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L’impression à la demande : une solution verdissant l’industrie du livre


En mars dernier, des millions de poissons morts par asphyxie se sont échoués sur les côtes du Sud-Est de l’Australie. Les températures de l’eau s’élevant jusqu’à 40 degrés Celsius et le manque d’oxygène ont été fatals pour la faune. Il faut le constater, depuis quelques années, notre planète connait des...

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En mars dernier, des millions de poissons morts par asphyxie se sont échoués sur les côtes du Sud-Est de l’Australie. Les températures de l’eau s’élevant jusqu’à 40 degrés Celsius et le manque d’oxygène ont été fatals pour la faune. Il faut le constater, depuis quelques années, notre planète connait des bouleversements climatiques incessants.

Les changements que l’on voit poindre se caractérisent d’ores et déjà par des phénomènes exceptionnels. Cela va de la simple ellipse entre les saisons, avec la disparition des mi-saisons, à la multiplication des catastrophes naturelles d’ampleur. Cette évolution apparemment incontrôlable et incontrôlée démontre le caractère anormal de ces événements que l’on pourrait presque qualifier d’artificiels tant la responsabilité humaine semble inhérente à leur apparition.

Le mercredi 2 août 2023 sera, pour l’année en cours, le « jour du dépassement », date à partir de laquelle l’Homme vit à crédit sur les ressources naturelles de la Terre. Ce jour symbolique, qui avance d’année en année, devrait plus nous alerter sur l’impact écologique de nos activités de production. En effet, notre planète entre dans l’ère de l’Anthropocène, ce qui influe plus largement sur la biodiversité et sa pérennité. Rappelons que l’Anthropocène désigne l’époque géologique qui se caractérise par l’avènement des hommes comme principale force de changement sur Terre. C’est l’âge des humains, celui d’un désordre planétaire inédit. Nous avons domestiqué la planète en accaparant toujours plus de ressources de son sol, en la colonisant avec nos usines, nos villes et toute une série d’infrastructures, mais nous avons également induit un impact sur le climat lui-même.

Pour ne citer qu’elle, l’industrie du papier, dont la production croissante atteint désormais 7.5 milliards de tonnes, est l’une des principales causes de la déforestation qui détruit de nombreuses régions du monde. Les forêts sont abattues pour fournir du bois d’œuvre et fabriquer de la pâte à papier, ce qui provoque une dégradation de la biodiversité, ce qui amplifie l’augmentation des émissions de carbone et ce qui contribue à la destruction de l’habitat naturel des espèces animales.

La fabrication du papier n’est pas en soi le seul problème environnemental généré par cette industrie, car son utilisation également, notamment dans le secteur de la presse mais aussi du livre, se traduit par un immense gaspillage des ressources. Ce constat sans appel suscite déjà de nombreuses réflexions et alimente des études approfondies dans le but de repenser la consommation de la lecture.

Pour ne parler que du « livre », dans un contexte de mutation du secteur, les maisons d’édition doivent faire face à de nombreux défis. Les profonds changements dans les habitudes de consommation qui se sont accélérés pendant la période de crise sanitaire, la montée en flèche de l’industrie du numérique et des NTIC, la place prépondérante prise par les combats autour des enjeux écologiques sont autant d’indicateurs qui ont incité le secteur à devoir se réinventer.

En effet, cette industrie, que l’on peut qualifier de « vieillissante », voit que son format, et même sa chaîne de valeur, ont été transformés pour devenir aujourd’hui protéiformes. La transition du « papier » vers le « numérique » en est l’une des tendances, et elle est largement stimulée par les suites de la pandémie de la Covid 19 et par la hausse du prix des matières premières due à la guerre en Ukraine. Mais les maisons d’édition continuent de produire des livres en masse et le marché est aujourd’hui saturé par les nouveautés, preuve s’il en était besoin que ce secteur industriel n’a pas dit son dernier mot, n’a pas imprimé sa dernière phrase, et n’a pas sorti son dernier ouvrage.

La principale préoccupation qui demeure aujourd’hui est le coût écologique important engendré par le nombre grandissant de retours au pilon (environ 25% des livres imprimés). Cela soulève des questions de gestion des stocks, de commandes d’impression et surtout du gaspillage de la filière. De telles dépenses, outre qu’elles sont coûteuses, sont également accentuées par le poids financier des émissions de GES que génèrent les transports acheminant les livres français imprimés au mieux en France et dans les pays limitrophes, au pire dans les pays d’Europe de l’Est ou d’Asie.

D’aucuns diraient que les éditeurs tentent de trouver des solutions palliatives en privilégiant un papier recyclé, un papier certifié FSC ou même en ayant recours à des encres naturelles… mais cela ne résout en rien la mauvaise gestion des stocks.

Parallèlement, émergent aujourd’hui des solutions innovantes pouvant répondre à ces préoccupations écologiques. C’est dans cet esprit que certains imprimeurs ont développé un service d’impression numérique à la demande (POD) qui permet une production de livres en plus faibles quantités. D’abord largement sollicités par l’autoédition, ces services tentent de se faire désormais une place auprès des maisons d’édition. Toutefois, ces dernières n’ont pas toutes réussi à s’adapter face à la concurrence rapide d’Amazon, pas plus que face à la nécessité d’une gestion efficace des commandes, au prix des impressions et à la qualité des ouvrages proposée. Et pour ne rien arranger, l’impression à la demande a mauvaise presse, tant sur la forme que sur le fond. Certains éditeurs critiquent ainsi la qualité du papier et le manque de personnalisation, tandis que les libraires se plaignent, quant à eux, des délais de commande et de la qualité éditoriale.

Pourtant l’impression à la demande permettrait aux éditeurs de gérer plus efficacement leurs stocks de livres en produisant strictement le nombre d’ouvrages dont ils ont réellement besoin. Ce processus technique est certes plus onéreux, mais il permet d’éviter les coûts de stockage et les pertes sèches liées aux retours au pilon. Cette solution peut donc être vue comme un moyen de réapprovisionner ponctuellement les « nouveautés » afin d’ajuster au mieux les stocks ou encore d’imprimer le fond de catalogue qui nécessite un plus faible nombre de tirages par titre.

 « Depuis quelques années, les Éditions Grasset ont décidé de transférer leur fond de catalogue en impression à la demande auprès d’une société française, afin de fidéliser leur clientèle en proposant tous leurs anciens ouvrages à la demande »: Lightning Source France.

Née d’un « venture » entre deux acteurs majeurs de l’industrie du livre (Hachette Livre et Ingram Content), Lightning Source France s’est rapidement imposée comme pionnière de l’impression à la demande en France.

Elle bénéficie de l’organisation efficace de la distribution qui est celle d’Hachette, ce qui l’incite à tenir des délais très serrés, et du savoir-faire d’Ingram Content à l’étranger, ce qui lui permet de proposer une solution compétitive. Basée en France à Maurepas et grâce à cette localisation stratégique, elle assure la rapidité dans le suivi de ses commandes (principal grief formulé contre les solutions d’impression à la demande) et évite également un coût écologique supplémentaire du transport.

L’impression à la demande, si elle est avant tout une solution écologique (son taux de « gâche » papier est de loin le plus bas de la profession), permet également une transmission pérenne de la culture et du savoir en incitant les maisons d’édition françaises à rendre disponibles leurs ouvrages anciens qui ne sont plus systématiquement  imprimés chaque année. Ce modèle peut également s’adapter à un public de niche tels que les chercheurs qui ont besoin d’ouvrages hyper spécialisés nécessitant a fortiori de faibles tirages. Lightning Source France met en avant le savoir et la culture française puisqu’elle s’occupe de rendre disponibles à la demande certaines œuvres libres de droit de la Bibliothèque Nationale de France. La POD facilite d’ailleurs également l’exportation de nos ouvrages à l’étranger en satisfaisant une demande de moindre envergure et en permettant l’impression au plus près du lecteur dans de nombreux pays.

De ce point de vue, cette entreprise participe au rayonnement français et montre qu’une réindustrialisation de notre pays est possible en proposant des solutions innovantes tout en prenant conscience des enjeux environnementaux actuels, car bien souvent « la vox populi crie au loup », sans réellement mettre en place des ébauches permettant de résoudre tout ou partie des problèmes..Pire, si une idée était trouvée et mise en place, je ne suis pas certain que nos concitoyens se résoudraient à l’appliquer..

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