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France et États-Unis : oui au devoir de mémoire, non à la servitude !


La chronique économique de Bernard Chaussegros « L’Europe doit sa liberté aux États-Unis. Du rôle des États-Unis pendant la seconde guerre mondiale on retient souvent le débarquement allié de Normandie, qui a permis de consacrer le pays comme le libérateur de l’Europe. On omet ainsi qu’entre 1939 et 1941 la politique...

Entreprendre - France et États-Unis : oui au devoir de mémoire, non à la servitude !

La chronique économique de Bernard Chaussegros

« L’Europe doit sa liberté aux États-Unis. Du rôle des États-Unis pendant la seconde guerre mondiale on retient souvent le débarquement allié de Normandie, qui a permis de consacrer le pays comme le libérateur de l’Europe. On omet ainsi qu’entre 1939 et 1941 la politique de Washington préférait la neutralité et l’isolationnisme au « combat pour la liberté ».
Serge HALIMI – Le Monde Diplomatique.

L’Europe doit sa liberté aux États-Unis, c’est indéniable et il ne faut pas l’oublier, comme d’ailleurs la victoire sur l’obscurantisme représenté par le nazisme. Cette « dette morale », et financière sans doute, nous la portons depuis des décennies mais est-ce la raison de notre soumission économique ?

Nous avons alors décidé de bâtir une Europe du Marché Unique puisque l’Europe des Nations puissantes nous avait inexorablement projeté dans des guerres que l’on pourrait qualifier de civiles tant elles étaient fratricides.

Sans refaire l’histoire, il suffit, en cette période pandémique, d’identifier les sociétés qui ont « surfé » sur cette crise : Amazon, Netflix, Uber Eats, Facebook, Google, Deliveroo…en résumé, toutes américaines. Pourquoi ?

Depuis 70 ans, nos décisions de politiques économiques ne sont prises qu’à l’aune de celles édictées par nos « grands frères d’outre-Atlantique », nous avons d’ailleurs abandonné « l’espace d’Ariane » au profit d’un « voyagiste américain ».

Nous devons retrouver notre souveraineté nationale et notre indépendance sociétale et économique car l’image de la 5e puissance mondiale s’est délitée avec les années.

Malgré la Francophonie dont on tend pourtant à percevoir l’incroyable potentiel futur, nous avons même perdu de notre légitimité sur le continent africain qui était notre partenaire historique et qui sera demain, les américains, chinois et même russes l’ont bien compris, un axe de développement majeur du 21 e siècle. Au temps de « la mondialisation », nous avons un train de retard alors que nos TGV sont régulièrement cités comme une réussite technologique.

Mais revenons tout simplement sur « le plancher des vaches », celui de notre beau pays qui accueillait, l’année dernière encore, plus de 80 millions de visiteurs. Il est bien loin ce temps- là et sans tomber dans les affres d’une crise interminable, il est constant de penser que nous ne sommes pas, en dépit de toutes les déclarations d’espoir d’un retour à une situation normale, au bout de nos angoisses.

En effet, on ne peut pas reprocher à l’Etat de n’avoir pas soutenu nos entreprises pendant cette période, mais c’est aussi « l’arbre qui cache la forêt » car sans reprise économique, la grande majorité d’entre elles vont se retrouver au tapis.

Il faut arrêter de « réagir ou surréagir », il convient enfin d’anticiper et de prévoir. Le monde change, les modes de consommation évoluent, notre pays doit s’inscrire dans ce mouvement et consolider les secteurs qui seront, demain, créateurs d’emplois et de valeur et aussi capable de s’inscrire dans la nécessaire transition environnementale.

Nous avons la chance d’avoir des « vraies intelligences » dans l’hexagone, particulièrement bien formées, et nous devons avoir pour ambition de leur donner les moyens de grandir et de s’industrialiser plutôt que de se retrouver en position de suiveur ou de simple prestataire de géants américains. En effet, même de taille reconnue, un fleuron comme SANOFI dont on pourrait disserter sur les choix stratégiques et financiers, n’est qu’un faire-valoir de PFIZER.

Biotech, Bio énergie, Bio agriculture, fintech, tourisme, industries « green », laboratoires pharmaceutiques, puces électroniques (dont la pénurie est criante) …toutes ces activités sont les leviers de notre avenir et celles de nos enfants et petits-enfants.

L’Etat français propose d’injecter quelques milliards dans un plan de relance économique dont les régions seront les garantes, c’est peut-être, depuis 1981, le premieracte de réelle décentralisation, il est en effet, inconcevable, de décider à Paris, des actions à mener en Bretagne ou en Provence. Nous devons être réalistes, nos provinces, par leur typologie et leur situation géographique, ne sont pas toutes identiques et ne recèlent pas des mêmes « richesses ». Donnons à leurs présidents les clés de la reprise en main des territoires, créons les conditions de cette formidable dynamique dont notre pays manque cruellement.

Mais nous tous, citoyens français, soyons aussi actifs et maitres de notre destin, abondons dans un fonds ou un grand emprunt national destiné à financer ces orientations économiques qui définiront notre stratégie gouvernementale de demain et qui repositionneront le pays sur l’échiquier mondial.

Il y a la France qui attend et celle qui s’engage, comme ce merveilleux personnel médical qui œuvre sans compter, dans des conditions de travail plus que dégradées, pour faire face à ce fléau pandémique tout en assurant la gestion des autres pathologies, et ce, toujours avec compétence, abnégation et sourire.

C’est la lueur d’espoir à laquelle nous allons nous accrocher pour croire que c’est encore possible de tout changer, faire « un reset » et « oser » pour relever un défi qui peut sembler irréalisable, mais dans le passé, n’avons-nous pas surmonté les conséquences de quasiment trois guerres consécutives en moins d’un siècle, nous pouvons le faire, nous savons le faire pour nous affranchir définitivement de cette dépendance économique qui nous inhibe et limite notre capacité créative. Il est temps de retrouver notre envie et notre allant, et dans cet élan national, la France sera de retour !

Bernard CHAUSSEGROS

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