Tous les quatre ans, les sportifs de tous horizons se retrouvent, s’affrontent, se dévoilent. Le temps de quelques semaines, les jeux olympiques d‘été sont le centre d’attention du monde entier, objet de tous les regards, de tous les commentaires.
Mélange de tradition (par la dimension historique ou la perpétuation de l’esprit amateur) et d’avenir (par les évolutions continuelles de leur format ou de leur diffusion), les JO sont à bien des égards une source d’inspiration ou tout du moins de comparaison avec le monde de l’entreprise. Les deux environnements se rapprochent et s’influencent, se soutiennent et s’interpénètrent sans jamais se confondre. Alors, les JO et le monde de l’entreprise, faux frères ou vrais miroirs ?
L’excellence pluridisciplinaire
Le monde de l’entreprise et celui de l’olympisme partagent dans leur essence une approche multiple. Quand l’olympisme est l’événement roi de sports en tous points différents les uns des autres, qui participent pourtant à une fête et à un enjeu commun, l’entreprise est l’espace où se complètent des savoir-faire, des métiers, des disciplines qui jouent des instruments très différents tout en suivant une mélodie unique. Les points communs de toutes ses composantes : l’exigence d’excellence, les efforts d’amélioration continue et la préparation en vue de la réussite sont présents dans les deux environnements.
L’athlète olympique est soumis à une pression individuelle de performance et de résultat que connait aujourd’hui n’importe quel collaborateur d’une entreprise. Dans les deux cas, performance individuelle et performance collective sont intrinsèquement liées.
À haut degré d’exigence, âpre sélection. Compétitivité et compétition vont de pair dans ces deux environnements où beaucoup sont appelés, peu élus. Plus la compétitivité de l’entreprise est importante, plus la sélection de ses collaborateurs est drastique. Il en va évidemment de même pour les JO, quintessence de l’excellence sportive. La structure pyramidale des organisations humaines fait la part belle à cette hiérarchie, dans le milieu du sport comme dans celui de l’entreprise. Dans les deux environnements, d’ailleurs, la recherche constante de performance et de réussite est susceptible de générer de nombreuses formes de stress, pouvant aller jusqu’au burn out.
Pas de compétition sans coopétition
Le rapport entre individu et collectif est une dimension où le parallèle entre les deux environnements est particulièrement pertinent. À de très rares exceptions, le sportif n’arrive à rien seul, le mythe du self-made man n’y a aucune prise. Si les projecteurs, le temps d’un succès ou d’un exploit, sont braqués sur lui ou sur elle, la performance est toujours le résultat d’un travail d’équipe. Même constat, par exemple, pour un directeur commercial ou un PDG qui apparaît sur la photo d’un contrat mirobolant enfin signé. Qu’en serait-il de ce triomphe sans les participations de toutes les fonctions support, ou celle des équipes qui, dans l’ombre, ont œuvré, souvent pendant des mois, à la finalisation de cet accord ?
Mais dresser le portrait d’une réussite collective, d’un effort commun, d’un dépassement partagé d’une nature presque « héroïco-sacrificielle » qui serait avant tout l’œuvre du collectif, serait non seulement incomplet, mais surtout erroné. Car à la complémentarité du groupe s’ajoute une dynamique tout aussi fondamentale de la vie des deux contextes, celui de l’excellence sportive des JO et du monde de l’entreprise : la compétition interne.
Qui aura la plus belle médaille, qui signera le plus beau contrat (étalons de mesure du succès d’ailleurs applicables aux deux environnements, mais nous y reviendrons) ? Le partenaire, l’équipier, est tout autant allié qu’adversaire, au sens le plus noble du terme, mais adversaire quand même. Même dans les sports collectifs, la place de plus en plus grande accordée aux récompenses individuelles (y compris les retombées financières associées à la victoire) font de cette compétition une notion présente dans toutes les strates du haut niveau sportif comme dans celles de l’entreprise. Et la compétition de devenir la coopétition, où la quête d’un résultat positif crée l’opportunité d’un partenariat entre adversaires. Or, sans compétition, pas de vainqueur, pas de vaincus, pas d’émulation, pas de progrès. C’est d’ailleurs une stimulation autant qu’un cadre, puisque dans les deux cas des normes la réglementent, d’un point de vue moral (la charte de l’olympisme, les juges arbitres) et légal (le code du commerce, le droit du travail ou la loi du sport stricto sensu).
Le business du sport, le sport du business
La compétition fait donc du monde du sport un modèle pour celui de l’entreprise, sur lequel il exerce une influence constante. Il en reprend les codes (l’employé du mois, les challenges internes, les classements en tous genres) et s’en inspire constamment. Mais ce schéma d’influence n’est pas à sens unique. On voit le monde de l’entreprise s’inviter de plus en plus dans celui du sport.
En effet, le sponsoring est partout, à tel point qu’il est devenu un pilier d’événements comme les JO (bien loin des éditions originelles réservées aux stricts amateurs, soit dit en passant), mais aussi de la préparation et des performances des athlètes eux-mêmes. Combien d’anciens sportifs sont aujourd’hui des conférenciers que les entreprises s’arrachent ? Combien d’entreprises utilisent l’image des sportifs pour promouvoir leurs produits ? Avec l’acte publicitaire inaugural de Pelé s’accroupissant pendant 30 secondes pour relacer en gros plan ses Puma sous les caméras du monde entier au moment du coup d’envoi d’un match contre le Pérou lors des quarts de finale du Mundial en 1970, l’entreprise privée est devenue au fil du temps un acteur économique majeur du sport de haut niveau.
Comme l’entreprise, le sport suit les tendances, adopte les codes de la société dans laquelle il s’inscrit pleinement. Qui aurait dit il y a quelques années que le surf ou le breakdance seraient des disciplines olympiques ? Pour toucher plus de public, atteindre de nouvelles générations, être diffusé plus largement, et in fine… générer plus de revenus, le sport de haut niveau, olympique ou non, est aujourd’hui une activité économique en soi, bien plus proche de l’aventure entrepreneuriale que de la pratique amateur. Dans les deux cas, la nécessité, de la croissance et de l’innovation permanente est impérative.
La manne financière que représentent les jeux olympiques en atteste, et tous les 4 ans, on assiste à une surenchère économique autour de cet événement à la diffusion planétaire.
Cela pose d’ailleurs la question du public, qui est avant tout (mais jusqu’à quand ?) un public de sport, mais de plus en plus, aussi, un public de consommateurs à la recherche permanente de stimulations. Le supporter est client, de la même façon que le client est supporter d’une entreprise (c’est du moins le souhait). Et la nouvelle frontière entre entreprise et olympisme de se faire de plus en plus diffuse…
Finalement, avec leur statut de « multinationale » présente, comme l’indique leur logo, sur les cinq continents, les JO seraient-ils devenus une entreprise comme les autres ?
Ian Mac Hueg Herlevsen
CVP Prodware