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Immobilier : vers un statut du bailleur français


La loi du 6 juillet 1989 a établi des règles claires concernant les loyers, les dépôts de garantie, les réparations locatives, les conditions de rédaction et de résiliation du bail. Comme souvent les contraintes normatives qu’elle porte en font une exception française. Certes, les droits et obligations réciproques y sont...

Entreprendre - Immobilier : vers un statut du bailleur français

La loi du 6 juillet 1989 a établi des règles claires concernant les loyers, les dépôts de garantie, les réparations locatives, les conditions de rédaction et de résiliation du bail. Comme souvent les contraintes normatives qu’elle porte en font une exception française.

Certes, les droits et obligations réciproques y sont globalement déséquilibrées entre les parties : durée du bail (3 ans pour les personnes physiques, 6 pour les personnes morales), résiliation (délai et motivation du congé strictement encadrés pour le bailleur, libres pour le locataire), charges locatives figées dès 1974 (le décret du 26/08/1987 reprend les accords Delmon de 1974 quand le bailleur subit seul le coût des travaux de mises aux normes), etc.

Cette loi a été amendée à diverses reprises, de sorte que la balance ne penche plus simplement du côté du locataire, mais se brise sur le déséquilibre criant en faveur du locataire.

Diverses mesures de rééquilibrage s’imposent pour :

  • Sécuriser le paiement du loyer : il convient de rétablir dans les baux la clause pénale en cas d’impayé de loyer ;
  • Renforcer l’obligation de réparation locative du locataire sortant : il faut donner au bailleur le droit, pendant 10 jours, de compléter l’état des lieux de sortie et établir une grille de vétusté permettant de fixer le montant des réparations restant à sa charge ;
  • Redonner un sens au droit de propriété : le nouveau propriétaire d’un logement acquis avec un locataire en place doit pouvoir lui délivrer congé pour vendre à l’échéance du bail en cours ;
  • Restaurer du sens à l’autorité de la chose jugée : il faut contraindre l’Etat au paiement intégral et sans délai du loyer et des charges en cas d’inexécution d’un jugement d’expulsion par le préfet.  

Uniformiser et pérenniser la fiscalité

La fiscalité est un élément décisif pour l’investisseur. Il a besoin de stabilité. En ce sens, l’Etat ne peut changer perpétuellement les règles, au risque d’une crise profonde, comme nous le constatons actuellement avec la fin du dispositif Pinel. La fiscalité doit aussi servir à l’encourager à réaliser les travaux visant à réduire les consommations d’énergie.  

Pour les investisseurs bailleurs dans le neuf et l’ancien, les pouvoirs publics doivent donc rapidement prendre certaines mesures :

  • Uniformiser le régime du microfoncier des logements loués meublés ou vides avec un abattement forfaitaire de 40 %
  • Augmenter le plafond de déduction des frais forfaitaires de gestion de 20 € à 200 € par local pour le régime du revenu foncier ;
  • S’inspirer de la loi PERISSOL et créer un amortissement sur 80 % du prix d’acquisition ;
  • Exonérer les contribuables de l’Impôt sur la Fortune Immobilière pour tous les logements mis en location pour une durée minimum de 9 ans et, plus largement, encourager fiscalement les bailleurs qui s’engagent à louer durablement à des ménages plutôt que favoriser, sans trop que l’on n’en perçoive la raison d’intérêt général, ceux qui s’adonnent au business de la location touristique de courte durée.
  • Créer un crédit d’impôt pour les travaux de rénovation énergétique d’un montant supérieur à 10.000 €

Restaurer le droit de propriété

Depuis l’entrée en vigueur de la loi ALUR, l’encadrement des loyers constitue un retour aux dérives de la loi de 1948, dont les conséquences désastreuses de défaut d’entretien se font encore sentir sur les immeubles anciens. S’il faut instaurer des règles pour éviter la dérive des prix des loyers, celles-ci doivent être temporaires, locales et limitées à une courte période non renouvelable.

L’instauration d’un « permis de louer » au prétexte d’une lutte contre l’habitat indigne est aussi une atteinte à la propriété privée qui masque mal la paresse, la lâcheté ou l’incapacité de l’Etat à s’attaquer frontalement aux marchands de sommeil.  

Afin de lutter contre les locations de logements insalubres qui sont réalisées par des particuliers gérant leur bien directement, il faut donner à l’administrateur de biens le statut de tiers de confiance.

En établissant un cadre légal pour l’activité de bailleur privé, marqué du sceau de l’équilibre des relations locatives et du respect fondamental du droit de propriété, nous encouragerons la promotion de bonnes pratiques dans le secteur de la location immobilière. Il ne s’agit pas simplement d’établir un nouveau panel de mesures de défiscalisation ou de dérégulation effrénées mais bien de créer ce véritable statut du bailleur privé, statut que le pouvoir législatif s’engagerait à pérenniser pour un minimum de cinq années.

L’implication des investisseurs privés est essentielle au soutien de l’offre de logements. Instaurer un statut du bailleur privé français est essentiel pour garantir des relations locatives équitables, durables et respectueuses des droits de chacune des parties impliquées. En consacrant ainsi juridiquement cette activité, en lui fixant des règles fiscales incitatives et en promouvant des pratiques responsables, en décidant de stabiliser ce statut dans la durée sur plusieurs années, nous œuvrerons à restaurer un climat de confiance bénéfique à l’ensemble du secteur de la location immobilière, et plus largement la France se dotera enfin d’un formidable outil contribuant à lutter contre la crise du logement.

André Perrissel
Institut Janus

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