La PME spécialisée dans l’avitaillement civil et militaire va lever des fonds pour accélérer son développement et finaliser sa gamme de véhicules électriques. Laurent Pourprix, directeur général de Titan Aviation (24 M€ de chiffre d’affaires), détaille les ambitions de l’entreprise familiale, dont les véhicules sont prisés par l’armée française.
Pourquoi réalisez-vous cette levée de fonds ?
Pour comprendre, il faut revenir en arrière. L’entreprise a vécu deux années difficiles avec la crise sanitaire. Début 2020, après 15 ans de croissance, les aéroports ont fermé et nos clients civils ont stoppé tout investissement pendant deux ans. Notre activité centrée sur l’aéroportuaire et l’aéronautique a été divisée par deux… Finalement, le transport aérien est reparti à la hausse. Nos clients investissent de nouveau. En parallèle, nous sommes dans une phase dynamique de décarbonation des aéroports. Depuis un an, nos clients qui utilisaient jusqu’à présent des équipements exclusivement diesel sont friands des équipements hybrides et électriques que nous avons développés pendant la crise. Cette augmentation de capital s’inscrit donc dans ce contexte favorable.
Quels sont les investisseurs impliqués ?
Nous avons une minorité d’investisseurs financiers. L’immense majorité des fonds seront levés auprès d’investisseurs industriels avec qui nous envisageons des synergies. Soit parce qu’il existe une complémentarité en termes de produits, soit parce qu’ils se situent en amont de notre chaîne logistique. Ces industriels manifestent un intérêt à ce que notre entreprise perdure et se développe.
Comment allez-vous utiliser ces fonds ?
Nous allons poursuivre la phase de commercialisation de notre gamme d’équipements hybrides et électriques. Nous avons lancé la conception d’un avitailleur électrique adapté aux besoins aéroportuaires. Cet équipement est développé à 70 %. Une partie des fonds levés sera allouée à sa finalisation. Nous avons également besoin de financements pour conduire notre développement à l’international (Titan réalise 80 % de son CA à l’export, Ndlr).
Où en êtes-vous de votre transition vers l’électrique ?
En matière d’avitaillement, le domaine aéroportuaire utilise exclusivement du diesel. Nous devons donc réaliser un important travail d’évangélisation pour convaincre nos clients de passer à l’électrique. Nous avons noté un intérêt très fort de certains pays du Golfe, en particulier les Émirats arabes unis, et d’Asie du Sud-Est, comme l’Indonésie et la Malaisie.
Le ministère des Armées vous soutient-il ?
Le ministère et la DGA (direction générale de l’armement, ndlr) ont assumé leurs responsabilités en nous accompagnant fortement durant la crise sanitaire. Nos marchés en cours ont été maintenus, et les tranches conditionnelles de marché ont été affermies. C’est ce qui nous a permis, alors que le marché civil s’était effondré durant la pandémie, de passer cette crise. Nous avons également eu des financements spécifiques. Nos pertes dues au Covid ont notamment été compensées par des PGE.
Le secteur de la défense est-il toujours aussi porteur ?
Le contexte est en effet favorable. Les cycles sont plus longs dans ce secteur, et la guerre en Ukraine a permis de révéler le besoin de l’armée française de se rééquiper, notamment en matière de logistique. Les prochains programmes figurant dans la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 vont être particulièrement porteurs pour des PME comme Titan.
Ces grands programmes ne favorisent-ils pas plutôt les grands groupes ?
Quand on parle des programmes de défense, on parle en effet souvent des grands groupes, comme Thales ou Dassault, et moins du tissu de PME extrêmement actif. La BITD (base industrielle et technologique de défense, c’est-à-dire l’ensemble des industriels du secteur de la défense, Ndlr) regroupe pourtant 4000 PME et ETI. Ces dernières sont dans l’ombre, mais ce sont elles qui portent les programmes de défense, soit en direct, soit au travers des grands groupes.
Vous affirmez que les équipements de l’armée française sont vieillissants…
Les moyens logistiques commencent à manquer car les flottes d’équipements sont en effet âgées. Il y a un besoin de renouvellement. Certains équipements de l’armée française qu’on entretient ont plus de 30 ans. Mais malgré ça, la logistique reste toujours l’une des grandes forces de l’armée française. Les équipement fournis par Titan ont notamment participé à une mission de mise à disposition de carburant pour les forces françaises dans la bande du Sahel durant les opérations Serval et Barkane.
Quel est le profil de vos clients ?
Dans le domaine civil, nous travaillons avec des sociétés pétrolières comme Total ou BP, et des sociétés de services aéroportuaires. En ce qui concerne la partie défense, Titan s’adresse aux ministères, en France et à l’étranger. Nous travaillons avec l’armée algérienne depuis 40 ans, mais aussi avec d’autres armées africaines et avec des forces spéciales de pays amis. Nous avons également un marché en cours à destination de la Royal Air Force. Dans ce contrat, nous sommes sous-traitant et passons par un intermédiaire qui gère le contrat global.
Le ministère des Armées intervient-il dans vos choix à l’export en fonction de la nature des relations de la France avec tel ou tel pays ?
Juridiquement, ils n’ont aucun droit de regard. Mais nous sommes suffisamment raisonnables pour nous imposer à nous-mêmes le choix des clients avec lesquels nous travaillons. D’autant que les armées amies sont assez nombreuses pour ne pas avoir à se compliquer la vie avec d’autres clients… Quoi qu’il en soit, l’armée française est un accélérateur, elle nous sert de référence à l’international. C’est une force inouïe de pouvoir expliquer que l’armée française utilise nos produits depuis 40 ans.
La concurrence est-elle forte dans votre secteur ?
Nous sommes sur un marché de niche. Nos concurrents sont peu nombreux — il y en a généralement un par pays —, et ils sont internationaux. Mais cela ne nous empêche pas de travailler dans leur pays : nous réalisons 80 % de nos ventes à l’international, dont une grande majorité en dehors d’Europe. Nous avons beau avoir un concurrent en Angleterre, c’est nous qui adressons le contrat avec la Royal Air Force depuis la France. De leur côté, nos concurrents anglais ou allemand ont déjà vendu en France.
Quelle place occupe Titan au niveau mondial ?
Nous sommes un leader technologique. Nous sommes les premiers à avoir digitalisé les produits, à avoir développé notre propre interface homme-machine et à avoir lancé une gamme électrique. Aujourd’hui, Titan peut se targuer d’être la seule entreprise au monde à disposer d’une gamme complète d’équipements décarbonés, hybrides et électriques, pleinement opérationnels.