Jean-Philippe Delsol, avocat, président de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales, IREF
Tribune. Faut-il avoir peur de la Chine ? Elle a le deuxième PIB mondial et elle est sans doute le pays le plus peuplé de la planète. A ce titre elle représente une capacité économique, militaire, technologique… formidable. Au surplus, gouvernée d’une main de fer, elle marche comme un seul homme et elle peut ainsi surmultiplier sa puissance. Pourtant, il faut relativiser. La Chine est aussi faible de ses forces.
En PIB par habitant elle est loin derrière les pays développés. Son PIB par habitant en 2021 (en $ courants et en parité de pouvoir d’achat) est de 19.338 $ contre 77.324 pour la Suisse, 69.287 pour les USA, 64.651 pour le Danemark, 50728 pour la France…. Elle a encore un long chemin à faire pour rattraper l’Occident. Elle a pourtant été vite pour sortir de la grande pauvreté en profitant de la libéralisation de Deng Xiao Ping dans les années 1980. Mais le nouvel « empereur » Xi Jin Ping replie la Chine derrière un nouveau rideau de fer. L’histoire de la Chine est régulièrement victime de tels engourdissements qui la paralysent.
Telle fut l’histoire des Ming. Depuis des siècles déjà la Chine cherchait à dominer les voies navigables, mais Yongle, le troisième empereur Ming au début du XVème siècle, voulut faire mieux encore et constitua une flotte impressionnante dont il confia le commandement à Zheng He. Celui-ci entreprit sept grands voyages (1405-1433) pour développer des routes commerciales, mais aussi pour démontrer la puissance et la richesse de la Chine. Il y réussit parfaitement en Inde, dans le golfe persique, au Kenya et jusqu’au cap de Bonne-Espérance en 1420. Puis les voyages de Zheng He prirent fin brusquement en 1433 sur ordre de l’empereur Xuande. La flotte fut démantelée. La Chine avait pris peur, autant de la force de cette marine que de l’étranger au contact duquel elle risquait de se dénaturer.
C’est la même crainte qui saisit Xi Jin Ping. Il instaure un régime plus totalitaire que jamais il n’y en eut dans le monde avec son système de surveillance sociale et de notation de tous les individus en fonction de leur servilité au régime. Le parti communiste règne en maître dans toutes les entreprises et menace ceux qui prennent des libertés avec lui. Ainsi se sont fait tancer jusqu’aux plus grandes : Alibaba, Tencent et d’autres. Dans un récent article de l’Express, Robin Rivaton observe que, excepté TikTok, « l’influence culturelle de la Chine à l’échelle mondiale est quasiment nulle ». Les Chinois sont intelligents, mais ils n’ont pas pris la peine d’inventer un alphabet !
Broyée par le communisme, la Chine n’a plus de morale. Elle multiplie des expériences médicales surprenantes, notamment en matière de création de nouveaux génomes, mais sans respecter les règles de respect humain admises internationalement. Elle ment sans vergogne sur l’origine du virus et n’a pas hésité à écarter et laisser mourir le médecin qui avait lancé l’alerte du coronavirus. Elle emprisonne des innocents, persécute les musulmans et les chrétiens…
Une civilisation ne peut pas durablement se développer en faisant fi de l’homme. Car il n’y a de civilisation que pour les hommes qui en sont la plus grande richesse. Limiter la faculté créatrice des hommes, les censurer, les inhiber, les contrôler, leur interdire d’échanger, de débattre, de contester… conduit à appauvrir toute la société jusque dans sa capacité de se défendre, voire de survivre. Certes, aucune civilisation sans doute n’est éternelle, mais assurément, les sociétés totalitaires, qui veulent contrôler les consciences, n’ont jamais un avenir durable parce qu’elles sont contre nature.
Pour autant, il faut se méfier des tigres, même en papier. Les gouvernements tyranniques peuvent être dangereux parce qu’ils méconnaissent le réel et sont prêts à tout pour réaliser leurs chimères. Il ne faut donc pas les minimiser et toujours s’en méfier sans cesser de chercher à les affaiblir ou à les transformer pour les faire revenir à la raison.
Jean-Philippe Delsol, avocat, président de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales, IREF