Karnott, comme « carnet de notes », est le nom d’une jeune pousse prometteuse, basée à EuraTechnologie à Lille, qui allie innovation et agriculture, née de l’amitié entre deux jeunes dirigeants d’entreprise, l’un exploitant agricole, l’autre informaticien.
Voici deux mondes qui ne s’opposent pas, bien au contraire. La population des agriculteurs contemporains est devenue une communauté extrêmement connectée, contrairement à ce que continuent à véhiculer certaines images d’Epinal. Rencontre avec le CEO de Karnott, Alexandre Cuvelier, pour comprendre l’agriculture du 21ème siècle.
En quoi consiste l’offre de Karnott ?
Cela part d’une constatation faite par Antoine Dequidt, co-fondateur de l’entreprise, lui-même exploitant agricole dans le Nord sur de grandes cultures (blé, lin, pommes de terre, betteraves…). La mécanisation agricole coûte cher et la majorité des agriculteurs français, et même européens, s’entend pour partager le matériel nécessaire au travail, évitant ainsi des investissements trop élevés.
Chaque agriculteur utilisant l’une de ces machines agricoles doit effectuer un suivi des travaux réalisés dans les champs. Cela se fait sur un simple carnet de notes papier, de façon manuscrite et manuelle, ce qui n’est pas sans poser de multiples problèmes.
En effet, les écrits ne sont pas toujours très lisibles, il faut ressaisir l’information, avec tous les risques d’erreurs et d’oublis qui peuvent survenir. Notre offre consiste donc à simplifier la vie de ces agriculteurs en leur proposant un service connecté.
Par quels moyens ?
L’idée de départ est de connecter les outils partagés afin de géolocaliser le matériel, savoir qui l’a utilisé, sur combien de surface, pendant combien de temps, le plus précisément possible, car cela donne lieu ensuite à facturation, mais aussi de la façon la plus simple possible pour l’utilisateur, qui n’a plus rien à saisir ou annoter.
Nous avons donc développé d’une part une application où l’on retrouve le tableau de suivi et les données nécessaires à l’utilisateur, et d’autre part un capteur aimanté, compatible toutes marques, qu’il suffit de poser sur la machine sans formation préalable.
Une sorte de boîte noire, inviolable, automatique, qui transmet les informations directement.
Les agriculteurs sont donc votre cible ?
Oui, tous ceux qui mutualisent leur matériel, mais aussi chaque copropriétaire d’une machine agricole qui doit remplir un carnet de suivi pour payer des charges au prorata de l’usage, sont des clients potentiels. Nous estimons que 300 000 agriculteurs en France sont concernés.
Nous avons également une deuxième cible, celle des prestataires de service qui louent des machines onéreuses comme pour les récoltes de betteraves, ou de légumes. Ils doivent eux aussi facturer chaque client avec des contraintes identiques.
Quel est votre modèle économique ?
Nous avons conçu une offre très compétitive. Notre capteur coûte 235 euros HT à l’achat et ensuite il y a un abonnement à partir de 10 euros mensuels par boîtier, qui inclut le service dans sa totalité.
Comment l’aventure a-t-elle commencé ?
Antoine Dequidt et moi-même nous sommes rencontrés au Centre des Jeunes Dirigeants, lui dirigeait son exploitation agricole, et j’avais créé une entreprise de prestations informatiques.
Nous nous connaissions depuis cinq ans, lorsqu’Antoine est venu avec son idée, un projet ambitieux susceptible d’intéresser tous les exploitants. Il souhaitait se lancer, mais pas seul. Nous avons intégré un programme d’incubation « Start by Euratechnologies » à Lille en 2016.
Nous avons créé Karnott dans la foulée en septembre 2016 avec la volonté d’avancer le plus vite possible sur ce marché.
Avec quel financement ?
Nous avons obtenu pour commencer deux prêts d’honneur, l’un du Réseau Entreprendre, l’autre de LMI (un fonds d’amorçage des start-up en Hauts-de- France) ainsi qu’un prêt de la BPI, soit environ 200 000 euros permettant de développer le produit et de le présenter à différents clients cibles.
Et plus précisément la Fédération Nationale des CUMA (coopératives d’utilisation de matériel agricole). Cette fédération nous a accueillis à bras ouverts, et nous avons conclu un partenariat afin de promouvoir le produit et le faire connaître.
Tout s’est accéléré, et nous avons opéré une première levée de fonds en avril 2017 de 1,1 million d’euros, auprès d’un fonds d’investissement et de business angels spécialisés en agriculture, pour industrialiser le produit, qui est fabriqué en France depuis juillet 2017. Une seconde levée de fonds vient d’être effectuée pour attaquer le marché européen.
Combien d’emplois créés à ce jour ?
Karnott dispose déjà d’une équipe de 28 salariés, avec un gros pôle sur le développement produit. Cela est nécessaire car nous vendons un objet connecté dont les données vont donner lieu à des paiements.
Il nous faut donc une précision maximale, avec des sauvegardes, et le développement d’algorithmes complexes afin de pouvoir nous adapter à chaque typologie de matériel.
Nous avons également des spécialistes de l’accompagnement, du commercial et du marketing. Nos perspectives de croissance sont fortes et d’autres créations de postes sont prochainement envisagées.