Vous êtes aujourd’hui DRH du site STMicroelectronics de Crolles. Pourriez-vous nous dresser un rapide aperçu de votre groupe ?
Frédéric Bontaz : STMicroelectronics est l’un des leaders mondiaux des semiconducteurs. Nous concevons des technologies microélectroniques répondant aux grands défis des entreprises. Et ce, dans tout un panel de domaines divers. Citons entre autres la mobilité intelligente, la gestion de l’énergie, l’Internet des objets (IoT) ou encore la connectivité… Nos technologies et nos puces se retrouvent partout. Nous les utilisons tous au quotidien sans que nous nous en rendions nécessairement compte. Elles ont, comme dans le secteur de la santé, une importance vitale. Sur le site de Crolles, dont je suis DRH, nous fabriquons des semi-conducteurs et travaillons étroitement avec le site ST de Grenoble dédié à la R&D produits. Ensemble, nous représentons plus de 7 000 collaborateurs.
Les filières industrielles sont créatrices d’emplois mais ont des besoins forts en recrutement. Pourtant, plusieurs études soulignent les difficultés de recrutement qui persistent dans la filière. Quels en sont les facteurs explicatifs ?
Nous constatons une double réalité. Le dernier baromètre Usine Nouvelle sur la perception de l’industrie, rendu public en octobre 2024, montre que les Français en ont une vision assez largement favorable et reconnaissent sa contribution vertueuse à l’économie du pays et au dynamisme des territoires. Pourtant, plus d’un Français sur deux n’envisage pas de travailler dans l’industrie.Cette dichotomie se retrouve au sein des jeunes générations. Plus de 70 % des lycéens ont une image plus que positive de l’industrie et de l’innovation qu’elle porte. Et pourtant, moins d’un sur deux s’y projette professionnellement.
Des freins persistants existent en effet. Ils sont, je pense, le plus souvent liés à des représentations erronées des métiers scientifiques et technologiques avec une méconnaissance des missions et un flou sur les débouchés. Ils sont aussi psychologiques, avec, chez les jeunes, une peur de l’échec et le sentiment infondé que ces études sont réservées à une élite… Quelques clichés continuent de coller à la peau de l’industrie. Et pourtant, nous constatons chaque jour que les sciences et technologies offrent un champ d’exploration immense, où la créativité et la résolution des problèmes sont mises à l’honneur chaque jour. Il nous faut donner l’envie aux jeunes de rejoindre la science et la technologie car le secteur électronique français offrira près de 18 000 opportunités d’emploi au cours des trois prochaines années !
Vous menez d’ailleurs une politique particulièrement volontariste pour tenter d’attirer les jeunes générations…
Les études menées auprès des jeunes démontrent que beaucoup déplorent en effet une méconnaissance de notre secteur. À nous d’y répondre ! Nous nous attachons à mettre en avant la richesse de nos emplois pour faire rêver les jeunes. Nous souhaitons montrer l’impact positif concret de nos solutions pour la société et leur rôle majeur dans la résolution des défis contemporains, notamment la digitalisation et la transition écologique. Pour ce faire, nous déployons un panel d’actions : organisation de visites sur nos sites, ateliers interactifs, rencontre avec nos experts pour éveiller leur curiosité et leur donner un aperçu des opportunités — passionnantes — offertes par les sciences et la technologie. Nous aspirons à être présents partout sur les territoires où nous sommes implantés. Je pense évidemment aux salons étudiants et aux salons métiers, mais pas seulement. Nos efforts sont constants pour tisser des liens avec le réseau associatif local et mener un travail de long terme pour sensibiliser les jeunes aux sciences. Ces deux dernières années, les ambassadeurs du site de Crolles sont allés à la rencontre de plus de 1 200 étudiants et professeurs !
Ce travail doit d’ailleurs être réalisé avec les acteurs de la formation professionnelle et de l’éducation ?
Nous sommes convaincus de l’intérêt des synergies entre les industriels, l’Éducation nationale et les rectorats, qui jouent un rôle clé pour développer des filières scientifiques et aussi des formations spécifiques. STMicroelectronics a d’ores et déjà noué des partenariats avec plusieurs établissements scolaires, comme le lycée technologique Pierre Termier de Grenoble avec une convention école-entreprise. Plus généralement, nous avons une convention de partenariat école-entreprise avec l’académie de Grenoble, qui se décline par de nombreuses actions opérationnelles. Je n’oublie pas non plus la ST Tech Academy, qui forme actuellement une trentaine d’étudiants — rémunérés – sur une durée de 16 mois, alternant entreprise et école et qui sortent de cette formation avec un diplôme.
Nous sommes aussi présents auprès de France Travail, avec qui nous organisons des recrutements sans CV et par simulation, afin notamment de contribuer à faire lever le frein du diplôme et l’autocensure de nombreux candidats. Les initiatives pilotées par les pouvoirs publics, comme la Semaine de l’Industrie évidemment, sont aussi d’excellents moyens de nous faire connaître. Et tout récemment, nous venons de signer avec l’académie de Grenoble une convention de partenariat relative au dispositif « professeur associé ». Né d’une volonté académique de rapprochement entre l’école et l’entreprise, ce projet innovant est un « pilote » entre STMicroelectronics et l’académie de Grenoble, centré dans un premier temps sur les établissements de l’Education Nationale des voies professionnelle et technologique de la périphérie de Grenoble.