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FoodTech : InVivo mise sur la transformation digitale


Premier groupe coopératif agricole français, InVivo a pour mission de promouvoir l'alimentation française à l'international sous différentes formes et redonner à l’agriculture et la coopération agricole française toute leur place dans la chaîne de valeur alimentaire sur le plan mondial. Thierry Blandinières, Directeur général du groupe InVivo, revient sur la transformation digitale dans laquelle cet acteur majeur du monde agricole s’est engagé.

Entreprendre - FoodTech : InVivo mise sur la transformation digitale

Premier groupe coopératif agricole français, InVivo a pour mission de promouvoir l’alimentation française à l’international sous différentes formes et redonner à l’agriculture et la coopération agricole française toute leur place dans la chaîne de valeur alimentaire sur le plan mondial. Thierry Blandinières, Directeur général du groupe InVivo, revient sur la transformation digitale dans laquelle cet acteur majeur du monde agricole s’est engagé.

InVivo réunit 220 coopératives sociétaires regroupant elles-mêmes plus de 300 000 agriculteurs. Avec 9 200 collaborateurs, le groupe qui a réalisé un chiffre d’affaires de 6,4 milliards d’euros (2015-2016) rayonne, à travers 31 pays et est présent dans quatre grands domaines d’activités : l’agriculture, la nutrition et la santé animales, la distribution grand public et le vin.

Quelle est votre vision de la révolution digitale ? Quels sont les leviers de la transformation numérique chez InVivo ?

Thierry Blandinières : Je souhaite axer notre développement sur la transformation numérique du groupe. Cette dernière est en marche depuis plus d’un an, il nous faut désormais l’intégrer dans notre stratégie long terme.

Il y a trois ans, nous avons élaboré un plan stratégique intitulé « 2025 by InVivo », qui projette le groupe à l’horizon 2025. Véritable institution dans le monde agricole français, le Groupe InVivo avait besoin de trouver un nouveau souffle et de clarifier son modèle économique et juridique. Notre ambition était d’apporter plus de lisibilité à nos partenaires afin qu’ils comprennent les mécanismes du groupe et souhaitent participer activement à notre développement.

Il convenait d’identifier en amont les centres de services pour les coopératives, considérés comme des centres de coûts et de prestations. En effet, nous renvoyons systématiquement vers les coopératives des ristournes sur les achats de biens et services, et des complémentes de prix sur la vente de céréales à l’international. Sans jamais perdre de vue notre ADN coopératif, nous avons également des métiers orientés business qui traduisent une logique d’entreprise classique, axée sur la performance économique, le profit et les dividendes.

Nous imaginons de nouvelles solutions et concevons de nouveaux produits et services en nous appuyant sur la révolution digitale qui bouscule les codes classiques et les marchés. Nous souhaitons accompagner l’agriculture française tant au niveau local qu’à l’international et connecter les savoir-faire actuels et futurs de l’agriculture aux besoins et aux nouvelles attentes des consommateurs.

Quel était l’objectif de ce nouveau modèle économique ?

T.B. : Nous poursuivons trois axes stratégiques majeurs : être une tête de pont de l’agriculture française à travers le monde, imaginer et investir dans les métiers d’avenir et ouvrir de nouveaux débouchés et accompagner la mise en marché de produits français.

Nous sommes organisés en quatre grandes divisons : l’agriculture (InVivo Agriculture), la nutrition et la santé animale (Neovia), le retail (InVivo Retail) et le vin (InVivo Wine). Nos quatre pôles d’activités sont filialisés sous la holding InVivo Group, ce qui permet de clarifier la structure financière avec des paliers de consolidation par métier.

Notre programme étant ambitieux, nous avons la possibilité pour le financer d’ouvrir le capital de certaines filiales à des actionnaires extérieurs qui apportent les fonds nécessaires afin de poursuivre et dynamiser notre croissance. Nous avons procédé ainsi avec notre branche nutrition et santé animale, Neovia, il y a deux ans, en associant des actionnaires majeurs tels que Eurazeo, CDC Internationl, le Crédit Agricole et Unigrains pour financer le projet de croissance de cette filiale.

L’agilité constitue un second levier. Nous avons souhaité redonner plus de pouvoir de décision au niveau des filiales afin de fluidifier les circuits de décision et gagner en réactivité. Nous avions déjà en tête la transformation digitale mais ce n’était pas aussi clair qu’aujourd’hui. Le digital facilite significativement cette mutation et permet de gagner également en termes de transversalité au sein du groupe.

Quel regard portez-vous sur la transformation numérique ?

T.B. : Elle constitue un formidable levier de croissance permettant d’échanger et de partager très rapidement à l’échelle internationale. La transformation numérique est présente dans tous les pays du monde et favorise notre reconstruction axée sur un rythme de croissance externe soutenu.

Nous avons réalisé une trentaine d’opérations de rachats en l’espace de 3 ans, avec notamment l’acquisition de trois entreprises dans le secteur du vin depuis 2015. Notre ambition est de structurer un pôle vin français puissant (participation à hauteur de 10% au capital de Vinadeis, acquisition de 100% des parts de la grande maison de négoce bordelaise Cordier Mestrezat Grands Crus et de Baarsma Wine aux Pays-Bas).

L’axe digital est névralgique pour l’avenir et concerne tous les métiers. Il permet d’apporter plus de transparence sur l’origine des produits et ainsi de rassurer les consommateurs.

Le métier de trading des céréales subit également une profonde mutation ; nous sommes en train de créer une place de marché dédiée. Grâce à cette plateforme, les coopératives disposent d’une plus grande visibilité sur les prix et ont désormais la possibilité de se positionner sans avoir à solliciter l’intervention systématique d’un courtier.

On parle aujourd’hui d’AgTech. Comment accompagner ce processus de digitalisation ?

T.B. : Les agriculteurs doivent désormais avoir une compréhension plus fine de leur produit. Nous avons pour projet de construire le business model du Big Data agricole. L’agriculture génère et exploite un grand nombre de données (intrants, cours des produits, rendement, météo…), dont les nouvelles technologies permettent une exploitation fine et prospective.

Agréger et valoriser ces informations sur des plateformes mutualisées permet de disposer de données pour anticiper les marchés, orienter les politiques agricoles et aider les agriculteurs dans leur prise de décision. Smag édite déjà des logiciels de gestion de données agronomiques accessibles sur le Web permettant d’optimiser le pilotage technico-économique et la traçabilité de la production.

Nous souhaitons investir dans les métiers et les modes de travail du futur afin de renforcer la capacité de l’agriculture française à produire plus et mieux et à prendre la place qui lui revient sur la scène mondiale. La transformation numérique constitue un accélérateur de création de valeur qui soutient les 5 piliers de performance du plan InVivo 2025.

Votre plan stratégique comporte un volet consacré au retail. Les points de vente physiques font-ils partie intégrante de votre approche ?

T.B. : Nous avons ouvert des points de ventes Frais d’ici dans les enseignes Gamm Vert disposant de mètres carrés disponibles afin de répondre aux attentes des consommateurs en quête de circuits courts et de produits locaux. L’idée est également de transformer ces premières initiatives de magasins physiques en places de marchés e-commerce.

Nous avons pour projet d’ouvrir deux ou trois magasins sur Paris mais surtout de créer une plateforme permettant de livrer directement les consommateurs chez eux, voire même les restaurateurs, à l’horizon de 2 ou 3 ans. Nous réfléchissons également au lancement d’une plateforme d’approvisionnement en ligne.

Bénéficiant de notre réseau de 220 coopératives, nous avons l’avantage d’accéder assez facilement aux produits du terroir français. Notre capacité à mettre en ligne ces productions régionales constitue un  avantage concurrentiel fort et différenciant. Nous travaillons sur des sujets très concrets où il est question de transformer les métiers anciens, d’inventer de nouveaux métiers et de repenser le circuit B2B et B2B2C.

Historiquement, le monde agricole est resté en retrait des nouvelles technologies. Quels bouleversements entraîne la révolution numérique ?

T.B. : La véritable question qui se pose en France  n’est pas celle de l’agriculture mais des agricultures. Nous bénéficions en effet d’une importante diversité de terroirs, de territoires et d’une grande variété d’agricultures que l’on ne doit pas opposer. Certains agriculteurs sont plus orientés vers le bio, le bio étant devenu un secteur très porteur pour lequel on observe une forte demande des consommateurs.

Il existe par ailleurs de grandes cultures, telles que les cultures céréalières, où l’agriculteur est déjà « mondialisé » depuis longtemps. Le cours du blé dépendant de la Bourse de Chicago, les grands agriculteurs céréaliers sont déjà tournés vers la modernité – certains agriculteurs ont déjà des tracteurs équipés de robots, de satellites, etc -, il est donc assez facile d’accélérer la transformation digitale dans ce secteur.

Il existe un machinisme agricole très pointu et en pleine digitalisation, ainsi qu’une véritable attente concernant l’ajout de programmes et de logiciels permettant de développer l’agriculture de précision. Il s’agit de véritables leviers pour aider les agriculteurs à démontrer qu’ils peuvent produire plus, avec une meilleure rentabilité, en travaillant le rendement à l’hectare, tout en préservant l’environnement et l’écologie.

Vers quel domaine doit se porter l’effort ?

T.B. : Sur la production animale où la transformation est un peu moins fluide et naturelle, bien qu’à titre d’exemple, dans la filière lait, des robots de traite se mettent en place dans les fermes. La percée du digital sera donc plus lente et progressive dans ce secteur que dans la culture des céréales ou les agricultures plus orientées sur le végétal. Il existe cependant une dynamique d’ensemble positive.

Certains céréaliers en pointe ont une valeur d’exemple pour les producteurs animaliers qui auront envie d’accélérer le processus en constatant les résultats obtenus. On constate la mise en place d’un cercle vertueux.

Quelle sera la place des start-up soutenues par InVivo Invest dans la transformation digitale du groupe ?

T.B. : Notre nouvelle filiale InVivo Food&Tech, dédiée à l’innovation dans l’alimentation, aux technologies et usages digitaux, a pour ambition de « nourrir le futur ». Aux objectifs initiaux de répondre à la demande croissante de système alimentaire mondial et de créer encore plus de valeur sur tous les segments de la chaîne alimentaire, s’ajoutent désormais de nouvelles ambitions pour le groupe : anticiper, comprendre et répondre à la consommation future et à ses nouveaux modes.

InVivo Food&Tech est la pépinière qui fera émerger les idées innovantes de l’alimentation du futur en apportant une vision 360° à la chaîne alimentaire. InVivo Food&Tech renforcera la transversalité des métiers et fédèrera les coopératives membres de l’Union InVivo autour d’innovations disruptives et des nouvelles technologies pour promouvoir la « French Food Touch ».

Comment recrutez-vous pour cet incubateur ?

T.B. : InVivo Food&Tech bénéficie du soutien d’InVivo Invest, le fond d’amorçage du groupe et de l’écosystème des pépinières InVivo (le studio Agro Digital à Montpellier, la Pépinière InVivo Tech au siège de la Défense et la future Maison du Végétal à Reims) pour sélectionner et accompagner des pépites de la FoodTech française et mondiale.

Comment s’articule InVivo Food&Tech ?

T.B. : Nous sommes organisés en quatre univers participant à réinventer l’alimentation :

Le DigitalMarket

qui porte sur la digitalisation des échanges et des marchés. Cette division a pour vocation de dynamiser le e-business du groupe en regroupant et en développant le savoir-faire en marketing digital et e-commerce, en mutualisant les choix technologiques qui pourront être mis à la disposition des coopératives ou des start-up de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Ouifield est la marketplace de biens et de services à destination des coopératives et des agriculteurs : marqueur du passage de l’agriculture à l’heure du digital.

La NewFood

qui porte sur les nouvelles tendances alimentaires : les nouveaux ingrédients, les nouveaux aliments et process de production et les nouveaux modes de consommation.

L’UrbanFood

avec le concept très en vogue de CityFram participe à la création de nouveaux lieux et de nouveaux modes d’agriculture destinés à nourrir les populations, notamment urbaines, en circuits courts. Dans ce domaine, InVivo Food&Tech travaille en étroite collaboration avec les équipes d’AgroSolutions pour devenir le premier opérateur de solutions visant à produire en ville.

Le Retail4Food

concerne le cycle de vie et les circuits de distribution de productions alimentaires. Elle a pour vocation d’accompagner la mise en marché des productions agricoles et agroalimentaires françaises localement et mondialement, en les valorisant grâce à des nouveaux concepts de distribution. À travers la valorisation des circuits courts, il est question de redonner toute sa place à l’agriculteur dans la distribution de ses produits et de favoriser la proximité avec le consommateur. Il y a 3 ans, nous avons lancé des magasins alimentaires de proximité, Frais d’ici, qui ont participé à ce travail avec un affichage et un étiquetage spécifiques permettant d’identifier la provenance du produit et l’identité de son producteur. Nous travaillons également sur des concepts de distribution « Made in France » pour que l’agriculture française continue de s’exporter à l’étranger.

Quel est l’impact social d’InVivo ?

T.B. : Nous souhaitons imaginer et nous inscrire activement dans l’alimentation du futur (protéines végétales et à base d’insectes, par exemple) et imaginer des solutions afin de réussir à nourrir la planète qui comptera 2 milliards de personnes supplémentaires en 2040.

L’enjeu est de taille dans la mesure où il faut trouver des alternatives afin d’augmenter la production végétale de 70%. Nous devons trouver de nouvelles sources d’alimentation au-delà des céréales. Notre réflexion porte notamment sur les innovations possibles en matière de protéines végétales qui pourraient se substituer aux protéines animales (exemple : steak de soja). L’innovation fait donc partie d’un des quatre piliers d’AgTech-FoodTech. Nous nous inscrivons en droite ligne avec notre mission régalienne qui consiste à promouvoir l’agriculture française dans le monde entier.

Nous souhaitons mixer cette culture entrepreneuriale et nos compétences internes afin de créer une alchimie positive et que les start-up contaminent positivement nos équipes.

À quoi ressemblera InVivo en 2025 ?

T.B. : 2025, c’est déjà demain ! J’espère que nous aurons rempli notre double objectif : doubler la taille de notre groupe et intensifier l’accélération de notre développement à l’international (90% à terme). En 2025, nous serons à 100% digital, ce qui nous permettra d’accroître très significativement notre compétitivité dans l’agriculture, l’alimentation et le commerce.

Je souhaite que nous devenions un groupe encore plus innovant. Nous allons utiliser le digital comme un levier pour accélérer notre capacité d’innovation, et donc de différenciation. Nous aspirons à augmenter notre profitabilité pour créer plus de valeur pour nos salariés, les agriculteurs et nos investisseurs. Enfin, nous poursuivrons notre diversification en nous ouvrant à de nouveaux métiers et en créant une ou deux nouvelles branches à fort potentiel pour compléter les métiers industriels du groupe.

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