L’émergence récente d’outils utilisant l’intelligence artificielle, tels que ChatGPT, ouvre de nouvelles perspectives et suscite de nombreuses interrogations. Diplômé d’un Master « Expert en Technologies de l’Information » et d’un ExecMBA en Management IT et entrepreneuriat, Samir Rinaz, directeur de l’École des Technologies Numériques Avancées (ETNA – IONIS Education Group) depuis 2009, nous livre son analyse sur les progrès fulgurants portés par ces nouvelles technologies et sur leurs impacts.
Des schémas prédictifs de plus en plus pertinents
L’intelligence artificielle est intrinsèquement corrélée aux données collectées dont elle se nourrit pour être opérante, sachant que le volume d’affaires doit avoir un niveau suffisant pour que l’agrégation des données donne des informations interprétables et significatives. C’est ainsi que le géant Amazon s’appuie sur l’historique des ventes et sur les associations de produits vendus à des personnes données pour en déduire les produits qui peuvent intéresser les internautes.
« Nous considérions entre initiés que ce niveau de corrélation, finalement assez simple, relevait plus de la statistique que de l’intelligence artificielle, explique Samir Rinaz. Ce niveau ne permettait pas, par exemple, de comprendre pourquoi un livre ne se vendait plus depuis quelques mois, alors que les personnes qui avaient acheté ce livre avaient également acheté tel autre. D’autres informations concernant des événements périphériques, tels que l’édition d’une nouvelle version de l’ouvrage ou la sortie d’un nouveau livre ayant supplanté ce dernier, n’étaient pas décelées et donc négligées dans les scénarios établis.
Corréler la donnée statistique qui était peut-être vraie à une époque mais qui ne l’est plus à l’instant T est essentielle. Il existe aujourd’hui des algorithmes capables d’identifier des tendances en corrélant un grand nombre de données. La granularité des informations agrégées est simultanément beaucoup plus large et plus fine.
« Se positionner sur l’intelligence artificielle est devenu vital »
Des acteurs majeurs tels qu’Amazon se sont positionnés très en amont sur le sujet de l’intelligence artificielle. Ils ont su se saisir des opportunités ouvertes par l’IA pour développer leurs ventes et asseoir leur positionnement en s’appuyant sur de puissants algorithmes qui suggéraient des produits aux internautes en exploitant la masse colossale de données collectées.
« Aujourd’hui, nous sommes désormais dans une ère où toutes les entreprises, quelle que soit leur taille et leur secteur d’activité, vont être concernées par les sujets liés à l’intelligence artificielle dont elles perçoivent l’intérêt stratégique », précise le directeur de l’ETNA. « Se positionner sur l’intelligence artificielle est devenu un impératif vital pour les entreprises sous peine de décrochage, voire même de disparition. »
Un formidable levier de croissance
Puissant outil d’innovation et de compétitivité, l’intelligence artificielle offre aux entreprises l’opportunité de simplifier des tâches complexes et répétitives pour gagner en efficacité, d’optimiser l’efficience des process, de diminuer leurs coûts, de proposer des outils pour de nouveaux services, d’analyser et exploiter les données, d’optimiser les campagnes marketing et d’améliorer le service client.
« L’intelligence artificielle est désormais nichée au cœur du business des entreprises et irrigue tous les secteurs d’activité à laquelle « l’ancienne » industrie ne fait pas exception », souligne Samir Rinaz.
L’IA impactera le travail des informaticiens
L’exceptionnelle accélération des progrès de l’intelligence artificielle et la rapidité de son adoption conduisent à s’interroger sur son impact sur les emplois et sur la manière dont certains métiers s’exerceront à l’avenir. L’IA impacte notamment la manière dont les informaticiens vont travailler puisqu’il est désormais possible de solliciter des intelligences artificielles comme ChatGPT pour écrire des lignes de code. L’ETNA s’est donc adaptée à ce nouveau paradigme.
« Nous tenons compte de l’existence de ces outils afin d’adapter nos enseignements pour former les architectes logiciel.
« Les développeurs d’applications et les architectes de systèmes réseaux et de sécurité de demain, » ajoute le directeur de l’école. « Nous voulons être en phase avec les besoins de l’économie numérique. Nous avons commencé à nous positionner sur l’analyse statistique il y a quelques années. Progressivement, la notion de ‘big data’ a émergé dans notre secteur. Ces vastes ensembles de données collectées par les entreprises, qui peuvent être explorées et analysées pour en extraire des informations exploitables, ont ouvert de nouveaux horizons. »
IA générative : Que penser de ChatGPT et ses concurrents ?
« Nous sommes maintenant en mesure de préparer nos élèves à l’utilisation des nouveaux algorithmes, dont ChatGPT (un agent conversationnel prototype utilisant l’IA pour générer du texte afin de répondre aux requêtes des internautes, ndlr) et Dall-E (un programme d’IA générative capable de créer des images à partir de descriptions textuelles, ndlr) », détaille Samir Rinaz.
L’émergence fulgurante de l’entreprise américaine OpenAI, à l’origine de ChatGPT et Dall-E, a impressionné les observateurs. D’autant plus que la firme californienne, dans laquelle Microsoft a investi plus de dix milliards de dollars, a signé des accords avec de nombreux acteurs industriels dans différents secteurs. La réponse des autres GAFAM – Google avec Bard, Amazon avec Bedrock – n’a pas tardé.
« Il existe des risques de création de biais et d’appauvrissement de l’humain si on utilise ces outils sans réfléchir et sans vérifier le résultat », prévient Samir Rinaz. « Il n’est pas inconvenant qu’un journaliste utilise ChatGPT pour rédiger un article s’il vérifie la justesse des sources et s’assure qu’il n’y ait pas de biais. C’est un gain de temps significatif qui peut permettre de se recentrer sur des tâches à valeur ajoutée, mais une ‘fake news’ pourrait être propagée par un journaliste sans même qu’il s’en rende compte si celui-ci confie son travail à l’agent conversationnel sans prendre le temps de la relecture. »
Cela promet.
Isabelle Jouanneau