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Face à l’IA, les chefs d’entreprise doivent préserver la montée en compétence de leurs équipes


Par Cyril Ferey, operating partner chez I&S Adviser La large diffusion en cours d’outils d’intelligence artificielle, rendue possible avec l’accès facilité à des outils comme ChatGPT, Character AI, MidJourney, ElevenLabs et consors, a ouvert des portes auparavant inimaginables, redéfinissant les limites de la technologie et de l’innovation. Son corollaire pour...

Entreprendre - Face à l’IA, les chefs d’entreprise doivent préserver la montée en compétence de leurs équipes

Par Cyril Ferey, operating partner chez I&S Adviser

La large diffusion en cours d’outils d’intelligence artificielle, rendue possible avec l’accès facilité à des outils comme ChatGPT, Character AI, MidJourney, ElevenLabs et consors, a ouvert des portes auparavant inimaginables, redéfinissant les limites de la technologie et de l’innovation. Son corollaire pour le chef d’entreprise est d’anticiper, de planifier et d’ajuster sa stratégie de développement aux nombreuses opportunités et défis que l’intégration de l’IA engendrera.

L’un des sujets à traiter rapidement va être d’éviter un désengagement des équipes vis-à-vis de tâches rébarbatives. En parallèle, il faudra assurer une incorporation harmonieuse de l’IA afin d’équilibrer efficacité technologique et valeur humaine.

Une autre façon d’appréhender et de développer les compétences des collaborateurs

Pour s’emparer de l’IA, il faut comprendre que, bien qu’avancée, elle se limite encore à des outils prédictifs basés sur des données. Elle ne peut pas « penser » de manière autonome ou intuitive comme l’humain. Elle excelle dans l’analyse de grandes quantités de données pour des prédictions, mais elle manque de jugement basé sur l’expérience et la compréhension contextuelle. Elle reste un outil d’assistance et ne replace aucunement la décision humaine.

Au-delà des considérations financières et de la crainte de la perte d’emplois, l’intégration de l’intelligence artificielle dans le monde du travail nous confronte à une autre réalité incontournable : la nécessité d’un bond en avant en matière de compétences. Face à des machines capables d’exécuter efficacement des fonctions simples, les collaborateurs doivent chercher à développer des compétences plus complexes et plus créatives, valorisant ainsi la dimension humaine qui les rend quasi irremplaçables.

Second point de vigilance : en déchargeant l’humain de la réalisation de tâches certes élémentaires et souvent rébarbatives, elle agit comme une entrave à la montée en compétence pour deux raisons. Une utilisation intensive de l’IA peut amener à une obsolescence des compétences des collaborateurs que l’on n’estimera ne plus avoir besoin de former. De plus, c’est dans l’exécution de certaines de ces tâches que les collaborateurs se forgent leur expérience et acquièrent leurs savoir-faire professionnels. Créer une rupture dans les processus d’apprentissage en entreprise aura indéniablement des conséquences négatives ; restera à en apprécier l’ampleur…

Faire de l’IA un levier de performance globale

Outre l’aspect des compétences, l’IA peut aussi guider l’entreprise vers une amélioration de sa performance globale, plutôt que vers des gains limités et isolés. Et cela peut être obtenu en étant rapidement perceptible dans les résultats financiers sans pour autant nuire à l’aspect humain.

Voici plusieurs exemples de ce qu’il est d’ores et déjà possible de faire : automatiser toute la saisie papier en numérique (facture, comptabilité, notes de frais, etc.) ; optimiser les trajets de transport en temps réel selon les exigences spécifiques ; utiliser les IA génératives en contradictoire plutôt qu’en création sur des contenus de l’entreprise pour affiner l’argumentaire, le style et la portée ; analyser son activité en isolant des indicateurs prépondérants, révélant ici souvent des indicateurs cachés ; ou encore optimiser le BFR depuis sa supply chain en temps réel afin d’être plus réactif.

Ces usages sont significatifs mais encore peu répandus. Dans les entreprises, une grande quantité de temps reste perdue en organisation collective ou sur des tâches répétitives.

Inversement, dans certains domaines, recourir à l’IA apporte peu de gains, voire sera néfaste à long terme. Par exemple, l’utiliser pour écrire des posts LinkedIn (ils perdent en personnalité et risquent d’être répétitifs au dépend de leur attractivité), pour trier des CV (vous pourrez passer à côté de meilleurs profils, notamment ceux qui sont « différents »). Enfin, un excès d’utilisation de l’IA peut aussi rendre dépendant. Or la dépendance en entreprise est un risque qu’il faut calculer et qui nécessite de prévoir des scénarios d’urgence.

L’IA au service de la stratégie de développement

Intégrer l’IA dans son entreprise demande du temps et nécessite surtout de rester aligner avec sa stratégie à long terme. Et pour réussir cette étape, il est précieux de se faire épauler par un professionnel, si possible ayant lui-même été chef d’entreprise à l’image des operating partners, et ayant déjà vécu des « ruées vers l’or technologiques ». Sa force est sa capacité à résister à l’attrait de profits rapides et alléchants, mais potentiellement risqués. Il veillera surtout à concevoir et exécuter une stratégie qui rapportera beaucoup plus à l’échelle de toute l’entreprise et sur le long terme.

Les chefs d’entreprise doivent comprendre que l’enjeu va être de ne pas laisser l’IA ni supplanter le plan de développement prévu, ni briser le cycle des apprentissages et la montée en compétence des équipes. N’oublions pas les enseignements de l’histoire : James W. Marshalla qui a déclenché la plus grosse ruée vers l’or en Californie, a fini sa vie dans le dénuement le plus total pour lui par suite d’un dernier mauvais investissement… C’est en travaillant autrement, en mobilisant d’autres compétences et en n’hésitant pas à se faire aider, que les entreprises continueront à se démarquer et à s’imposer sur leur marché.

Cyril Ferey
Operating partner chez I&S Adviser

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