Que nous reste-t-il de l’enfance lorsque nous devenons adultes ? Pour Jade Genin, la réponse est évidente. L’enfance est un parfum, celui du cacao. Elle a grandi dans ces effluves, fille d’un très grand chocolatier français, Jacques Genin. Elle a passé bien des week-ends et bien des mercredis après-midi dans l’atelier modeste de son père, rue Saint-Charles, dans le 15ᵉ arrondissement de Paris, où papa inventait et réinventait sans cesse. Jade, elle, regarde, goûte, s’imprègne. « Pour moi, tout cela était normal… Le chocolat était là, il faisait partie de ma vie, une petite fille ne se pose pas de questions… »
Parallèlement, Jade se prend de passion pour le patin à glace. Intégrée à une section sport-études, elle s’entraîne quotidiennement, partage son temps entre les études le matin et l’entraînement l’après-midi. Le patinage est un apprentissage rude : on tombe, on se fait mal, on se relève, on chute à nouveau. Est-ce ces après-midi sur la glace qui ont aidé la jeune femme à se forger ses valeurs de rigueur, de persévérance et de discipline ? Oui, sur la glace, elle répète à sa façon le goût du travail, transmis par son père : répétition des gestes, goût de l’effort et discipline de fer. Jade Genin n’est pas du genre à abandonner la partie.
Après son bac, elle s’oriente vers des études brillantes qui la conduisent d’abord à la Sorbonne, où elle intègre un cursus de droit des affaires et fiscalité en partenariat avec HEC. En deux-trois mouvements, elle rejoint le cabinet d’avocats Latham & Watkins, spécialisé dans les fusions-acquisitions. L’enfant de la chocolaterie, la patineuse talentueuse, laissent la place à l’avocate de talent dans le monde hyper-concurrentiel de la fusion-acquisition. Un parcours sans faute.
L’enfance, plus forte que tout
En 2017, au cœur d’une cérémonie que l’on imagine solennelle, Jacques Genin, papa et maître chocolatier, reçoit la médaille de l’Ordre du Mérite agricole. C’est à cet instant précis que la vie de Jade Genin bascule. « Que va-t-il rester de tout ça ? » se demande-t-elle soudain. Ses souvenirs d’enfance chocolatés refont surface. « J’ai compris que le chocolat faisait partie de ma vie et de ce que j’étais intrinsèquement. Une partie de vie que je n’avais pas envie de laisser partir. J’ai soudain réalisé que mes enfants ne connaîtraient peut-être pas la chocolaterie si je ne faisais rien. C’était le moment de prendre une décision. »
Alea jacta est ! Jade Genin va jeter sa robe d’avocate aux orties.
En 2019, elle rejoint son père dans l’atelier de la rue de Turenne pour travailler à ses côtés. Entre conseils et inévitables frictions, l’ex-patineuse avocate assimile les techniques de fabrication de Jacques Genin tout en consolidant son propre style.
En 2022, Jade se jette à l’eau, convainc les banques de la financer et ouvre sa propre chocolaterie, au 33 avenue de l’Opéra. Sa création phare, les Pyramidions, rend hommage à l’obélisque de la Concorde et à la pyramide du Louvre. On y accourt, paraît-il, du monde entier. Sans doute pour y retrouver un goût subtil et rare : celui de la sincérité.