Lancée officiellement par le gouvernement en octobre 2017, La French Fab doit redonner de la visibilité à l’industrie française et au Made in France.
Naissance du concept
La French Fab est née du terrain et d’un besoin émanant des ETI et PME, formulé notamment par les entreprises membres des accélérateurs de Bpifrance ou adhérentes au METI (Mouvement des Entreprises de taille intermédiaire). Ces sociétés ont exprimé le besoin d’avoir un étendard qui puisse mettre en valeur l’industrie française en mouvement à côté de la French Tech.
Nous sommes à un moment où la situation en France est meilleure, les signaux sont plutôt positifs, y compris pour l’industrie qui a retrouvé ses niveaux de marge d’avant-crise.
« C’est le moment d’accélérer le renouveau de l’industrie française, précise Fanny Letier, directrice exécutive chez Bpifrance, direction Fonds Propres PME. Mais pour réussir dans leurs projets de croissance et de transformation, les PMI et ETI ont besoin de visibilité et de capital humain. »
Entre les start-up qui brillent et les grands groupes qui rassurent, réussir à attirer les personnes qui leur permettront de déployer ces projets constitue un vrai challenge.
Il existe également un réel besoin de collectif. « L’industrie française est trop peu visible à l’international du fait probablement que la France n’ait pas assez joué collectif par le passé à côté de pays comme l’Allemagne par exemple qui arrive généralement groupé sous l’étendard « Deutschland AG » ou « Industry 4.0 », ponctue Fanny Letier.
La marque « French Tech » est perçue aujourd’hui comme un succès, un mouvement et un étendard qui a permis de fédérer la Tech française et de lui donner de la visibilité auprès des jeunes, des talents et à l’international. « L’idée de La French Fab est de disposer d’un emblème de l’industrie française en mouvement, souligne la consultante de Bpifrance, un « maillot » pour l’équipe de France de l’industrie. »
Les principaux objectifs de La French Fab
Les principaux objectifs sont précisés par le manifeste de La French Fab, autour de 5 axes :
Accélérer la transformation de l’industrie en France par la diffusion des concepts et des technologies de l’industrie du futur. L’enjeu consiste à digitaliser les industries françaises afin de tendre vers l’industrie du futur.
Mettre en réseau les énergies des acteurs industriels français en constituant cette équipe de France de l’industrie.
Donner de la visibilité et de la fierté aux acteurs qui font l’industrie française au quotidien en France comme à l’étranger. Il faut encourager une forme de rayonnement qui soit simultanément une marque pour les employeurs leur permettant d’attirer les talents et une marque commerciale pour vendre l’industrie française à l’international.
Incarner l’avenir de l’industrie française et l’attractivité des métiers qui la composeront en faisant mieux connaître les directions dans lesquelles les métiers de l’industrie vont évoluer et du coup les besoins de formation associés afin de renforcer le capital humain de l’industrie.
Clarifier l’offre d’accompagnement existante pour les industriels français, insuffisamment visible et accessible. Pourtant, de nombreux acteurs sont engagés aux côtés de l’industrie française. Plusieurs bonne fées se sont penchées sur le berceau de La French Fab en particulier les Régions, Bpifrance, l’Alliance pour l’industrie du futur, Business France, le METI, l’UIMM ainsi que des fédérations industrielles sectorielles comme le GIFAS (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) à l’origine d’un certain nombre de déclarations sur le sujet.
Ensemble, ils offriront un continuum de financement, de formation et de conseil pour accompagner les industriels dans leurs projets de croissance et de transformation.
Prendre en considération l’hétérogénéité des entreprises
Le Conseil national de l’industrie a décidé de construire des parcours d’accompagnement pour les entreprises en fonction de leur niveau de maturité. Certaines entreprises n’ont jamais entendu parler de l’industrie du futur ou ont besoin de mieux comprendre de quoi il s’agit. Il faut donc mener des actions de sensibilisation, de formation, de mise en réseau avec des industries plus avancées.
À l’autre extrême, des entreprises françaises déjà exemplaires en la matière, très avancées, compétitives au plan international, désignées comme les « vitrines » de la French Fab, labellisées par l’Alliance Industrie du Futur, qu’il s’agit d’accompagner dans leur croissance en France et à l’international. Au milieu de cela, des PME/ETI qui ont pris conscience du sujet, ont envie d’opérer leur transformation mais ont besoin d’affiner le diagnostic, le plan d’action et d’aller de l’avant. Un certain nombre d’outils sont mis à leur disposition.
« Les accélérateurs de Bpifrance proposent des programmes intégrés sur 2 ans permettant d’accompagner les entreprises en profondeur dans leurs projets de croissance et de transformation à travers de la formation, du conseil et de la mise en réseau, explicite Fanny Letier. Nous sommes là pour transformer des PME en ETI et des ETI en champions mondiaux. »
L’industrie française aujourd’hui
Lorsque l’on regarde l’industrie française aujourd’hui, les coûts salariaux unitaires sont à peu ceux de l’Allemagne, voire même légèrement inférieurs. Les niveaux de marge des entreprises ont désormais retrouvé un niveau supérieur à celui d’avant crise. Mais la France conserve un problème de compétitivité hors coût.
« Nos produits, facturés comme du haut de gamme, sont perçus comme du milieu de gamme, déplore l’experte chez Bpifrance. Il faut modifier cette perception, et agir sur l’image et le marketing, renforcer et valoriser l’innovation française, à la fois dans les produits et services, mais aussi dans les procédés de production. » Aujourd’hui, l’industrie française a une fenêtre de tir pour changer la donne, il ne faut pas la manquer.
Les enjeux associés au développement des ETI
Les enjeux sont multiples. L’enjeu majeur est la compétitivité hors coût qui adresse trois sujets :
– L’innovation et l’agilité, soit la capacité à faire de l’open innovation pour faire évoluer ses business model et développer des offres différenciantes qui leur permettront d’être pertinents à l’international.
– La transition numérique puisque la France se classe 18ème sur 28 en termes de maturité numérique de ses entreprises selon les baromètres européens.
– Si on s’intéresse aux différentes enquêtes menées, notamment d’Eurofound, on constate qu’il existe également un sujet organisationnel et managérial avec d’importantes marges de progressions possibles.
Ces trois sujets sont traités au sein des Accélérateurs de Bpifrance, l’idée étant d’aider ces ETI à grossir à travers le renforcement de leur capital humain et de leur compétitivité hors coût.
Le rôle des accélérateurs régionaux
« Notre objectif est d’emmener 4000 PME dans des « Accélérateurs » afin de booster leur croissance, avec un impact fort sur l’emploi à la clef, et d’accroître le nombre d’ETI françaises commente Fanny Letier. »
Ce sont des MBA pour entrepreneurs, assortis d’interventions de conseil ciblés pour débloquer les freins opérationnels ou humains à la croissance. La première promotion de 60 entreprises, lancée en mars 2015, a connu une croissance moyenne de 29 % en 2 ans. Avec les régions, Bpifrance souhaite créer cette dynamique dans tous les territoires : d’ores et déjà, les régions Pays de la Loire, Auvergne Rhône Alpes et Nouvelle Aquitaine ont lancé leur accélérateur régional ; 5 à 7 autres se lanceront en 2018.
Les principaux atouts de la France pour réussir la transition numérique de son industrie
Les atouts sont multiples : la France est un pays de créateurs, d’entrepreneurs et d’ingénieurs, et elle dispose de compétences techniques fortes et atteste d’une capacité à innover reconnue. « Autant la force des Allemands réside dans leur capacité à industrialiser de manière robuste et à faire de la qualité, ponctue Fanny Letier, autant la force des Français émane de leur capacité à innover y compris dans les domaines complexes. »
Le fait d’avoir une French Tech très vivante et active surtout beaucoup de sujets, y compris industriels, constitue une véritable valeur ajoutée. Bpifrance a cartographié plus de 300 start-up qui offrent des solutions pour la « smart industry » ; le potentiel de synergies entre La French Tech et La French Fab est réel et il faut l’exploiter pleinement. Il convient également de ne pas négliger la RSE : les entreprises françaises sont très engagées sur le plan de la responsabilité sociale et environnementale. Dans la compétition internationale, cela doit être envisagé comme un avantage compétitif.
Imaginer l’industrie du futur « à la française » ?
Le sujet ne se résume pas uniquement en l’intégration de briques technologiques dans l’entreprise. Lorsque l’on parle d’industrie du futur, on pense souvent à l’impression 3D, l’intelligence artificielle, etc. On imagine souvent qu’il suffirait de brancher ces briques technologiques dans l’usine afin d’en faire une usine du futur. « C’est un leurre, affirme Fanny Letier, l’industrie du futur part d’une innovation stratégique et d’une innovation de business model de l’entreprise. Il s’agit de remettre le client au centre de la conception du produit et du service et d’aller jusqu’à l’intégrer dans les processus et les procédés industriels. »
L’usine de demain doit donc être conçue à partir des « business » de demain. S’organiser pour générer et mobiliser des données, et développer de nouveaux services, c’est cela qui fera de l’industrie du futur non pas seulement un levier de compétitivité mais un levier de croissance.
L’industrie du futur est également une transformation organisationnelle et humaine. « C’est une autre manière de concevoir l’entreprise, de manager les équipes, ce sont des évolutions de compétences très significatives pour les équipes qui supposent des investissements forts dans le capital humain », commente Fanny Letier.
Réussir à faire dialoguer une base industrielle traditionnelle et les start-up
Le dialogue est encore trop peu présent. Bpifrance porte le discours de l’open innovation avec les start-up, et le sujet ne doit pas se limiter aux grands groupes. « Nous avons quelques beaux exemples, confie Fanny Letier. Socomore, une société bretonne spécialisée dans le traitement, l’entretien et la protection des surfaces métalliques et composites dans le domaine de l’aéronautique, a communiqué sur son SocoLab. Elle a hébergé dans ses locaux près de Vannes quelques start-up qui aujourd’hui nourrissent ses innovations futures et lui permettent d’avoir un temps d’avance dans la conception de son métier et le développement de sa stratégie. »
C’est un axe que Bpifrance souhaite pousser de différentes manières : pour les entreprises les moins avancées, grâce à la plateforme que leur a léguée Socomore et à travers laquelle ils avaient accueilli les start-up. BpiFrance a développé l’initiative « Welcome » qui permet aux ETI et PME d’entrer en contact avec des start-up, d’échanger avec elles et de leur proposer de les héberger dans leurs locaux.
Pour les entreprises plus avancées qui souhaitent développer des partenariats innovants, voire investir dans des start-up, il existe le Hub de Bpifrance qui initialement travaillait essentiellement avec des grands corporate mais qui aujourd’hui accompagne également les ETI.