On dit de vous que vous êtes un passionné d’entrepreneuriat, une vocation qui s’est déclarée suite à votre séjour en Californie ?
Paul Lê : Assurément, je suis un passionné d’entrepreneuriat, j’aime passer de 0 à 1. J’ai été salarié, mais entreprendre est ce que je fais depuis douze ans et que je pense faire ma vie durant. J’aime aussi accompagner les entrepreneurs. Mon séjour aux USA a-t-il influencé mon parcours ? Oui et non, j’avais déjà été sensibilisé au virus de la création étant issu d’une famille d’entrepreneurs.
Mes parents m’ont démontré ainsi qu’à mes quatre soeurs que l’on pouvait créer son propre modèle économique. Même s’ils ne m’ont personnellement jamais poussé sur cette voie en particulier. Mon séjour américain m’a cependant permis de m’apercevoir que tout un chacun pouvait voir grand, nourrir des ambitions élevées.
Comment accompagnez-vous les entrepreneurs ?
Paul Lê : Lorsque mon emploi du temps le permet, j’apprécie de passer du temps avec de jeunes créateurs qui en ont exprimé le besoin, ils ont de bonnes idées, des énergies positives. Je suis plus particulièrement impliqué dans les questions de diversité dans l’entrepreneuriat du secteur de la tech et dans l’association « Diversidays ».
Un sujet important pour moi, qui suis issu de quartiers populaires où les modèles de réussites en entreprise font défaut. Or, je veux passer le message, que même en partant de loin, se lancer n’est pas impossible, loin de là. Par ailleurs, j’investis à titre personnel dans une trentaine d’entreprises, cela me permet de sortir du quotidien et de garder l’esprit ouvert sur les nouveautés.
Quel est le métier de La Belle Vie ? Livraison, logistique, prestation de services ?
Paul Lê : Épicier sur internet, voici notre métier de base. Un épicier connaît son assortiment, propose de bons produits et rend service à ses clients. Le côté « sur internet » représente le côté tech. Nous avons d’ailleurs développé des process logistiques maison sophistiqués et efficaces. Au fil du temps, nous avons réussi à monétiser d’autres métiers. La Belle Vie a signé un partenariat avec la Grande Épicerie de Paris, pour qui nous gérons l’aspect « sur internet », tech et logistique, tandis qu’ils poursuivent leur travail sur « l’Épicerie » en gérant tout l’assortiment et le marketing. Depuis trois ans, nous leur avons prouvé notre savoir-faire, cela fonctionne bien.
Nous sommes leur partenaire et prestataire de service, et ce dossier nous tient très à coeur. Depuis la reprise de Frichti à la barre du tribunal, deux nouveaux métiers se sont ajoutés à notre activité sur le secteur BtoB. Il s’agit de la cantine 2.0 de Frichti, la livraison de plats pour le déjeuner pour les salariés d’entreprises qui ne disposent pas de cantines en interne. Ce service de cantine dématérialisée a attiré quelques 2000 sociétés et continue à croître. Le second métier est la cafétéria-magasin d’entreprise, « les stores », au nombre de 14 aujourd’hui, dans lesquels la restauration est assurée toute la journée.
Votre activité est principalement localisée en région parisienne, avez-vous d’autres projets géographiques ?
Paul Lê : Nous sommes effectivement très franciliens, Frichti est plus parisien. Ce marché francilien n’est pas encore totalement investi, il est aussi grand que certains pays européens et nous y sommes toujours en progression. La Belle Vie poursuit sur la voie de la croissance à deux ou trois chiffres depuis ses débuts, mais la situation économique actuelle nous incite à nous concentrer sur notre marché et notre rentabilité. L’envie d’aller en province existe, mais le contexte actuel instable n’est pas favorable, notre priorité reste la pérennité, la croissance tranquille qui nous a permis d’atteindre la rentabilité ce premier semestre 2023.
Il ne faut pas oublier qu’une start-up réinvente et crée un métier. Pour y parvenir, elle doit se doter d’outils, dont le principal est le cash, pour bâtir et se développer. Bousculer des marchés où rien n’a bougé pendant des années est un défi. Nous avons rendu possible la livraison le jour même en Ile-de-France, qui existait dans quelques grands groupes, mais ne dégageait pas de rentabilité. Depuis que les marchés financiers sont plus compliqués, nous avons tout fait pour garantir notre indépendance financière.
Nous sommes les premiers du monde de la « foodtech delivery » à y être parvenus en Europe de l’Ouest. Le marché est extrêmement compliqué, car il a été et il est monopolisé par les grandes enseignes. La France est le pays le plus compliqué car il est le seul au monde à disposer d’enseignes de distribution milliardaires qui se sont lancées dans les livraisons et ont créé des drives.
Qui sont vos concurrents ?
Paul Lê : Sur Paris, nous sommes au coude à coude avec Carrefour et Monoprix d’abord, les autres enseignes ensuite. Pour ce qui est des structures non intégrées, Uber Eats est présent, mais se focalise à présent sur les courses à domicile en partenariat avec la grande distribution. On peut dire que nous sommes David contre Goliath, mais nous sommes encore là et leaders. Le modèle intégré n’est toujours pas rentable. Nous faisons un travail de fourmi, améliorons des microdétails en permanence, et sommes totalement concentrés sur notre verticale.
Comment seront constitués les quelques 100 millions d’euros de CA annoncés pour l’an prochain ?
Paul Lê : La Belle Vie réalise un chiffre de 57 millions, en croissance, et l’assimilation de Frichti va nous faire doubler de taille puisqu’ils ont fait l’an dernier 69 millions de chiffres. Notre projet 2024 est l’assimilation de Frichti dont la marque continuera d’exister. Nous travaillons au total sur 4 marques, La Belle Vie est le vaisseau amiral, Frichti, La Grande Épicerie de Paris et Bam Courses.
Votre association avec Alban Wienkoop semble très bien se passer contrairement à d’autres ?
Paul Lê : Alban Wienkoop est mon associé de toujours, co-CEO, cofondateur, nous sommes très complémentaires et travaillons vraiment ensemble. Nous sommes tous deux tenaces, résiliants, avec la même vision des choses. Ainsi, on parle souvent des échecs des mauvaises associations, mais il en existe de saines et durables. Nous en sommes un exemple.
Entreprise et rugby, même combat ?
Paul Lê : Oui, je compare tout au rugby. C’est un sport d’équipe dans lequel, lorsque l’on est bloqué dans sa progression sur le terrain, on passe le ballon en arrière, comme nous le faisons tous les deux. C’est un sport très puissant, où le sens de l’effort collectif est représenté par la mêlée, où tout le monde pousse pour progresser ensemble comme cela doit être en entreprise.
Propos recueillis par Anne Florin