La Cité du Vin, projet initié en 2008 par Alain Juppé, veut attirer les touristes du monde entier à Bordeaux. Un business juteux en perspective ?
Impressionnant ! Tel un navire invitant à monter à bord les amateurs de vins de Bordeaux, la Cité du Vin se dresse à l’entrée des Bassins à flot de la Garonne, entre ce qui fut un port et les portes de la ville. L’ouvrage, haut de 55 m, tout en rondeur, couvert d’écailles de verre et de plaques d’aluminium couleur or, a tout pour faire de la ville la capitale mondiale de l’œnotourisme.
Un ambitieux projet
En 2008, lorsque Alain Juppé, maire de Bordeaux, et Sylvie Cazes, 61 ans, conseillère déléguée chargée des questions liées à la filière viti-vinicole, à la tête du groupe familial domaines Jean-Michel Cazes (château Lynch-Bages à Pauillac, Ormes de Pez à Saint-Estèphe, villa Bel-Air à Graves), l’Ostal Cazes dans le Minervois, domaine des Sénéchaux à Châteauneuf-du-Pape, et présidente de la Fondation pour la culture et les civilisations du vin, lancent l’idée d’un lieu consacré aux «civilisations du vin», la proposition est loin de faire l’unanimité.
Producteurs et négociants craignent en effet que cette Cité ne mette en lumière la seule ville de Bordeaux et les plus gros acteurs du secteur.
Le lieu n’a pourtant pas vocation à devenir un outil de promotion des marques ou des appellations, mais bien une place forte en faveur de la reconnaissance de la dimension patrimoniale et culturelle du vin.
«La Cité du Vin renvoie une image noble des savoir-faire et des terroirs, et doit devenir un objet de fierté pour nos concitoyens.
Pour le reste du monde, c’est un signal puisque chacun pourra se retrouver autour de cette grande histoire universelle du vin. Nous nous appuyons sur la notoriété internationale de Bordeaux pour porter ce message. De façon plus pragmatique, la Cité du Vin doit jouer un rôle actif dans les réseaux œnotouristique grâce à l’espace dédié accessible dans son grand hall d’accueil.
L’objectif est d’inciter les visiteurs à aller visiter les vignobles, découvrir dans les territoires non seulement les propriétés viticoles et les lieux de dégustation mais aussi les musées et les fêtes du vin», souligne Sylvie Cazes.
Malgré les réticences, l’ensemble de la filière vino-viticole d’Aquitaine soutient finalement le projet.
Financement atypique
Les travaux démarrent en juin 2013, pour un budget 81 M€, dont 55 M€ consacrés à la construction et à l’aménagement scénographique, majoritairement financé par les collectivités publiques et institutionnelles, Bordeaux en tête (38%), mais aussi l’Union européenne avec (15%), Bordeaux Métropole (10%), la Région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes (7%), l’État (2%), le département de la Gironde (1%) et la chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux (1%). Le secteur privé joue également un rôle majeur puisqu’il assure 19% du financement de la construction.
La Cité du Vin est ainsi le premier équipement culturel en France à atteindre un tel niveau de mécénat. Reconnue d’utilité publique, la Fondation pour la culture et les civilisations du vin – exploitante de la Cité du Vin – collecte les dons. «Particuliers et entreprises, chacun peut participer au rayonnement culturel de la Cité du Vin.
À travers le Cercle des Amis et le Cercle des Entreprises Mécènes, il est possible de soutenir la programmation culturelle autour du patrimoine du vin dans sa plus grande diversité», indique Géraldine Clerc, responsable du mécénat de la Fondation pour la culture et les civilisations du vin. Parmi les grands mécènes, le Crédit agricole, le prince Robert de Luxembourg du domaine Clarence Dillon (1 M€), le célèbre négociant Bernard Magrez (500.000 €)… La fondation collecte ainsi 20 M€ auprès de 83 mécènes.
Zéro subvention
Outre un coût de construction parfaitement maîtrisé (seulement 28% de dépassement de budget), comparé à d’autres sites comme le MuCEM à Marseille, le musée du Louvre de Lens ou le musée des Confluences à Lyon qui ont explosé leur budget de 158%, le «Guggenheim» d’Alain Juppé vise le zéro subvention pour l’exploitation.
«En année pleine, le budget sera de l’ordre de 10 à 12 M€, sans aucune subvention ! 80% des recettes proviendront de la billetterie, du CA de la boutique, des loyers perçus grâce aux espaces de restauration confiés au groupe Arom et au restaurateur Nicolas Lascombes, et de la privatisation de certains espaces comme le Belvédère et l’auditorium. Le mécénat représentera environ 20% du budget mais l’objectif est qu’il soit fléché sur le financement de la programmation culturelle», détaille Philippe Massol, DG de la Fondation pour la culture et les civilisations du vin.
Avec 450.000 visiteurs attendus chaque année, la Cité laisse entrevoir de belles retombées économiques pour la ville. Outre les 750 emplois durables créés, dont 250 emplois directs, les retombées indirectes sont estimées à 40 M€ par an, dont 25% rien que pour la filière viti-vinicole. De quoi donner des idées à d’autres citées…