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Jérôme Espinos (French Legacy Group), l’ambitieux relanceur des chaussures Clergerie


Il veut devenir la référence mondiale du made in France. En relocalisant la fabrication de chaussures de luxe à Romans-sur-Isère (Drôme), avec une usine nouvelle génération. Quelle est la genèse de French Legacy Group que vous présidez ? Jérôme Espinos : J’ai été approché par Fonds Mirabeau Patrimoine Vivant (présidé par...

Entreprendre - Jérôme Espinos (French Legacy Group), l’ambitieux relanceur des chaussures Clergerie

Il veut devenir la référence mondiale du made in France. En relocalisant la fabrication de chaussures de luxe à Romans-sur-Isère (Drôme), avec une usine nouvelle génération.

Quelle est la genèse de French Legacy Group que vous présidez ?

Jérôme Espinos : J’ai été approché par Fonds Mirabeau Patrimoine Vivant (présidé par Renaud Dutreil) avec l’idée de recréer un univers de la chaussure de luxe, à partir de marques héritages (Le Coq Sportif, Anne Fontaine, Fusalp…). Le Fonds Mirabeau a une vision avant-gardiste du renouveau et de la défense de l’industrie française, ils ont une dizaine de participations dans des marques de luxe françaises qui sont des références, et les aident à se moderniser. Cela me correspondait très bien, il y a un aspect émotionnel pour moi à revenir ici au cœur de la chaussure, et de repartir sur ce projet à 55 ans, c’est juste magnifique. Suite à notre accord, il y a eu le rachat de Clergerie à Romans, la dernière usine de chaussures de luxe. Puis ont suivi Avril Gau, et Violet Tomas, marque que j’ai créée. Plus récemment, nous avons acquis Heschung qui dispose d’une usine en Alsace dotée d’un savoir-faire extraordinaire depuis 1934.

D’où vous vient cette passion pour la chaussure ?

C’est un peu personnel. Étant enfant, ma mère adorait les chaussures Charles Jourdan. C’est la raison pour laquelle à la fin de mes études, j’ai donné la préférence à cette marque pour débuter ma vie professionnelle. Et une fois que l’on est tombé dans la chaussure, on n’en sort que rarement. C’est un produit très créatif, très architecturé, qui demande beaucoup de mises au point pour garantir le confort et le style. C’est à la fois complexe et passionnant. Ce qui est incroyable est qu’en dépit de la modernisation, dans la chaussure, on n’arrive pas à trouver des machines pour remplacer l’homme, car il y a entre 80 et 160 opérations qui font la différence. Il est absolument crucial que l’on retrouve notre place en France, chez Clergerie, les valeurs sont primordiales, il y a beaucoup de R&D, de modernité. Il est passionnant de relancer dans cet esprit cette filière qui va mal.

Que signifie le Made in France ?

Nous n’avons pas pour objectif de tout faire en France, l’idée est de faire chez les meilleurs. En France, nous savons faire une catégorie de chaussures, nous augmentons notre capacité, et les commandes affluent. Mais nous travaillons aussi avec des usines étrangères pour certains savoir-faire dont nous ne disposons pas et qui adhérent à nos standards. Nous voulons un centre d’excellence, recréer un réseau autour de nos marques, avec des productions en France, mais aussi en partie en Italie, Espagne, Portugal et un peu au Maroc.

Parlez-nous de votre nouvelle usine 4.0 à Romans-sur-Isère…

Cela va mettre du temps, nous avons pour objectif d’améliorer cette usine très centrale. Nous avons déjà réalisé une première étape en janvier avec notre nouveau laboratoire 3D dédié au développement. Il s’agit d’une mini « usine » dans laquelle un designer peut travailler et partir avec un prototype.

Nous voulons avec ce service attirer de grands noms français en sous-traitance. Imaginez que nous faisons encore nos formes, nos talons en interne, ce qui n’existe quasiment plus. Ensuite, nous avons pour projet d’améliorer l’usine, d’en renforcer la compétitivité dans un environnement super concurrentiel. Il ne faut pas oublier que l’usine a été créée en 1897 avant d’être reprise ne 1981 par Robert Clergerie et il y a beaucoup de choses à faire. Il me tient à cœur de redonner à Romans ses lettres de no-blesse. Heureusement, nous sommes dans la mouvance de renaissances de certaines filières et sommes appuyés par la Région qui nous soutient, France Relance également…

Et la distribution ?

L’idée maitresse est de faire monter en puissance nos ventes par internet et de capitaliser sur l’internationalisation (Clergerie réalise 25% de son CA à l’ex-port et bientôt 35/40 %). Troisième élément, mutualiser les différentes marques lorsque cela est possible sur l’univers femme. Nous avons de nouveaux partenariats, notamment aux États-Unis que je connais bien, mais aussi au Japon, en Australie, en Chine… Heschung est également concerné, mais reste sur un uni-vers masculin. L’objectif est de donner à nos marques la place qu’elles méritent, car nous avons de choses à dire avec de sociétés si anciennes, et des chaussures au style très reconnaissable…

Et la maroquinerie ?

Nous avons relancé la maroquinerie Clergerie en priorité dans nos magasins, car qui dit chaussure dit cuir. Nous tra-vaillons avec un atelier italien extraordinaire qui a vite compris les valeurs de la marque. Je tiens à souligner que David Tournière, notre directeur artistique, est un homme au talent incroyable, avec qui nous formons un bon duo. Il a travaillé pour Balenciaga, Chloé, etc., notre connexion est bien réelle. L’idée est de proposer le produit symbolique Clergerie qui sera revu chaque année.

Les chiffres clés ?

Nous avons doublé le chiffre d’affaires en un an, nous sommes à 21 mil-lions d’euros. L’objectif à terme est de 50 millions d’euros, nous employons 270 personnes, dont 120 sur Romans. Le mix des ventes actuel est de 60% en Europe, 25% aux USA et 11% en Asie. Mais la tendance tend plutôt vers un 40/30/30. Le défi à relever est formidable.

Anne Florin

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