Je m'abonne

Gers : comment le roi du pop-corn a transformé l’économie locale


Qu’il est bon, en ces temps de discours martiaux et dogmatiques, de se replonger dans les réalités de l’économie telles que vécues au plan local lorsque des entrepreneurs sont bien au rendez-vous.

Michael Ehmann, le président de Nataïs, le leader européen du pop-corn.

Voir ainsi comment un simple agriculteur, devenu entrepreneur, peut par son initiative et son succès devenir l’acteur principal du renouveau d’un territoire devrait nous éclairer, et accessoirement redonner un peu de modestie à des élus pas toujours si bien intentionnés dès lors qu’il faut économiser l’argent public !

À Bézéril dans le Gers, département célèbre pour de nombreuses réussites, de l’herboriste Maurice Mességué, au roi de l’accessoire de bricolage (Cogex…) et repreneur des montres Lip, Jean-Claude Sensemat, en passant par l’enseigne gastronomique Comtesse du Barry, un fils d’agriculteur franco-allemand, Michael Ehmann, a l’idée en 1994, après un séjour aux États-Unis, d’essayer d’exploiter dans cette terre de Gascogne et d’Armagnac un maïs à pop-corn d’essence américaine. Après quelques essais et acclimatations liées à la terre et au climat, Michael Ehmann et son épouse fondent dans une grange de leur ferme Pop-Corn Midi-Pyrénées.

Le maïs y est vendu directement à des confiseurs ou en direct à des cinémas. En 2006, les ventes sont bien au rendez-vous et la petite entreprise peut installer sous le nom de Nataïs ses premières chaînes d’ensachage automatique. Le pli est pris, le succès ne se dément pas. Avec un maïs exclusivement local, Nataïs commercialise ses sachets de pop-corn principalement à l’export (92 %), soit 81 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023 pour 152 collaborateurs, en progression de 50 % en 5 ans ! Il est même devenu le leader européen du maïs à pop-corn.

Il est vrai que la demande est bien au rendez-vous. Le marché mondial du pop-corn de 8 milliards d’euros aujourd’hui, selon le cabinet Mordor Intelligence, devrait atteindre les 15 milliards d’ici 5 ans. Et Natais, qui vient d’inaugurer en grandes pompes un splendide nouveau bâtiment bioclimatique de 900 m2, prévoit encore d’investir 18 millions d’euros dans les 5 ans sur nouveaux silos afin d’augmenter ses capacités de stockage.

Difficile de faire mieux : mais ce qu’il y a de remarquable dans cette success-story bien de chez nous, outre le fait qu’elle émane d’un couple d’agriculteurs particulièrement ingénieux et volontaristes, c’est qu’elle démontre bien ce qu’une simple initiative dans un territoire peut redonner localement en emplois, revenus ou dynamisme, un bel effet d’entraînement profitable à tous !

Outre les emplois créés directement chez Nataïs (152), la création d’une nouvelle filière de maïs à pop-corn dans le Gers fait travailler 220 agriculteurs sur plus de 8200 hectares avec des contrats garantissant leurs revenus. Une réussite au long cours qui irrigue l’économie de toute la région sans même parler des impôts locaux dans un territoire rural et sous-industrialisé. Le petit village de Bézéril (90 habitants) perçoit ainsi, selon le journal Les Échos, 105 k€ de recettes fiscales supplémentaires de Nataïs, PME qui n’oublie pas aussi de sponsoriser le fameux festival Jazz in Marciac.

Une démarche qui n’est pas sans rappeler celle prise dans le Sud par le créateur de L’Occitane en Provence et des calissons du Roy René (à Aix-en-Provence), Olivier Baussan, qui après avoir relancé toute une filière agricole autour de la lavande, est en train de récidiver avec celle de la pistache ! Olivier Baussan lance à Valensole (Alpes-de-Haute-Provence) la Maison de la Pistache, voir le reportage dans le magazine Entreprendre n°382 qui lui est consacré.

On aurait pu parler aussi du renouveau de la culture de l’amande avec les initiatives de l’ancien ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, reconverti en utile promoteur de la Compagnie des Amandes, qui vient d’inaugurer à Signes dans le Var, une première casserie qui traitera 3000 tonnes d’amandes chaque année.

Sans parler des chips Belsia, PME fondée près de Chartres, à Letourville dans l’Eure-et-Loir, par un couple de jeunes ingénieurs, Clémence Leduc et Matthieu Maisons, et qui contribue à relancer la culture de la pomme de terre dans la Beauce.

Du gagnant-gagnant, c’est comme cela que l’économie fonctionne et les hommes aussi !

Robert Lafont

À voir aussi