Je m'abonne

Guillaume Bremond et Thomas Picquette : « Visiomed a pour ambition de devenir un acteur majeur de la prévention et de la médecine personnalisée »


Groupe international dédié à l’innovation médicale, Visiomed peut aujourd’hui se targuer d’une croissance très soutenue, d’une rentabilité enfin trouvée et d’un renforcement de ses positions au sein du très stratégique marché de la péninsule arabique. Mais le groupe, qui cherche à diversifier ses activités, a longtemps connu des difficultés. Rencontre avec ses dirigeants, qui s’engagent pour un « nouveau Visiomed » et sont en passe de réussir leur pari de devenir un acteur majeur de « la prévention, de l’examen médical et de la médecine personnalisée ».

Guillaume Bremond et Thomas Picquette

Vous avez traversé une période difficile, notamment liée aux agissements supposés d’anciens cadres dirigeants du groupe accusés d’avoir fourni des informations financières trompeuses aux marchés financiers entre fin 2017 et juillet 2019. Dans ce contexte, votre capacité à rassurer vos actionnaires va être particulièrement scrutée. Quelle est votre position pour clore définitivement cette affaire ?

Guillaume Bremond — Nous sommes arrivés à la tête de Visiomed en avril 2022. Cette pratique et ces faits, c’est donc loin et c’est du passé. La commission des sanctions de l’AMF a reconnu que Visiomed n’était pas en cause et que l’information qui avait été à l’époque diffusée aux marchés, jugée trompeuse, était avant tout la responsabilité des anciens dirigeants. Elle recommande d’ailleurs une sanction en ce sens : sur les 1,35 million euros d’amendes recommandés, 1,25 million sont dirigés vers les anciens dirigeants et uniquement 0,1 million d’euros vers Visiomed. Nous voyons cela comme une bonne nouvelle et un bon signal. Cette page est tournée. La gouvernance a été complément transformée avec un nouveau board, un nouveau management, une nouvelle stratégie et un actionnariat profondément modifié. Tout le monde est concentré sur le développement de notre projet industriel.

Thomas Picquette — Je compléterais en rappelant une différence notable : aujourd’hui Visiomed est rentable. Ces agissements ont eu lieu à une période où la société était structurellement en perte et n’avait que des perspectives très incertaines. Cela obligeait la société à se financer alors majoritairement en equity line et ces enjeux, qui ne sont plus les nôtres aujourd’hui, ont pu mener à ces dérives. Depuis notre arrivée, nous avons également remis aux meilleurs standards la gouvernance avec notamment la mise en œuvre de nouveaux process dans la communication qui rendent désormais ces dérives impossibles. Les dirigeants seuls ne peuvent, aujourd’hui, plus avoir la main sur la communication de Visiomed. Nous informons les marchés avec transparence, avec une communication claire et régulière sur un business rentable, que les nouvelles soient d’ailleurs bonnes ou mauvaises.

Vous assumez une stratégie volontariste d’acquisitions et de croissance externe. Quels sont les facteurs qui, sur votre segment de marché, vont conditionner vos décisions d’investissements pour vous permettre de dénicher et d’accompagner le développement des meilleurs acteurs du secteur ?

Thomas Picquette – La grille de lecture de notre projet industriel pour Visiomed est simple : la croissance rentable. Ainsi la croissance interne et externe de Visiomed repose sur des projets industriels viables, pérennes, avec une bonne visibilité sur les cash-flow opérationnels et la rentabilité. On pourrait qualifier cette vision d’évidente, mais lorsqu’on regarde le passé de Visiomed depuis l’introduction en bourse en 2011, l’entreprise a malheureusement un passif avec une activité sans rentabilité structurelle.
Nous avons pris le chemin opposé en nous appuyant sur la conviction que Smart Salem était une pépite. Nous avons donc fondé notre projet stratégique sur cette nouvelle activité. Nous l’avons développée par l’ouverture de deux nouveaux centres à Dubaï et nous poursuivons l’expansion géographique avec l’ouverture à venir d’un nouveau centre en Arabie saoudite. Notre objectif est de répliquer dans le pays notre modèle de centres high-tech d’examens médicaux qui connaît un franc succès aux Émirats arabes unis, via une nouvelle société, Smart Health. La rentabilité de Smart Salem nous permet aussi de regarder des dossiers d’acquisition d’envergure, ce qui aurait été impossible pour Visiomed avant notre arrivée. Nous sommes dans un cercle vertueux, qui nous a fait changer de dimension en moins de deux ans. Nous allons évidemment continuer à grandir grâce à la croissance de nos sociétés, aux profits que nous redéployons sur nos projets et d’éventuelles acquisitions.

Vous capitalisez beaucoup sur votre développement au Moyen-Orient — Émirats arabes unis et Arabie saoudite notamment. C’est même l’une de vos zones de développement privilégiées, notamment via votre filiale Smart Salem, un réseau de centres médicaux digitalisés de diagnostic rapide. Pourquoi les pays du Golfe représentent-ils des espaces stratégiques de développement pour Visiomed ?

Guillaume Bremond — C’est une région en pleine expansion économique et démographique. Les taux de croissance sont forts, les pays peu endettés. Il y a des surplus budgétaires, une inflation plutôt maîtrisée et un puissant dynamisme géographique avec l’immigration de travail. Pour nous, qui sommes positionnés sur les centres high-techs d’examens médicaux historiquement à but administratif (nous avons récemment lancé l’activité de tests Bilan de santé), tous les voyants sont au vert, ce qui explique notre intérêt pour la région. Son dynamisme attire de nombreuses personnes qualifiées. Il y a donc un fort besoin structurel et réglementaire de tester les résidents et travailleurs dans tout le Golfe et pas uniquement aux EAU. Quand vous arrivez dans la plupart des pays de la région, vous avez ainsi besoin d’un test médical pour l’obtention d’un visa, à renouveler tous les deux ans.

Sur ce marché porteur, nous avons développé une expertise unique qui nous permet de tester un maximum de patients avec une efficacité optimale, tout en promettant une approche entièrement numérisée et une très belle expérience-patient. Nous avons aujourd’hui trois centres à Dubaï qui peuvent accueillir 2 000 personnes par jour. Avec 34 % de croissance en volume au premier semestre 2023, 60 % au troisième trimestre 2022, et plus de 50 % en octobre, nous pouvons affirmer que les résultats sont là. 

Nous sommes en train de bénéficier d’une place de choix sur le marché des centres d’examens médicaux high-tech. Pour les visas, mais aussi demain pour la médecine du travail et tous les autres tests dits administratifs. Nous avons l’ambition de centraliser tous ces tests médicaux administratifs sous un même toit. Notre projet s’aligne avec les besoins et la volonté du gouvernement, dont la vision Dubaï 2030 est notamment de digitaliser et simplifier un maximum de démarches. À terme, nous voulons nous positionner sur d’autres marchés du Moyen-Orient, à commencer par l’Arabie saoudite, où les mêmes besoins existent.

Envisagez-vous de reproduire le modèle Smart Salem au-delà de la région du Golfe persique ?

Guillaume Bremond – Les pays du Golfe ne sont pas les seuls à avoir une forte immigration de travail. Pensons aux États-Unis ou au Canada ou encore de nombreux pays d’Asie du Sud-Est par exemple. Ce besoin en centres high-tech d’examens médicaux existe donc ailleurs. Notre activité n’a pas de frontière, mais doit s’adapter aux marchés, dans lesquels les spécificités réglementaires et légales varient.

Thomas Picquette — Ce modèle est exportable, mais doit être ajustable à chaque pays, en fonction des besoins. Nous proposons des résultats de manière numérisée, des briques technologiques qui fonctionnent bien ensemble avec demain la promesse d’avoir des résultats sur des centaines de biomarqueurs et donc des tests 360 °. Nos solutions pourront s’exporter ailleurs oui, les relais de croissance ne sont absolument pas limités au Moyen-Orient.

L’innovation est, depuis sa création, dans l’ADN du groupe. Pourtant, jusqu’en 2022, le groupe n’a pas connu la rentabilité. Comment arrivez-vous, depuis deux ans, à concilier une stratégie de croissance externe et l’exigence d’indicateurs financiers sains, de nature à rassurer vos actionnaires ? 

Thomas Picquette – La première étape du changement du paradigme économique et financier a eu lieu en août 2021 avec l’intégration de Smart Salem. Nous sommes arrivés avec une nouvelle stratégie pour développer Visiomed sur un projet industriel rentable. Nous avons commencé par restructurer les business historiques de la société qui accumulaient les pertes. Il y’a eu une phase de remise en question importante en stoppant sur la France les investissements en R&D pour trouver des solutions commerciales et opérationnelles sur notre filiale BewellConnect. Sur Smart Salem, le business a toujours été rentable.
Nous nous fondons aujourd’hui sur de l’autofinancement et du financement par de la dette avec des acteurs qui nous accompagnent. Les très bons chiffres que nous avons pu montrer au premier semestre sont le reflet de cette stratégie.

Guillaume Bremond – Nous avons eu à concilier croissance et rentabilité. Cet équilibre requiert une forte discipline dans nos choix d’investissement. L’impératif de croissance rentable et d’être en mesure d’autofinancer l’expansion des activités du groupe est la base de notre projet et s’impose d’autant plus dans un contexte macroéconomique difficile avec des taux directeurs très élevés.

Vous revendiquez, à court et moyen terme, une stratégie de diversification de vos activités pour accompagner votre croissance et mieux répondre aux besoins du marché. Comment va, concrètement, se traduire cette stratégie opérationnelle pour Visiomed ?

Thomas Picquette – Elle se traduit déjà depuis fin 2022 après tout notre travail de restructuration au niveau de la France et de Dubaï. Depuis avril 2023, nous montrons des chiffres sur les nouvelles activités. Depuis décembre 2022, nous avons diversifié notre offre à Dubaï en ouvrant de nouveaux centres. L’autre point de diversification est géographique et nous nous y consacrons depuis la fin de l’année dernière, notamment en Arabie saoudite via l’incorporation d’une joint-venture avec nos partenaires saoudiens. Nous avons aussi une stratégie d’acquisitions opportuniste sur des business proches de notre cœur d’activité. On ne s’interdit rien, tant qu’il s’agit de notre segment de marché et d’un business qui promet une croissance rentable.

Guillaume Bremond – Nous allons mettre l’emphase sur une diversification destinée, à terme, à élargir nos segments de marché avec les tests bilan de santé, les tests ADN et la médecine préventive. D’abord sur le marché du Golfe, où nous étendons notre maillage via la création de centres médicaux digitalisés. Ensuite, ailleurs dans le monde, partout où les besoins peuvent exister. Nous avons une vision forte : la prévention et le développement de la médecine personnalisée sont l’avenir du secteur médical. Visiomed va donc tout mettre en œuvre pour devenir un acteur majeur de la prévention et de la médecine personnalisée au travers de son écosystème technologique grandissant. Aujourd’hui, nous écoutons les experts médicaux et nous savons qu’une stratégie volontariste de prévention coûtera, à la société, moins cher que le traitement. C’est gagnant-gagnant, c’est une économie pour la société et une chance pour chacun de vivre plus longtemps en meilleure santé.

À voir aussi