Par Cyril Benoit, Président de Vouloir la République
L’ampleur du sinistre créé par la pandémie se révèle chaque jour un peu plus. Les indépendants, les TPE et PME sont les plus fragilisés. Elles sont 3,8 millions, y compris les microentreprises, emploient 6,3 millions de personnes, et produisent 43% de la valeur ajoutée du pays. Les mesures mises en place par le précédent gouvernement ont été seulement pensées pour répondre à l’urgence. Le nouveau Premier ministre ne semble pas en avoir pris la mesure, n’annonçant aucun soutien supplémentaire. Du sparadrap n’arrêtera jamais une hémorragie !
Un PGE renforcé pour les TPE et PME
Les Prêts garantis par l’État sont une mesure d’urgence bienvenue, que le gouvernement a su déployer efficacement. Mais la réponse est insuffisante. Il est nécessaire d’en repenser l’accès, le quantum et la maturité. L’accès : le PGE renforcé doit s’adresser uniquement aux TPE et PME, le dispositif restant inchangé pour les grandes entreprises. Pour ce PGE renforcé, il faudra élargir les entreprises concernées : trop de refus, si ce n’est de discriminations, ont été constatées, et « l’automaticité » affichée par le gouvernement lors de l’annonce initiale s’est changée en tri sélectif au sein de leur clientèle par les banques. C’est injuste. Il est également nécessaire que les entreprises ayant contracté un PGE obtiennent la totalité de l’enveloppe de 25% du chiffre d’affaires. Une façon de régler ces sujets pourrait être de porter la garantie de l’État à 100%. Enfin, la période d’amortissement en cas de non remboursement au bout d’une année doit être portée à 10 ans, ce qui augmentera également la probabilité pour l’État de ne pas engager sa garantie. Il est désormais clair que les entreprises auront besoin de beaucoup de temps pour se remettre de la pandémie.
Annulation des charges fiscales et sociales de la période précédente
Comment payer les reports de charges fiscales et sociales lorsque l’entreprise n’aura fait aucun bénéfice pendant la période du confinement, vraisemblablement épuisé sa trésorerie, et que retrouver sa rentabilité prendra du temps ? Reporter, comme l’État l’a décidé, revient tout simplement à reprendre d’une main ce que l’on a fait semblant de donner de l’autre. Il est nécessaire de commencer par annuler toutes les charges fiscales et sociales de la période précédente qui arriveront bientôt à échéance, soit un montant estimé à ce jour à 19,2 milliards. C’est ma seconde proposition. D’autres pays ont su le faire.
Une solidarité des grandes entreprises
Cette mesure a un coût substantiel, que les caisses de l’État et de l’assurance chômage ne seront pas en mesure de supporter. Comment payer ? Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que la dette ne peut éternellement s’accroître. L’idée que les investisseurs refinanceront indéfiniment à perte les États est une vue de l’esprit. C’est aussi une fragilisation inquiétante de notre souveraineté nationale : qu’une dette aussi vaste soit possédée par des intérêts variés, non identifiés clairement au-delà des 15% environ détenus par la Banque de France pour le compte de la Banque centrale européenne, nous affaiblit. Une augmentation à moyen terme, tant que l’urgence sociale l’impose : oui. Une augmentation indéfinie : non. Il faudra de nouvelles ressources, dans un cadre de justice. Éluder cette question, ou promettre qu’aucune augmentation d’impôts n’interviendra, est une diversion malhonnête.
Notre économie, autant que notre cohésion sociale, dépendent de la solidarité qui s’exerce réellement entre tous les acteurs qui la composent. Nous devons organiser une entraide entre les grandes entreprises, au sens de la loi, et les investisseurs institutionnels d’un côté, les indépendants, TPE et PME, de l’autre. Elles sont souvent clientes ou fournisseurs les unes des autres, formant en réalité un tout : le tissu économique et social de la nation. Les représentants des grandes entreprises et ceux des indépendants, TPE et PME devraient rechercher, immédiatement, un accord permettant aux premiers de soutenir les seconds.
C’est d’autant plus légitime de l’exiger des plus grandes entreprises cotées, à l’heure où la bourse atteint des sommets tonitruants, et que leur valorisation défie bien souvent la situation de l’économie réelle, soutenue par les injections massives de liquidité par les banques centrales. S’ils n’y parvenaient pas, ce serait à l’État d’imposer cette solidarité. Les options sont nombreuses, comme un relèvement ambitieux, lissé dans le temps pour être soutenable, de l’impôt sur les sociétés des grandes entreprises. De tels efforts ont par le passé démontré leur utilité dans des circonstances exceptionnelles. Et « inviter », selon l’expression du nouveau Premier ministre, les plus grands groupes à ne pas distribuer de dividendes ne suffira pas à sauver l’économie française.
Cyril Benoit