Député LR, président de la Commission des Finances et contributeur du programme de François Fillon, Gilles Carrez analyse avec acuité le fossé qui sépare aujourd’hui le monde de l’entreprise et la classe politique.
Pensez-vous que la classe politique n’est pas pro-entreprise ?
Gilles Carrez
: Les hommes politiques entretiennent une relation ambivalente avec le monde de l’entreprise : conscients qu’elles seules créent de la valeur, ils ne peuvent pour autant s’empêcher de croire que le politique s’impose à l’économie, avec toute la verticalité du pouvoir. On trouve toujours un penchant pour l’interventionnisme, même parmi les plus libéraux d’entre nous !
La vision macro-économique de la plupart des politiques n’est-elle pas éloignée de l’économie réelle, notamment des PME et ETI, créatrices de valeur ?
GC
: Vous avez parfaitement raison. Je m’efforce de le rappeler à mes collègues en leur demandant de rencontrer des chefs d’entreprise, de raisonner à partir de cas concrets, microéconomiques. Le temps de la planification et des grandes décisions statiques, nationales et venues «d’en haut» est révolu : dans un monde globalisé où les hommes et les capitaux se déplacent à toute vitesse, il est grand temps de repenser ce rapport et le sentiment d’impuissance qui en découle.
Prenez l’exemple d’Alstom : devant l’émotion, le gouvernement a agi en pure opportunité politique et ce au mépris des plus élémentaires règles du marché et de la commande publique ! Cela n’est pas de bonne politique et ne contribue qu’à nourrir les populismes en tous genres.
La représentativité des chefs d’entreprise parmi les élus et les politiques est-elle suffisante ?
GC
: Non, bien entendu. Cela étant, notre système électoral ne favorise en rien l’émergence d’une classe politique issue du privé et ce principalement pour des raisons matérielles. Qui, hormis un fonctionnaire, peut décemment se mettre en disponibilité le temps d’une campagne électorale ? J’ajoute que la suppression du cumul des mandats risque d’accentuer cette tendance.
Comment améliorer les échanges entre les deux mondes ?
GC
: J’observe, notamment en matière de fiscalité, que la plupart des décisions publiques prises ces dernières années après consultation des parties prenantes, en les intégrant véritablement au processus décisionnel, ont rarement été remises en causes. Prenez l’exemple des «Pigeons» : il est éloquent de voir que le système d’imposition des plus-values mobilières issu des assises de la fiscalité après l’épisode dramatique de l’automne 2012 n’a fait l’objet d’aucune remise en cause depuis lors.
Je pourrais multiplier les exemples. C’est donc vers cette voie qu’il faut converger, tout en gardant à l’esprit l’absolue nécessité de ne pas sombrer dans des considérations sectorielles qui risqueraient d’anéantir la légitimité politique à réformer.