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I Wheel Share, le TripAdvisor du handicap, veut lever 150.000€ pour accélérer son développement


Tout à la fois réseau social et GPS, la plateforme collaborative dédiée à l’accessibilité se propose de mettre en relation des personnes en situation de handicap via une application mobile gratuite. Fondatrice d’I Wheel Share, Audrey Sovignet met l’accent sur la dimension inclusive et non stigmatisante de l’application. Une levée de fonds est actuellement cours sur la plate-forme 1001pact.com.

Entreprendre - I Wheel Share, le TripAdvisor du handicap, veut lever 150.000€ pour accélérer son développement

Tout à la fois réseau social et GPS, la plateforme collaborative dédiée à l’accessibilité se propose de mettre en relation des personnes en situation de handicap via une application mobile gratuite. Fondatrice d’I Wheel Share, Audrey Sovignet met l’accent sur la dimension inclusive et non stigmatisante de l’application. Une levée de fonds est actuellement cours sur la plate-forme 1001pact.com.

 Quelle est la genèse d’I Wheel Share ?

Je suis diplômée en communication visuelle et en design graphique et j’ai également suivi une formation intensive en programmation pour apprendre à coder. Au milieu de cette formation, j’ai passé mes vacances de Noël avec mon petit frère qui avait été victime d’un grave accident de la route un an auparavant.

Il venait tout juste de sortir de sa rééducation et m’a raconté son nouveau quotidien avec les freins qu’il rencontrait quotidiennement et l’empêchaient de vivre de nombreuses expériences. Le récit de ses expériences me révoltait. J’ai donc commencé à lire des blogs et des forums traitant de la situation des personnes en situation de handicap.

J’ai trouvé cette parole très puissante mais elle manquait de visibilité et d’impact : elle était éparpillée sur le Web. Elle méritait d’être rassemblée sur une même plateforme pour sensibiliser le plus grand nombre.

 A qui s’adresse l’application ?

En France, il y a 12 millions de personnes en situation de handicap. Nous nous intéressons à tous les types de handicaps. Notre ambition est d’être inclusifs en faisant cohabiter le plus grand nombre de personnes, même celles qui ne sont pas sensibilisées aux autres handicaps.

Nous nous adressons également aux parents avec poussette ou aux personnes transportant des valises. L’application est également accessible aux non-voyants via la synthèse vocale. C’est une application collaborative, communautaire et citoyenne. Chacun partage ses galères, ses expériences positives, les bonnes adresses, le tout de manière géolocalisé.

L’application permet, par exemple, de géolocaliser tous les lieux où l’on parle la langue des signes. On peut également définir I Wheel Share comme un réseau d’entraide. Nous avons 1300 points d’expérience en France et dans 12 pays étrangers.

 Comment définir votre modèle économique ?

Sans notre communauté, nous ne sommes rien : nous dépendons totalement de nos utilisateurs. Cela nous oblige à garder les pieds sur terre. On peut parler d’interdépendance entre nous et la communauté. Notre modèle économique repose donc sur la valorisation des données et de l’audience, en attendant la mise en place de la marketplace qui constituera également une source de revenus.

En outre, nous avons mené à bien une campagne de crowdfunding en juillet 2015, qui nous a permis de récolter 15.000 euros. Cette somme a, entre autres choses, permis de financer à hauteur de 30% le développement de l’application.

Nouvelle campagne de crowfunding : https://1001pact.com/fiche-projet/i-wheel-share/presentation

 Quelle est la philosophie d’I Wheel Share ?

Nous ne nous situons pas dans une approche sanitaire ou médicale. Nous voulons tirer les parties prenantes vers le haut par l’exemple en valorisant les bonnes initiatives et en refusant la stigmatisation. Si l’on parvient à imposer cette vision, nous pourrons engager un lobbying positif dont l’approche ne sera pas stigmatisante.

 En quoi la dimension communautaire s’avère-t-elle centrale dans votre développement ?

On considère que les personnes en situation de handicap sont les plus à mêmes de répertorier les points améliorations à apporter dans l’espace public, les commerces, les entreprises, etc. L’application permet d’effectuer un relevé de terrain réalisé par les personnes en situation de handicap elles-mêmes. Grâce à ces données, une ville ou une collectivité auront connaissance des zones rouges en termes d’accessibilité.

 Avez-vous déjà mis en pratique cette approche avec des collectivités ?

On mène actuellement une expérimentation avec la ville de Lyon dans le quartier de la Part-Dieu – il sera en travaux pendant 10 ans – via une base de données mutualisée : la métropole de Lyon va faire « redescendre » des informations liées à ces travaux ; nos utilisateurs, quant à eux, feront « remonter » des données issues du terrain via l’application. En procédant à un croisement de ces données, la ville bénéficiera d’une image en temps réel de la situation du quartier. Ces données permettront de fluidifier la gestion des flux.

 A l’avenir, quelles améliorations viendront enrichir l’application ?

Il faut considérer le handicap de manière globale, car tous les sujets sont entrelacés. Dans un premier temps, nous avons l’intention d’accentuer encore la dimension communautaire. Les utilisateurs pourront bientôt entrer en contact entre eux, et certains seront distingués par une médaille pour récompenser leur investissement et leurs partages.

Sur l’application, nous allons également développer des encarts publicitaires géolocalisés avec des notifications « push » pour les utilisateurs se situant à proximité d’un lieu. L’idée est de mettre en lumière l’engagement de l’entreprise en faveur de l’accessibilité.

 Vous allez bientôt lancer deux nouveaux services : I Wheel Think et I Wheel Work. Qu’apporteront-ils de plus à vos utilisateurs ?

Nous allons effectivement enclencher d’autres évolutions autour de l’application. I Wheel Think est un module consacré à de la prestation de conseil auprès des entreprises. Nous développons en parallèle une marketplace (I Wheel Shop verra le jour en 2017, Ndlr) qui encouragera le dépassement du handicap en rassemblant les offres et les services (loisirs, sexualité, mode, voyages, culture…) existant déjà sur la Toile, mais aussi ceux dépourvus de visibilité digitale.

Enfin, à l’horizon 2018-2019, nous projetons de lancer I Wheel Work, une sorte de LinkedIn géolocalisé avec des offres adaptées favorisant le recrutement à distance. Lorsqu’on est en situation de handicap, se déplacer sur un territoire qu’on ne maîtrise pas est une source de stress monumentale, en plus du stress généré par l’entretien d’embauche. On essaye de minimiser ces perturbations.

 En quoi votre démarche se différencie-t-elle de celle des associations ?

Nous ne sommes pas un intermédiaire, comme le sont parfois certaines associations. Notre ambition est de faire en sorte que le handicap soit davantage inclus dans la société, que la voix des personnes en situation de handicap soit entendue de façon direct, mais aussi de contribuer à créer de l’entraide entre ces personnes, en les incitant à s’ouvrir davantage aux autres handicaps.

 Qu’est-ce qui vous distingue des applications concurrentes ?

En France, la loi (mise aux normes, accessibilité…) est beaucoup trop rigide. Afin de contourner cette inertie, nous proposons des évènements festifs d’anti-boycott pour les commerces ou les lieux qui ne sont pas complètement adaptés ou accessibles selon la loi. Les recettes générées par la soirée servent ensuite à financer une première étape d’accessibilité : un menu en braille, une formation aux rudiments de la langue des signes, une rampe amovible…

On sort du cadre défini par la loi, c’est ce qui nous différencie des autres applications davantage focalisées sur des données froides : la largeur de la porte, l’espacement… Nous privilégions le retour d’expérience des personnes et l’usage aux mesures brutes. Pourquoi ? Parce que la notion d’accessibilité est trop subjective. Chacun vit son handicap à sa manière.

 Que vous apporte le soutien de SNCF Développement ?

J’ai rencontré Cyril Garnier (directeur général de SNCF Développement, Ndlr) à l’occasion de la remise du Prix de start-up de l’année Bonjour Idée en 2015. Depuis ce jour, nous avons commencé à imaginer le visage qu’allait prendre I Wheel Share à l’avenir. Une vraie relation s’est mise en place. Pouvoir s’appuyer sur un partenaire aussi prestigieux ne peut qu’asseoir la légitimité d’une start-up comme la nôtre. SNCF Développement nous a permis de gagner du temps, de la crédibilité et la confiance de nombreux partenaires.

Propos recueillis par Thibaut Duluoz

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