En 2010, il a l’occasion de réaliser son rêve. Alors dirigeant de La Brosse et Dupont depuis 2004, après un parcours chez Thomson CSF ou à Canal+, il a l’opportunité en 2010 de racheter à Bernard Arnault l’entreprise d’accessoires hygiène-beauté. 47 ans à l’époque, François Carayol ne se défausse pas. Et il reprend avec d’autres cadres cette belle ETI pour 45 M€, n’hésitant pas au passage à s’endetter largement.
LVMH lui accordera un crédit vendeur, tout en prenant soin de rester présent dans le capital à hauteur de 33 % des titres alors que rien ne le forçait à rester.
Ce qui démontre que la société conserve un bel avenir : « Je ne comprends pas ce que fait encore Arnault avec nous d’autant que LVMH ne met en œuvre aucune synergie pour développer sur le terrain. C’est incompréhensible ! Dans le secteur du maquillage par exemple, la marque Miss Den ne dépareillerait pas dans le réseau Sephora, et pourtant rien ne se passe ! »
Pas d’industrie sans finance
François Carayol n’a pas sa langue dans sa poche. Pour ce patron proche de ses équipes : « Notre pays est encore trop gouverné par des managers, ce qui n’a rien à voir avec des capitalistes qui prennent des risques, mettant en jeu leur patrimoine avec une obsession, celle du développement ! »
Pour lui, « il faut arrêter de faire la chasse à la finance. Car sans finance, il n’y a pas d’industrie ! Et puis surtout, il faut libérer les entraves à l’essor du capitalisme familial (droits de succession, IFI, impôts de production…) tout en diminuant le nombre de fonctionnaires. Un statut datant de 1946 et qui stérilise tout avec des emplois à vie… et un esprit procédurier. Les dégâts qui en découlent pour l’ensemble de la société sont délétères et sous-estimés. On habitue les gens à ne pas bouger et à ne pas prendre d’initiatives ! »
Alors quand vous abordez avec lui le sujet de la réindustrialisation, Carayol monte sur ses grands chevaux, lui qui a investi 2,5 millions d’euros en 5 ans pour moderniser son outil de production dans son usine de Béthisy-Saint-Pierre dans l’Oise : « Vous plaisantez cher Robert Lafont. Pour bâtir une usine, il n’y a plus de foncier. Avec les lois sur l’artificialisation des sols, on ne trouve plus un seul terrain pour construire. C’est unique en Europe. Là où il faut 3 ou 4 ans de délais chez nous, c’est un an maximum en Allemagne ! ».
Vive le capitalisme familial
On se demande comment un tel patron est arrivé à mobiliser un tel groupe moribond pour le transformer en leader du marché des ustensiles de nettoyage avec 200 millions d’euros de chiffre d’affaires, 11 millions de résultats, 900 collaborateurs et plus de 5000 références dans des domaines aussi différents que la maison (marques Elephant ou Stéripan), l’hygiène-beauté (marque Miss Den) ou la mercerie. Un cas d’école.
« Je suis bien entouré. Mes cadres sont actionnaires. Et jusqu’en bas de la hiérarchie, les collaborateurs sont incités à prendre un maximum d’initiatives. Ce qui n’empêche pas les process, l’organisation et le contrôle ».
Rassurant de voir un industriel performant désireux de renouer avec la tradition française du capitalisme familial prospère : « C’est la seule manière de tirer notre épingle du jeu. Dans la guerre économique, ce sont sur les entreprises enracinées qu’il faut compter. Les autres ont déjà commencé à délocaliser. Le patron de TotalEnergies ne s’en cache pas. Si on continue à lui faire la guerre; il l’a dit et il n’hésitera pas à s’installer aux Pays-Bas ou ailleurs ! »
Arrêtons d’être angéliques ! L’économie, c’est d’abord du pragmatisme. Ce ne sont pas les seuls rêveurs qui réussissent, mais d’abord ceux qui savent transformer leurs rêves en réalité !
Jean-François Guéret