88% des entreprises industrielles déclarent avoir lancé un projet d’industrie 4.0. Cette tendance reflète la volonté du Gouvernement d’accélérer la digitalisation de l’industrie en France. Cette volonté se traduit également par l’appel à projets lancé en 2021 pour créer une filière dédiée aux technologies de la logistique et des transports. Innovations, digitalisation et utilisation de l’IA.
A quoi ressemblera la supply chain de demain ? Réponses d’Agnès Damette, présidente de Logitrade, magnifique entreprise montpelliéraine, issue d’IBM, leader sur son marché de l’externalisation des achats ainsi que des approvisionnements en produits non stratégiques. L’entreprise (qui compte parmi ses clients la RATP, Alstom ou encore Bouygues Telecom) a réalisé en 2021, 113 849 842 M€ de chiffre d’affaires.
Comment les entreprises industrielles se renouvellent-elles pour tendre vers une industrie 4.0 ?
Dès 2010 le leadership allemand sur les technologies à moyenne et forte technicité a été menacée par l’émergence des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). L’influence et le monopole de ces dernières dans l’appropriation de la donnée consommateur leur permettaient de se positionner en haut de la pyramide de la captation de valeur. Les industriels allemands ont alors riposté en 2011, à l’occasion de la foire de Hanovre, avec leur introduction du concept « d’industrie 4.0 ». Les consommateurs et leurs données seront désormais placés au centre du dispositif industriel.
Confrontés à une volatilité de plus en plus forte des comportements d’achats et à un pouvoir de rétention qui se réduit, les industriels sont désormais contraints d’adapter leurs méthodes et leurs outils à cette nouvelle donne. Il s’agit donc de maintenir de capter les données comportementales en amont, pour adapter l’offre en temps réel ; puis en aval, d’enrichir l’expérience des utilisateurs pour lutter contre l’attrition. Il s’agit également, pendant le cycle, d’échanger les informations entre les acteurs et les machines pour réduire le « time to market » et les coûts de lancement et d’adaptation.
De nombreuses solutions techniques comme le cloud, la virtualisation, la blockchain, la communication machine à machine, ou les bases de données parallélisées permettent désormais de répondre aux nouveaux besoins en termes de stockage, de traitement et de partager la data. La robotisation s’ouvre aujourd’hui à tous les secteurs d’activités et n’est plus réservée qu’à l’élite de l’industrie et s’étend jusqu’à la logistique manufacturière, le secteur du retail, celui de la chimie ou encore de la pharmacie.
Supply Tech : quelles sont les dernières innovations dans le secteur de la Supply Chain ?
Dans ce nouveau paradigme, le consommateur doit être en mesure d’être informé en temps réel de l’évolution de sa commande et de profiter d’une prise en charge de ses besoins en quelques heures. Le défi est gigantesque pour les acteurs de la supply-chain, qui doivent s’adapter au morcellement des besoins et aux aléas en temps. Ce sont autant de contraintes que doit être en capacité de gérer une supply-chain 4.0.
La robotisation s’est imposée dans de nombreuses activités de manutention (+20% sur les cinq dernières années) grâce à la virtualisation du contexte opératoire et à l’abaissement du coût des robots (-40% sur 10 ans dans l’IA).
Les magasins deviendront-ils tous digitaux ? Et les catalogues électroniques ?
La digitalisation d’aujourd’hui s’appuie encore grandement sur la catégorisation fine. Ainsi les magasins digitaux et les catalogues électroniques reposent-ils sur la notion d’article. On pourrait penser que les services échappent encore à cette « normalisation » forcée.
Cependant il y a fort à parier que l’échappatoire du « service + » ne résistera pas longtemps à ce mouvement de virtualisation. L’intelligence artificielle cannibalisera sans aucun doute un nombre important de services grâce aux capteurs, à la virtualisation et à la reconnaissance vocale.
Une fois de plus le monde du retail s’est montré précurseur. L’IA permet désormais une personnalisation des propositions et des catalogues. Un défi devant lequel sont placés de nombreux distributeurs généralistes est la mise en évidence de la donnée pertinente. L’aide à la décision et la personnalisation de l’offre sont des attentes partagées par l’ensemble des consommateurs qu’ils soient industriels ou simples particuliers. Les nouveaux outils d’étiquetage des données ouvrent ainsi la voie à un traitement massif et rapide des données.
Aussi les limites de cette digitalisation galopante ne sont sans doute pas tant techniques qu’éthiques et sociétales. En effet, alors que la décarbonation s’impose désormais collectivement, les impacts environnementaux de cette digitalisation commencent tout juste à être questionnés. Redondance de la donnée, minage, explosion des transports dits du « dernier km », etc. sont autant d’obstacles futurs à cette généralisation débridée de la digitalisation.
A quoi ressemblera la Supply Chain 4.0 ?
A la notion de simple commodité correspondra sans doute une supply-chain automatisée et virtualisée. Les enjeux de coûts conduisent à la généralisation des robots intelligents (drones, véhicules autonomes, convoyeurs…), la massification permettant d’obtenir des retours sur investissement rapides. En parallèle, les besoins de traçabilité totale des produits sont supportés par un ensemble de techniques allant du cloud, aux étiquettes RFID en passant par les réseaux 5G et bientôt satellitaires. Un produit pourrait se résumer à une empreinte numérique qu’il s’agit de suivre tout au long de son cycle de vie. Le consommateur se virtualise derrière ses habitudes de consommation, son profil décliné en autant d’attributs que de sollicitations potentielles, il est traçable et devient une cible prédictible. La dernière couche qui parachève cette virtualisation correspond à la numérisation du monde réel en mouvement.
L’enjeu pour les industriels de remonter très en amont dans cette chaîne de valeur est primordial. Les industriels allemands ne s’étaient pas trompés en 2011 à Hanovre, désormais Apple, Amazon et Microsoft se lancent après Google dans la course à l’automobile du futur.
L’intimité client va se décliner sans doute de façon multiple. Du simple conseil à la personnalisation poussée, du partage de proximité à la quête d’authenticité, le chemin passe à non point douter par un besoin de partage de valeurs communes.
Les modèles de la Supply Tech et du circuit-court cohabitent et fluctuent au gré des avancées technologiques et des évolutions sociétales. La notion de responsabilité sociétale et environnementale sera à l’évidence déterminante dans l’approche future de la supply chain tant au plan collectif qu’individuel.