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Kering : François-Henri Pinault imprime sa marque


Fils du self-made man breton devenu milliardaire, François-Henri Pinault, 61 ans, dirige le Groupe Kering, Gucci, Balenciaga, Saint Laurent..., numéro 2 mondial du luxe et principal rival de LVMH, Louis Vuitton, Christian Dior, Moët & Chandon... Un héritier qui est en train d'écrire sa propre histoire pour propulser encore plus haut l'empire familial.

François-Henri Pinault et son épouse Salma Hayek (Doug Peters/Doug Peters. 72292404)

Comment se démarquer de son père tout en s’inscrivant dans ses pas ? C’est à cette délicate équation que François-Henri Pinault s’attèle depuis qu’il a été désigné comme le successeur à la tête de l’empire. De façon très concrète, cela a commencé avec un changement de… prénom. Car François-Henri n’est pas le prénom original de l’actuel PDG de Kering (20,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires).

À la naissance, il portait le même prénom que son père : François. Pour se différencier, il a donc décidé de s’inventer un prénom. Et pour rester fidèle à son père, il lui a emprunté son second prénom, Henri. Cette anecdote en dit long sur la trajectoire de la galaxie Pinault. Un géant du luxe de 31 milliards d’euros, détenu à 42% par la famille, qui a toujours oscillé entre tradition et modernité, et au sommet duquel le fondateur continue de tirer les ficelles.

Pinault, un vrai self-made man à la française

Fils de paysans, François Pinault, né en 1936 dans les Côtes-d’Armor (Bretagne), est un pur autodidacte qui a quitté l’école à 16 ans. Le fondateur de Kering (ex-Pinault-Printemps-Redoute) s’est construit loin des diplômes et de l’establishment. Après son service militaire en Algérie, il a repris l’entreprise de son beau-père, un marchand de bois rennais, et l’a rebaptisée Établissements Pinault.
Débuté dans le négoce du bois, le parcours de François Pinault a ensuite serpenté entre différents secteurs (matériel électrique, automobile, meuble, emballage, logistique, commerce international, sucre…).

L’entrepreneur breton a finalement changé son fusil d’épaule en délaissant l’industrie. Il a fait main basse sur le Printemps, la Redoute, la Fnac, le magazine Le Point, la maison de vente Christie’s, le magazine financier L’Agefi (revendu depuis à L’Opinion), avant de jeter finalement son dévolu sur l’industrie du luxe (Saint-Laurent, Boucheron, Courrèges par Balenciaga, Bottega Veneta…), sans oublier, dans le domaine du vin, sa filiale Artemis Domaines (Henriot, Château-Latour, Bouchard ou le champagne Jacquesson).

L’effet Gucci

Le virage vers le luxe remonte à l’année 1999 avec le rachat (attendu) d’Yves Saint Laurent et celui (surprise) de la maison italienne Gucci « au nez et à la barbe de Bernard Arnault, le président de LVMH », comme le racontait Libération à l’époque : « François Pinault a raflé 40% de Gucci […] Profitant du conflit qui oppose le même Arnault, actionnaire à hauteur de 25% de Gucci, à la direction de la maison italienne, François Pinault a lancé une offensive dans l’industrie du luxe. Son ambition est de créer autour de Gucci un véritable concurrent mondial de LVMH. »

C’est cette opération qui a propulsé le groupe de François Pinault vers les sommets. La preuve : Gucci représente aujourd’hui plus de la moitié des ventes de Kering (10,49 milliards d’euros) et les deux tiers de ses profits.

Le miracle Yves Saint-Laurent

C’est ce conglomérat construit par son père que François-Henri Pinault, président depuis 2003 d’Artemis, la société d’investissement familiale, et PDG depuis 2005 de Kering, tâche de faire grandir à sa manière. Entre le père et le fils, l’entente est au beau fixe et la répartition des rôles savamment orchestrée. Bref, l’empire fonctionne à merveille, et la question de sa transmission a déjà été réglée depuis bien longtemps, « FHP » étant bien évidemment l’héritier désigné.
« Dès l’adolescence, je me suis dit que ce serait François », expliquait d’ailleurs le milliardaire breton au Monde. Le successeur s’est parfaitement glissé dans les habits du patron de l’empire familial. Sous sa direction, le groupe Kering a poursuivi sa politique de désengagement de la distribution pour se focaliser uniquement sur le luxe. « FHP » s’est notamment occupé de la relance d’Yves Saint Laurent.

Un virage assumé après la vente de l’équipementier sportif Puma, acquis en 2007 et revendu en 2010. Les réussites de Gucci et Balenciaga sont également à mettre à son crédit. Il a lancé des opérations de croissance externe marquantes : il a racheté la marque de parfumerie Creed et s’est emparé d’un tiers des parts de la maison de couture italienne Valentino (1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaires). À travers Artemis, François-Henri Pinault a aussi pris une participation majoritaire dans l’agence artistique californienne Creative Artists Agency (CAA) qui accompagne des célébrités (Tom Hanks, Brad Pitt, Steven Spielberg, Madonna, Beyoncé…).

« FHP » suit également les traces de son père en s’impliquant dans le football. Propriétaire du Stade Rennais (budget de 110 millions d’euros) depuis 1998, François Pinault, cinquième propriétaire de club de sport le plus riche au monde, gère le club avec son fils. Le père est très impliqué. C’est lui qui a souhaité le retour de l’entraîneur Julien Stéphan. Le grand projet désormais est de construire un nouveau stade ultra-moderne.

Catholicisme et excellence scolaire pour François-Henri Pinault

Élevé avec sa sœur aînée, Laurence, et son frère cadet, Dominique, par sa mère à Rennes, tout près du stade du club, François-Henri a grandi dans un cadre éducatif marqué par la religion catholique et l’excellence scolaire. Pour lui, ce sera le lycée Stanislas, la classe préparatoire d’école de commerce, HEC, dont il sort diplômé en 1985, et le service militaire au… consulat de France à Los Angeles.

Passionné par l’informatique et les nouvelles technologies, il est entré dans le groupe familial en 1987 et a suivi une trajectoire modèle : vendeur dans les dépôts de bois, président de Pinault Distribution, puis de la CFAO, directeur général adjoint de Pinault-Printemps-Redoute (PPR), président de la Fnac…

Jusqu’à présent, l’héritier a réalisé un parcours sans faute. Alors que son père fut un véritable pionnier, un bâtisseur de génie, qui a su transformer un groupe de distribution en un empire du luxe, « FHP » saura-t-il lui aussi laisser une empreinte indélébile ? En 2024, il sera en tous cas sous le feu des projecteurs. Confronté au ralentissement du secteur du luxe, le patron de Kering doit absolument relancer Gucci, le navire amiral du groupe fondé par son père.

Victor Cazale

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