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Franck Julien, l’homme pressé


En dix sept ans, ce diplômé de droit à la Sorbonne de 52 ans a transformé l’entreprise familiale fondée par son grand-père en champion mondial du facility management. Un formidable parcours pour un entrepreneur bulldozer qui fuit les mondalités et mêne sa croissance tambour battant. Son épouse, Sophie Pécriaux, n’est pas en reste, elle a fondé City One, la première agence d’accueil clients. Même si il s’est payé récemment La Tribune, ainsi qu’une loge au Parc des Princes, cet homme pressé ne semble jamais décrocher. Son hypercroissance est un cas d’école pour nos entreprises en mal de projets de développement. Si on avait d’avantage de Franck Julien, notre économie serait, sans doute, un dragon mondial...

Entreprendre - Franck Julien, l’homme pressé

En dix sept ans, ce diplômé de droit à la Sorbonne de 52 ans a transformé l’entreprise familiale fondée par son grand-père en champion mondial du facility management. Un formidable parcours pour un entrepreneur bulldozer qui fuit les mondalités et mêne sa croissance tambour battant. Son épouse, Sophie Pécriaux, n’est pas en reste, elle a fondé City One, la première agence d’accueil clients. Même si il s’est payé récemment La Tribune, ainsi qu’une loge au Parc des Princes, cet homme pressé ne semble jamais décrocher. Son hypercroissance est un cas d’école pour nos entreprises en mal de projets de développement. Si on avait d’avantage de Franck Julien, notre économie serait, sans doute, un dragon mondial…

C’est assez extrahordinaire ! Comment avez-vous pu transformer en l’espace de 20 ans, une PME familiale de nettoyage industriel en géant mondial du service de plus de 3 milliards d’euros de CA ?

Franck Julien : Nous avons suivi nos clients, qui avaient tendance à se globaliser et à se consolider entre eux, étendant mécaniquement leur couverture géographique. Notre second axe stratégique a consisté à ne pas être marginalisé, la marginalisation conduisant nécessairement à devenir sous-traitant de clients qui sont mondiaux et à se privant d’un accès direct aux clients. Nous avons toujours souhaité conserver un contact direct pour ne pas perdre notre indépendance, alors que ce schéma a séduit certains de nos confrères ont privilégié.

Comment avez-vous réussi un tel redéploiement à l’international ?

Nous avons initié notre développement à l’international en commençant par des pays d’Europe centrale qui, à l’époque, étaient moins matures qu’aujourd’hui. Nous sommes aujourd’hui le plus important réseau de facility management en Europe centrale, et nous couvrons la quasi-totalité des pays. En Europe centrale, les goodwill (écart entre la valeur comptable d’une entreprise et le prix effectivement payée — ndlr) étaient moins élevés qu’au Royaume-Uni ou en France, et la croissance y était forte. Nous n’étions pas en capacité d’acquérir des entreprises à l’international, d’autant que dans le cadre d’une première implantation, il n’existe pas de synergie possible.

Il nous est donc apparu plus simple de nous concentrer sur l’émergence plutôt que d’aller dans la maturité. Nous avons ensuite poursuivi notre développement hors de nos frontières au Benelux. En parallèle, nous nous sommes intéressés à l’Asie du Sud-Est et ses croissances très fortes. Nous avons également eu l’opportunité grâce à une opération de croissance externe (le rachat de l’américain Temco-Euroclean en 2016, ndlr) de nous installer aux Etats-Unis. La société Temco-Euroclean présentait l’avantage d’être implantée aux Etats-Unis mais également au Benelux. Dans le cadre de cette opération, nous avons eu l’opportunité de créer les synergies sur au moins la moitié de l’opération, ce qui nous a permis de pénétrer le marché américain.

Votre groupe a acquis plus de 250 entreprises en 70 ans, un véritable record ! Comment est-ce possible ?

Nous privilégions des structures portées par des entrepreneurs. Au départ, nous ne prenons que 51% des sociétés que nous rachetons, avant de monter progressivement au capital par l’ intermédiaire de formules et de conventions, et ce jusqu’à 100% (Pinson Paysage en 2007, Veolia Propreté Nettoyage et Multiservices en 2009, Eurogem et AB Facility en 2017, ndlr). Ce modèle présente l’avantage de la sécurité à travers la garantie d’actif et de passif. Par ailleurs, si vous avez bien choisi votre cible au départ, cela permet d’avoir une visualisation assez rapide du marché car vous devenez immédiatement local grâce à l’expérience de l’entrepreneur avec lequel vous vous associez. C’est un moyen efficace de poursuivre la croissance organique et la croissance externe.

Comment maintenir une telle culture d’entrepreneurs au sein d’un groupe 125 000 collaborateurs ?

Nous sommes organisés par direction de zones, chaque patron de zone devant être dans la même veine que l’entreprise, partager la même vision et être animé de la même volonté. À partir de là, cela fonctionne en cascade. Si vous avez quelqu’un de terrain qui croit dans les valeurs de l’entreprise, il aura naturellement tendance à recruter des collaborateurs qui lui ressemblent et partagent le même référentiel de valeurs.

Nous devons être proches de nos équipes. Le management de l’entreprise doit se déplacer régulièrement dans les différentes zones afin de promouvoir l’esprit de l’entreprise. Nous avons également mis en place une politique des ressources humaines afin d’assurer la gestion du capital humain, manager les compétences et les carrières, etc.

Et le digital, cela change quoi pour vous ?

Le digital transforme tous les métiers, même si c’est un peu moins impactant dans notre secteur. Pour nous, le digital constituera un enjeu de rationalisation des organisations du travail à l’avenir, dans le sens où cela nous conduit à une obligation de résultats sans nécessiter de cahier des charges en amont. Les logiciels d’aide à la décision et la présence d’IoT (Internet des objets, ndlr) dans les bâtiments de nos clients permettent de rationaliser les actions menées.

Comme j’aime à le répéter, il est inutile de nettoyer un bureau inoccupé, mais il est, en revanche, important de savoir qu’une salle de réunion est plus fréquemment occupée qu’à la normale afin de la nettoyer plus souvent. Grâce à ces outils technologiques permettant un pilotage plus fin et intelligent, nous allons nous effacer et favoriser le bien- être au travail.

Et la robotique, vous y pensez ?

Il existe des auto-laveuses de surface un peu robotisées qui commencent à sortir mais elles ne sont utilisables que pour une catégorie particulière de clients. Il me semble plus juste de dire que nous allons vers la « co-botique » plutôt que dans la robotique pure qui n’est pas encore très présente dans nos métiers.

Avec l’acquisition du britannique Servest pour un montant de 612 M€, vous rentrez dans le top 5 mondial du « facility management ». Quel est le sens de cette fusion ?

Nous avons fait une énorme acquisition en rachetant cette société qui réalise plus de 800 M€ de chiffres d’affaires et se développe très rapidement en affichant une croissance organique de 10 à 15% par an. Nous sommes en train de finaliser l’intégration complète de l’entreprise afin de constituer un groupe unifié et harmonieux. Cette acquisition nous permet d’atteindre la taille critique pour être en capacité de répondre aux appels d’offres internationaux de grands clients.

Propos recueillis par Isabelle Jouanneau

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