On n’arrête plus le self-made-man lyonnais qui, après avoir fait fortune dans le médical (LVL Médical), réinvestit à tout va sa fortune (220è de France) dans le tourisme haut-de-gamme. Il vient de finaliser sa 10ème acquisition autour du lac d’Annecy, après le Marriott à Lyon ou le Châteaude Bagnols dans le Beaujolais.
« Mon père partait du principe qu’il y avait des familles de dirigeants et des familles de salariés. Je viens plutôt de la seonde catégorie… ». Sauf que Jean-Claude Lavorel a décidé de ne pas tenir compte du mantra de son père pour aiguiller sa carrière. Il deviendra donc entrepreneur, au grand dam de son paternel.
«J’ai toujours eu envie de faire des choses moi-même et de créer. » Autodidacte absolu – il n’a qu’un diplôme : le bac –, Jean-Claude Lavorel crée sa première société au tout début des années 70. Le premier secteur qu’il tente de conquérir ? Le prêt-à-porter. « C’était une expérience… glisse-t-il sans fanfaronnade.
Disons qu’il fallait bien voir ce que c’ était qu’ une entreprise. Je me suis lancé sans argent, ni compétences réelles. Ça ne s’est pas soldé par une réussite, mais j’ai appris à ne pas recommencer les mêmes erreurs… On apprend plus dans l’ échec que dans la réussite. »
Cette expérience, durant laquelle « Jean-Claude Lavorel » y acquiert la certitude que « rien n’ est jamais acquis », lui servira à éviter les écueils. « L’ histoire d’ une entreprise est faite de hauts et de bas, ce n’est pas un long fleuve tranquille comme l’ admi- nistration. »
La deuxième vie de Jean-Claude Lavorel trouve ses racines dans une nouvelle expérience de salarié. Entré fortuitement dans le secteur de la santé comme commercial, Jean-Claude Lavorel vend du matériel médical pour le compte d’une société spécialisée. Obsédé à l’idée de « recréer une entreprise », il apprend qu’une modification réglementaire autorise désormais les acteurs privés à réaliser des prestations respiratoires à domicile, une mission qui était auparavant réservée aux associations.
Un nouvel horizon s’ouvre devant lui. « Je me suis dit qu’il y avait sûrement quelque chose à faire au domicile des patients. » Ce penchant pour les soins à domicile, l’entrepreneur le doit à un grave accident de voiture survenu lorsqu’il avait 18 ans. « Je me sentais moins malade chez moi qu’à l’hôpital», assure-t-il. Ce douloureux souvenir se concrétise dans la création de LVL Médical.
D’abord petite structure spécialisée dans l’assistance respiratoire, la PME se transforme rapidement en l’une des plus belles ETI dans son domaine. Si bien qu’au moment de la vente de l’entreprise au groupe Air Liquide en 2012, LVL se trouve dans le trio de tête du secteur en termes de chiffre d’affaires (100 M€), juste derrière deux sociétés rachetées par… Air Liquide. « Mais en termes d’image et de qualité, nous étions les premiers », estime Jean-Claude Lavorel.
Pourquoi l’entrepreneur a-t-il cédé son groupe qu’il avait construit à la sueur de son front ? «J’étais très impliqué, explique-t-il, je n’avais pas de réel second sur qui me reposer, l’entreprise était en fait très lavorelo-dépendante (sic)… Nous étions cotés, le marché n’était pas euphorique, on était sous-valorisé. S’il m’arrivait quelque chose, la valeur aurait chuté, et je trouvais dommage de ne pas laisser un patrimoine après ces années de labeur.
Ne pouvant pas lever de capitaux en Bourse dans de bonnes conditions, je ne pouvais plus faire d’ acquisition. » Jean-Claude Lavorel fait donc le constat qu’il était peut-être temps de vendre sa création. Et Air Liquide, qui s’était déjà manifesté à plusieurs reprises, avait le visage du candidat idéal. Annoncée en juin 2012, la vente, dont le montant est estimé à 316 M€, met ainsi fin (temporairement) à l’aventure de Jean-Claude Lavorel dans le monde médical.
L’entrepreneur conservera tout de même les activités de LVL Médical en Allemagne – une entité qu’il détient encore aujourd’hui.
Sur les quelques 200 M€ de chiffre d’affaires de la holding Lavorel Développement, immatriculée au Luxembourg, les activités de santé (3600 salariés) représentent aujourd’hui à elles seules la moitié du volume d’affaires. Si la majeure partie se situe en Allemagne, le groupe lance aussi des opérations de croissance dans l’Hexagone.
Jean-Claude Lavorel a ainsi racheté une société de distribution et une entreprise d’assemblage de produits médicaux basée dans le Sud-Ouest. On ne se refait pas ! Après avoir consacré une vingtaine d’années au développement d’activités autour de l’insuffisance respiratoire et de l’apnée du sommeil, Jean-Claude tente un nouveau pari.
Après le prêt-à-porter et le médical, c’est l’hôtellerie qui séduit notre entrepreneur patenté. « Un choix fait par plaisir. C’ est agréable de prendre possession d’ un établissement, de le rénover. » Ce virage radical entrepris en 2012 débouche sur le rachat d’un premier hôtel de luxe, les Suites de la Potinière (5 étoiles), au pied des prestigieuses pistes de Courchevel, puis d’un second, le Château de Bagnols (5 étoiles) magnifique demeure seigneuriale situé dans le Beaujolais.
Si Jean-Claude Lavorel se défend de vouloir créer une chaîne hôtelière, il étend malgré tout l’étendue de son groupe. Avec le Marriott (ex-hôtel Hilton, racheté au groupe Partouche), le futur Kopster Hotel (trois étoiles), au cœur du Groupama Stadium de l’Olympique lyonnais, qui ouvrira le 1er octobre (« on a déjà des réservations »), ou encore la romantique Auberge de Létraz au bord du lac d’Annecy, (qu’ il est en train de faire rénover de fond en comble), le groupe Lavorel multiplie les acquisitions.
Fin juillet, c’est au tour du Palace de Menthon, surplombant le lac d’ Annecy, de tomber dans l’escarcelle de l’enseigne. Un magnifique établissement du début de XXème siècle est le premier grand palace hôtelier à décrocher sa 5ème étoile sur les bords du lac et qui appartenait jusque là au groupe de défiscalisation immobilière de François Benais.
À chaque fois qu’il rachète un complexe, l’autodidacte lyonnias, fait opérer des transformations conséquentes pour faire monter en gamme l’établissement. « À Courchevel, pour Les Suites de la Potinière, nous avons quasiment rasé l’ancien établissement pour pouvoir recréer une structure complètement nouvelle sur une catégorie nouvelle. Nous avons aussi lancé de gros travaux au Château de Bagnols (spa, verrière, nouvelles chambres…), un bel établissement qui avait connu des déboires. »
Le chef embauché par Jean-Claude Lavorel a même obtenu sa première étoile. En octobre 2017, dans une logique de diversification, le magnat de l’ hôtellerie lyonnaise a mis la main sur la compagnie fluviale Lyon City Boat. Renommée Bateaux Lyonnais, elle regroupe une flotte de six bateaux et propose des croisières gastronomiques et touristiques sur le Rhône et la Saône. Lorsqu’on lui demande quel projet se cache derrière Lavorel Hôtels, Jean- Claude n’y va pas par quatre chemins.
« L’ hôtellerie qui gagne de l’ argent mais ne capitalise pas, c’est celle de bord d’ autoroute, une ou deux étoiles, assène- t-il. Ils font du chiffre mais c’est tout. Moi, je recherche la valeur patrimoniale, des établissements prestigieux qui ont de la valeur. C’ est moins lucratif mais c’ est valorisant, et ça constitue un patrimoine. » Avec déjà sept établissements de prestige, dont deux cinq 5 étoiles, le groupe suit la montée en gamme de l’hôtellerie lyonnaise.
La capitale des Gaules est en effet en train de s’affirmer comme une place forte du luxe «made in France». Le luxe fonctionne avec la clientèle étrangère. Et si Lyon attire de plus en plus de ces touristes fortunés, leur nombre est « encore insuffisant pour remplir des hôtels de grand luxe ». La capitale des Gaules compte 4 hôtels 5 étoiles. Deux nouvelles ouvertures sont prévues d’ici fin 2018: le Boscolo et l’Inter Continental du Grand Hôtel-Dieu. Il y a de la place pour tout le monde à Lyon.
Dans les années à venir, la stratégie de Jean-Claude Lavorel ne changera pas d’un iota : le groupe continuera à reprendre et revivifier des hôtels de prestige. « Peut-être 3 ou 4 d’ici un an, avance Jean-Claude Lavorel. L’ objectif n’ est pas de faire un groupe de cent hôtels. On cherche exclusivement des établissements qui correspondent à notre état d’ esprit, un certain art de vivre haut-de-gamme à la française. ».
Un peu à l’instar ce qu’est en train d’opérer un certain Jean-Philippe Cartier, fondateur de H8 Collection (déjà huit hôtels 5 étoiles). Si les subtilités de la réussite n’ont plus de secret pour lui, le chef d’entreprise gone est confronté à une situation nouvelle. Avec l’aventure LVL Médical, il s’agissait de bâtir un groupe en partant de zéro. Avec Lavorel Hôtels, la donne est différente.
« Pendant 20 ans, précise-t-il, l’ esprit est resté le même, conformément à ma vision du secteur, à mes valeurs… » Pour lancer
et faire grandir Lavorel Hôtels, il a eu les moyens de s’auto-financer. « Reprendre des entreprises – dont certaines en difficulté –, est très différent. Dans l’hôtellerie, on est tout de suite en situation de risques, car on investit des sommes significatives. Quand on rachète un établissement, on rachète des équipes, des femmes et des hommes…
Ces équipes, il faut arriver à les transformer pour qu’ elles se conforment aux valeurs du groupe. » Il a déjà montré par le passé qu’il savait y faire. Le tourisme haut-de-gamme français a besoin de tels entrepreneurs. La bataille des tours opérateurs est désormais mondiale.
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