Fils du maître de la gastronomie française décédé à l’âge de 91 ans, Jérôme Bocuse hérite d’un empire de plus d’un demi-siècle d’histoire qui rayonne aux quatre coins de la planète. Discret et réservé, Jérôme Bocuse revient sur 50 années de rêve culinaire porté sur par cuisine de terroir, simple et généreuse.
Qui se cache derrière l’homme discret ? Quel est votre parcours ?
Après une enfance et une adolescence lyonnaise, mon père Paul Bocuse, passionné depuis toujours par l’Amérique, m’a incité à intégrer le Culinary Institute of America d’Hyde Park, d’où je suis ressorti avec un diplôme de cuisinier. Je me suis ensuite orienté vers de la gestion d’entreprise en rentrant à l’University of Miami, ce qui me permit alors de m’adonner à un de mes sports favori, le ski nautique, dans la mesure où l’état bénéficie de nombreux points d’eau. Le sport en Floride tout comme en Californie est très populaire.
Quelles sont vos passions ?
J’ai toujours été passionné par les sports de glisse depuis mon enfance – neige ou nautique -que j’ai toujours pratiqués intensément, ce qui m’a permis de développer un esprit volontaire. Le sport exige une vie saine et vous pousse à vous dépasser.
Quelles valeurs portez-vous ?
Les valeurs qui sont les miennes sont celles transmises par mon père, le respect des personnes qui nous entourent, notamment des collaborateurs et essentiellement l’amour du travail bien fait.
Comment s’organise une de vos journées type ?
J’aime me lever tôt afin de faire le point par téléphone avec mon associé Paul-Maurice Morel, qui gère le groupe des restaurants et Brasseries en Europe. Et le week-end, je consacre mes moments d’oisiveté à des activités sportives, que je pratique fréquemment avec mon fils Paul.
Quel rêve souhaiteriez-vous voir se réaliser ?
Mon rêve le plus cher est de pouvoir perpétuer la philosophie de mon père en préservant ce qu’il a créé, voire développer et transmettre ses valeurs.
Quelle est votre vision de la restauration ?
Ma vision est de rester attentif à tout ce qui entoure la profession, tout en étant à l’écoute des nouveautés. Je veille à être curieux comme l’a été mon père et à ne jamais être blasé ou hermétique aux changements qui s’opèrent dans le métier.
Comment avez-vous réussi à faire votre place au sein de l’Empire Bocuse ?
Avoir pu évoluer seul à distance tout en côtoyant des personnes qui connaissaient bien mon père m’a sans doute permis de prendre ma place. J’ai appris à faire confiance aux collaborateurs, à les valoriser dans la mesure où le travail qu’ils fournissent est satisfaisant, et à leur donner la possibilité d’avancer dans leur carrière.
Qu’incarne la marque Bocuse ?
Elle représente le « made in France ». Mon père a compris très tôt qu’il était nécessaire de voyager pour voir ce qu’il se passe dans le monde, s’ouvrir aux autres cultures et ne pas rester figé sur ses acquis. Il revenait de ses pérégrinations riche de saveurs nouvelles. Très observateur, il savait à ses retours aménager de nouvelles disciplines ou organisations qui rendaient plus aisé le travail au quotidien dans ses établissements.
Quelles sont les évolutions actuelles majeures dans la gastronomie ?
Il faut dire qu’aujourd’hui, les changements qui s’opèrent dans le domaine de la cuisine, sont surtout liés aux avancées technologiques et à la sophistication du matériel, car la majorité des cuisiniers reconnaissent que le goût du produit doit être préservé.
Que représente pour vous le savoir-faire français ?
La force de mon père, malgré son attrait pour l’ailleurs, a été de rester fidèle à ses convictions « bons produits bonne cuisine » ! Le made in France dans le domaine de la gastronomie représente sans doute les valeurs défendues par notre agriculture, nos vignobles et un certain sens d’art de vivre à la française. Ce qu’il a toujours défendu.
Quelle fut la recette de la réussite de votre père ?
Avoir fait confiance à ses employés qu’il a toujours su valoriser en fonction des qualités de chacun lui a permis de s’exporter. Mon père a toujours encouragé ses employés à prendre des initiatives en son absence si nécessaire à condition d’utiliser le bon sens qu’il leur a constamment enseigné, ce dont je m’inspire aujourd’hui.
Pourquoi avoir décidé il y a deux ans de redevenir automne après l’entrée d’un fonds d’investissement quelques années auparavant ?
Nous avons souhaité redevenir complètement autonome dans notre entreprise afin de retrouver l’esprit familial que mon père a toujours prôné. Ce fût l’occasion de pouvoir intégrer un associé comme Paul-Maurice Morel qui a fait ses classes professionnelles à l’Institut Paul Bocuse. Nous sommes par ailleurs de la même génération et avons une vision du développement de l’entreprise assez proche.
Comment imaginez-vous l’avenir de la marque et de l’empire Bocuse ?
À l’heure d’aujourd’hui, nous souhaitons consolider ce qui existe tout en envisageant de dupliquer quelques établissements du groupe, mais L’Auberge Paul Bocuse qui représente l’ADN de la marque et la tradition du travail bien fait, ne sera en aucun cas copiée.
(Crédit photo : Jeff Nalin)