Par Michel Platero, président de la FNAIM du Grand Paris
Tribune. Le Diagnostic de Performance Énergétique est d’abord un outil de mesure permettant d’analyser la dépense énergétique des bâtiments et des logements individuels. Il permet notamment d’évaluer le vieillissement du parc immobilier français, qui s’avère être particulièrement important. De ce diagnostic, découle une notation allant de la lettre A à la lettre G, A étant la lettre attribuée aux logements les moins consommateurs d’énergie et G celle attribuée aux logements les plus consommateurs.
Depuis la loi Climat et Résilience d’août 2021, les propriétaires bailleurs de logements classés E, F ou G, auront respectivement jusqu’en 2034, 2028, 2025 et même 2023 pour une partie des biens classés en G, pour réaliser les travaux de rénovation énergétique nécessaires, s’ils souhaitent pouvoir continuer à louer leurs logements. Cette obligation a pour objectif de lutter contre l’habitat indigne et la précarité énergétique. Au regard de la crise de l’énergie qui s’impose à nous, la nécessité de rénover apparaît d’ailleurs d’autant plus évidente. Mais de nombreuses problématiques subsistent et des inégalités surgissent.
La complexité de la situation réside dans le fait que la France fait face à deux enjeux concomitants : rénover son parc immobilier et faire face à la pénurie de logements. Or, cette nouvelle règlementation risque d’estampiller des centaines de milliers de logements comme « passoires thermiques », et va avoir pour conséquence mécanique un appauvrissement du marché locatif et un échec énergétique. Certains propriétaires refuseront de faire les travaux nécessaires en raison de la hausse flagrante des prix des matières premières, d’autres préféreront s’orienter vers la vente ou la location meublée « touristique » qui ne sont pas soumises aux mêmes obligations.
L’obligation de rénovation est une contrainte logique pour un propriétaire, mais la mise en œuvre du DPE pose question, autant que ses délais d’application.
D’abord le DPE a pour objectif de lutter contre l’indécence thermique, mais ne doit pas avoir comme conséquence de placer les « petits propriétaires », souvent retraités, en situation d’ « indécence économique ». Beaucoup d’entre eux pour qui le loyer perçu sert de complément de retraite ou de revenu n’ont pas les moyens d’engager ces travaux, surtout au regard du prix actuel des matières premières.
Le DPE instaure également une iniquité entre les grandes et les petites surfaces. D’abord concernant la production d’eau chaude sanitaire, qui est un des éléments permettant de déterminer la notation énergétique du logement, le ratio taille/consommation est en nette défaveur des petites surfaces (entre 20 et 50m2). L’écart de consommation d’eau chaude entre les grandes et les petites surfaces est très réduit et son calcul impacte donc plus durement la notation énergétique des petites surfaces. Concernant les travaux d’isolation, qui sont parmi les plus courants dans le cadre d’une rénovation énergétique, L’iniquité est également notable. Les isolants se posent le plus souvent à l’intérieur du logement et viennent ainsi réduire de manière significative la surface habitable. Plus la surface de départ est réduite, plus la décence du logement est impactée.
Le DPE pose également question en terme économique. L’Etat demande un effort considérable aux propriétaires et offre un accompagnement inadapté. L’Etat a calqué son degré d’implication économique dans la politique de rénovation du parc immobilier, notamment avec MaPrimeRenov’, sur le montant des travaux visant exclusivement les problématiques thermiques et énergétiques. Or, lorsque vous engagez des travaux de rénovation énergétique, d’innombrables travaux induits ne sont pas pris en compte, alors qu’ils représentent au final environ 70% du montant global des travaux de rénovation.
Enfin, les obligations découlant d’un mauvais DPE sont presque inapplicables d’un point de vue pratique, puisque les logements concernés sont, en grande partie, situés dans des immeubles en copropriété et que, dans ce cas, les travaux les plus impactant (isolation des murs, de la toiture) nécessitent une décision prise par l’assemblée générale. Certes la loi impose aux copropriétés d’établir un plan pluriannuel de travaux sur 10 ans, mais ce dernier est impossible à établir sans avoir réalisé un DPE collectif. Et les DPE collectifs ne peuvent pas être mis en œuvre sans le vote de l’assemblée …
Afin que la rénovation du parc ait lieu, sans contraindre trop durement les propriétaires bailleurs et sans prendre le risque d’un échec énergétique, la solution serait de faire voter les DPE collectifs et les plans pluriannuels, tout en allongeant les délais de réalisation des travaux. L’engagement est pris, mais les propriétaires peuvent réaliser leurs travaux au fur et à mesure, sans devoir faire face à des dépenses insurmontables dans des délais réduits.
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