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Hermès : les secrets d’un géant du luxe


Grâce à un savoir-faire d’excellence, la maison Hermès devrait franchir le cap des 4 milliards d'euros de CA. Avec  ses pièces mythiques, comme le sac Kelly  ou le fameux Carré Hermès, le géant du luxe incarne l’élégance et le bon goût à la française... Histoire d'une saga.

Entreprendre - Hermès : les secrets d’un géant du luxe

Grâce à un savoir-faire d’excellence, la maison Hermès devrait franchir le cap des 4 milliards d’euros de CA. Avec  ses pièces mythiques, comme le sac Kelly  ou le fameux Carré Hermès, le géant du luxe incarne l’élégance et le bon goût à la française… Histoire d’une saga.

Depuis 177 ans, Hermès s’illustre à travers ses pièces mythiques, comme le sac Kelly, inspiré par Grace de Monaco, ou le fameux carré de soie porté par toutes les têtes couronnées et stars internationales. Des pièces uniques dont un exemplaire se vend, aujourd’hui encore, toutes les 20 secondes dans le monde.

Hermès : maroquinerie, parfumerie, horlogerie, décoration

La maison Hermès, toujours détenue par la famille qui l’a créée, n’a cessé de se réinventer, trustant les secteurs où le haut de gamme sévit (maroquinerie, parfumerie, horlogerie, décoration…), en gardant un très fort attachement à son métier d’origine. Les six générations qui se sont succédé à la tête de l’entreprise ont toutes posé une pierre à l’édifice, s’attachant à pérenniser le savoir-faire artisanal et l’innovation.

Le résultat fait rêver : une renommée internationale, 3,7 Mds€ , 315 magasins exclusifs, dont 203 sous contrôle direct, 45 sites de production…

Hermès mise sur le le luxe et les produits d’exception

Tout commence en 1837, dans l’atelier d’un maître artisan harnacheur sellier au 56 de la rue Basse-du-Rempart, avec Thierry Hermès, qui y fabrique des selles et harnais de luxe. «Son métier est en lien avec Paris et les évolutions de la capitale », explique Ménéhould de Bazelaire, directrice du patrimoine culturel chez Hermès. «Il est arrivé à Paris pour tenter sa chance et s’installe dans un quartier en pleine effervescence : la Madeleine. Pour lui, c’est un lieu d’observation. À l’époque, on se montrait beaucoup en équipage et le métier d’harnacheur sellier était en pleine croissance. Le harnachement et la sellerie étant alors image de progrès. Précurseur, Thierry mise immédiatement sur le luxe et les produits d’exception car Paris, déjà synonyme de qualité, de finesse et d’élégance, accueille une clientèle d’élite ».

En 1867, le jury de l’Exposition universelle décerne à la marque une médaille d’argent pour un harnais en cuir de porc, une récompense qui ouvre déjà à la marque les portes de l’international. En 1880, en digne héritier, Charles-Émile Hermès installe l’affaire 24 Faubourg-Saint-Honoré. Avec ses deux fils, Adolphe et Émile-Maurice, il développe sa clientèle d’élite aux quatre coins du monde et amorce une diversification avec des produits de maroquinerie. 

Quand Hermès crée des bagages adaprtés à l’automobile

«La troisième génération apporte une grande impulsion », poursuit Ménéhould de Bazelaire. «Plus que le grand frère, c’est le cadet Émile-Maurice qui oeuvre en ce sens. Émile- Maurice entreprend de grands voyages en Europe de l’Est dans les années 1898-1899. C’est un enthousiaste avec une réelle capacité à rebondir. C’est grâce à lui que l’entreprise familiale prend un tournant décisif». Ainsi, avant 1914, l’entreprise compte 71 employés et fonctionne de façon paternaliste. Il n’y avait qu’un seul vendeur dans la boutique car Hermès réalise principalement des produits sur mesure.

Mais, à la fin de la Première Guerre mondiale, le transport à cheval disparaît peu à peu au profit de l’automobile avec, pour conséquence, la fermeture de nombreuses manufactures. Visionnaire, Émile-Maurice anticipe ce virage, créant notamment une gamme de bagages adaptée à ce nouveau moyen de transport. Passionné d’automobile, le jeune héritier se bat d’arrache-pied pour remettre l’entreprise à flot. Dans les années 20, il transforme d’ailleurs le 24 Faubourg-Saint-Honoré. Il y ajoute trois étages, une vaste vitrine, et embauche des vendeurs.

Sens du commerce et de la communication

« L’homme a non seulement le sens du commerce mais est également très communicatif. Passionné par le travail du cuir, il développe la maroquinerie et les ceintures que la clientèle s’arrache. Sans cesse à la recherche d’idées ingénieuses, il crée le sac haut à courroie pour ranger l’intégralité de la tenue de cavalier. Cela lui vaut une renommée mondiale, notamment aux États-Unis où les clients s’en servent comme sac de week-end». En véritable précurseur, Émile- Maurice Hermès répond parfaitement à la demande de l’époque pour des produits astucieux, pratiques et chic.

Fermeture Eclair

De retour d’un voyage aux États-Unis, il rapporte dans ses valises la fermeture Éclair, dont il obtient les droits exclusifs pour la France. Judicieusement, il l’adapte pour l’utiliser en maroquinerie et sur les articles de mode, avec la volonté de créer des produits élégants, simples et fonctionnels. Tout en tablant sur l’innovation, il imprime pourtant l’esprit sellier dans toutes les créations. C’est ainsi que naît le point sellier, à l’élégance remarquable, utilisé dès lors pour tous les produits en cuir, et qui devient le signe distinctif de la marque. À l’image de son concurrent Louis Vuitton, Hermès diversifie ses activités tous azimuts.

À la mort d’Émile-Maurice en 1951, son gendre prend la relève. «C’est à la fois un grand administrateur et un artiste qui foisonne de créativité », raconte Ménéhould de Bazelaire. «Il invente beaucoup de produits. Surtout, c’est un perfectionniste ». Dans le sillage de l’ancienne, la nouvelle génération mise toujours et avec talent sur la créativité. «D’ailleurs, c’est Robert Dumas qui engage l’équipe d’artistes qui réalise les premiers dessins des fameux carrés de soie illustrés ! ».

Une croissance externe contrôlée  

Les années 60 et 70 se caractérisent par le développement de l’entreprise à l’international, avec l’ouverture de nombreux magasins en Europe, en Asie et aux États-Unis. Lorsque Jean- Louis Dumas succède à son père, en 1978, il donne une nouvelle impulsion à la marque en créant de nouveaux produits en soie et en cuir, notamment le sac Birkin en 1984. Dans les années 90, avec 2.500 salariés, la dynamique de croissance et de communication est en plein essor. Hermès grandit sans grossir avec, pour objectif, un rayonnement maîtrisé sur tous les continents : la première maison Hermès s’installe à New York en 2000, au Japon en 2001, en Corée en 2006.

Sous la présidence de Jean-Louis Dumas, Hermès crée sa filiale La Montre Hermès SA, basée à Bienne en Suisse, et se lance dans la croissance externe : rachats du bottier John Lobb France, chausseur de la famille royale d’Angleterre, de l’orfèvrerie Puiforcat, de la maison de soierie Bucol, des cristalleries Saint-Louis… L’entreprise  entre également dans le capital des tissages Perrin & Fils, dont elle détient aujourd’hui 39%. Fin 2010, elle crée sa filiale chinoise pour développer l’industrie du luxe en Chine. Une croissance spectaculaire parfaitement maîtrisée et étalée sur deux décennies qui force la maison à transférer, en 1992, ses bureaux d’études et ses ateliers de production à Pantin, aux portes de Paris.

Entrée en Bourse d’Hermès

Pour soutenir sa croissance, Hermès introduit une partie de son capital à la Bourse de Paris en 1993. Pour autant, si le groupe est entré dans le capital de certaines marques de luxe, dont une participation minoritaire de la maison Jean-Paul Gaultier, il ne participe pas au mouvement de concentration du secteur entamé dans les années 1999-2000. «La concentration du luxe n’est pas la politique d’Hermès », précise Ménéhould de Bazelaire. «La société a racheté des entreprises pour développer son savoirfaire et non pour devenir un groupe multimarques. Tout est centré sur la signature Hermès, sa politique de croissance ne se fait pas à coup d’achats ».

Le loup dans la bergerie

Mars 2006 marque un tournant décisif à la direction du groupe : Jean-Louis Dumas, malade, laisse son fauteuil à Patrick Thomas, le premier gérant du  groupe qui n’est pas issu de la famille du fondateur, mais la notoriété de la marque attire les convoitises. Ainsi, le 23 octobre 2010, le leader du luxe LVMH s’empare de 17,1% du capital. Aux yeux de la famille Hermès, le loup est entré dans la bergerie. Patrick Thomas lui intime l’ordre de se retirer. Au contraire, le n°1 mondial du luxe poursuit sa prise de participation pour atteindre aujourd’hui 22,28% des actions et 16% des droits de vote. Dans ses déclarations, Bernard Arnault joue pourtant l’apaisement, se défendant de toute volonté hégémonique. Mais, les héritiers de Thierry Hermès, bien décidés à garder leur indépendance, ripostent par la création de la holding H51 qui regroupe 52 héritiers actionnaires pour 62,85% du capital. À sa tête, Julie Guerrand, membre de la 6ème  génération.

La famille, clé de la réussite d’Hermès

Histoire d’enfoncer le clou, en juin 2013, c’est Axel Dumas, 44 ans, neveu de Jean-Louis Dumas, un autre membre de la 6ème  génération, qui prend la direction du groupe. Honorant leur aïeul, les trois familles Guerrand, Dumas et Puech, héritières du fondateur, sont toujours impliquées dans l’entreprise, dont une dizaine de ses membres y travaillent. «Les clés de la réussite d’Hermès, c’est avant tout la continuité familiale, un esprit fabuleux qui circule de génération en génération, une véritable passion et une grande fidélité au métier d’origine. Chaque génération a d’ailleurs dû faire ses preuves avant de prendre les rênes. Chez Hermès plus qu’ailleurs, les qualités humaines sont  valorisées».

Hermès : le pari du digital

Des valeurs bien ancrées, dont les perspectives s’orientent toujours sur la créativité, la maîtrise des savoir-faire… et une croissance de rêve. Ainsi, le fabricant des carrés de soie a publié un CA en hausse de 7,9% au 1er semestre, malgré un fort recul au Japon, 1er marché d’Hermès à l’étranger, dû à un relèvement de la TVA. Pas de quoi inquiéter Axel Dumas qui table sur « une croissance de 7% sur l’année», qui a pris pied récemment chez le joaillier Arthus-Bertrand dirigé par Gilles Piette. Le 1er semestre a ainsi été tiré par l’Asie hors Japon (+17,2%), l’Amérique (+12,6%) et même l’Europe (+7,3%). « Je suis confiant pour 2014. D’autant que nous allons ouvrir en septembre une maison Hermès à Shanghai, ce qui va booster les ventes en Chine», déclarait récemment Axel Dumas.

Quant à Internet, où le groupe est peu développé, Hermès mise sur «la Maison des Carrés», un magasin digital autour du fameux carré intégré au site existant. Plus que jamais, Hermès, qui devrait franchir allègrement le cap des 4 Mds€ de CA, est bien remontée à cheval ![FIN]

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