais de transport devait être effectuée sans distinction entre les salariés, quel que soit leur lieu de résidence, a confirmé la jurisprudence de la Cour de Cassation (Cass. Soc. 12 décembre 2012, n°11-25.089), rendue au motif que toute personne doit disposer de la liberté de choisir son domicile.
Reste à savoir si la Haute Cour infléchira sa position pour adapter sa jurisprudence à une réalité de plus en plus fréquente, et éviter que les entreprises ne soient tentées, pour maitriser leurs coûts à cet égard, de limiter le télétravail voire imposer un retour en présentiel.
Justine Coret
Avocat associé du département social – Cabinet AYACHE
Frais de transport domicile – travail : une prise en charge obligatoire quel que soit l’éloignement géographique
La pandémie de Covid 19 a modifié en profondeur les modes de travail : les entreprises ont eu recours massivement au télétravail, lequel s’est ensuite imposé comme une nouvelle modalité pérenne d’organisation du travail ; certains salariés ont alors choisi d’éloigner leur domicile personnel de leur lieu de travail.