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La compétitivité est le meilleur moyen d’assurer la souveraineté de la France


Par Jean-Philippe Delsol, avocat, Président de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales (IREF) Le déficit commercial de la France était de 65,2Md€ en 2020, de 7,1 Md€ en septembre 2021, et de 7,3Md€ en octobre 2021. Pour sa part, le commerce extérieur allemand est excédentaire de plus de 200 milliards...

Entreprendre - La compétitivité est le meilleur moyen d’assurer la souveraineté de la France

Par Jean-Philippe Delsol, avocat, Président de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales (IREF)

Le déficit commercial de la France était de 65,2Md€ en 2020, de 7,1 Md€ en septembre 2021, et de 7,3Md€ en octobre 2021. Pour sa part, le commerce extérieur allemand est excédentaire de plus de 200 milliards d’euros par an en moyenne !  L’économie française importe de plus en plus et, pour s’en protéger, les discours politiques, de droite et de gauche, en appellent à toujours plus de protectionnisme. Ce serait pourtant le pire des remèdes.

Le Haut-commissaire au plan se désole de la désindustrialisation française et produit un rapport sur la « Reconquête de l’appareil productif : la bataille du commerce extérieur ». Sa solution est de faire intervenir l’Etat pour revivifier les secteurs productifs françaises déficitaires.

Il recense 917 produits affichant un déficit commercial de plus de 50M€ par an. Il se penche sur chacun pour constater par exemple que « la France est le premier exportateur mondial de pommes de terre, mais nous sommes gravement déficitaires en chips, en flocons de purée » ou que nous produisons beaucoup de bois mais que nous ne le faisons transformer à d’autres. Il s’inquiète encore que le déficit cumulé des légumes qui composent une ratatouille ait été de 648 millions d’euros en 2019 (650 millions en 2020). La réindustrialisation ; dit le rapport, appelle une réflexion d’ensemble, pour chaque production, de bout en bout, intégrant tous les maillons de la chaîne.  

Sa solution est que « soient précisément étudiés, avec la contribution décisive ou sous le pilotage de l’Etat capable de fédérer, les grands secteurs industriels directement concernés par le domaine ou qui peuvent y être associés, de manière à définir, champ de bataille par champ de bataille, une stratégie nationale ». Il veut offrir un partenariat public-privé aux grandes entreprises pour protéger de jeunes pousses dans chaque secteur. « Mais, écrit-il, on devra sans doute aller plus loin, probablement y a-t-il à accomplir des prises de participation nationales dans des entreprises maîtrisant ces productions depuis l’étranger ».

Toujours plus l’Etat donc pour sauver le pays d’une désindustrialisation qu’il a lui-même créée. La part du secteur industriel dans le PIB était encore de 24 % en 1980. Elle est tombée à 10% en 2019. Elle est du double en Allemagne. Cette perte de vitesse est due aux charges fiscales et sociales excessives qui pèsent sur les entreprises. Les dépenses publiques de santé représentent 8% du PIB en France contre 7% en moyenne européenne. Les dépenses publiques de retraite correspondent à 13,6% du PIB en France contre 10,2% en Allemagne, 8% au Danemark. Les impôts sont également plus importants qu’ailleurs. Les prélèvements sur le stock de capital représentent près de 5% en France contre 1,4% en Allemagne…

L’Etat n’est pas la solution, il est le problème

Quand il sauve artificiellement les entreprises, il ne fait qu’en retarder la chute aux frais du contribuable. Ainsi Ascoval a failli mourir à petit feu des aides d’Etat et mourra peut-être demain pour avoir été empêchée par l’Etat de délocaliser une partie de sa production. Ainsi Alstom a été démantelé avec l’aide de l’Etat et Peugeot, où l’Etat détenait une participation non négligeable, s’est vendu en partie aux Chinois avant de se réfugier dans des bras italiens.

Quand l’Etat n’a plus d’argent, il utilise la réglementation pour empêcher les investissements étrangers dans les sociétés françaises. Les seuils de contrôle des investissements étrangers en France ont été abaissé à 10% de participation étrangère dans les sociétés cotées sensibles. L’Etat a utilisé ces règles pour s’opposer l’été dernier à la fusion de Carrefour avec le canadien Couche Tard sans que personne ne sache très bien ce que cette fusion avait de stratégique pour la France.

L’industrie est mieux protégée par sa compétitivité que par la fermeture des frontières ou l’intervention de l’Etat dans son capital ou plus généralement dans ses affaires. La concurrence est le meilleur moyen pour améliorer sans cesse la qualité et la performance des produits et pour fixer leurs prix au meilleur niveau possible pour le consommateur. En fermant les frontières, en surtaxant les produits étrangers, on protège provisoirement le marché national en même temps qu’on l’affaiblit à moyen et long terme en réduisant l’innovation, moins nécessaire, en renchérissant les produits, non concurrencés, en déclassant progressivement l’industrie nationale par rapport au marché mondial. Un marché compétitif progresse sans cesse, élargit ses gammes de produits et services et accroit ainsi la sécurité recherchée par les protectionnistes.

Le rôle de l’Etat est donc moins de faire le job à la place des entreprises, d’entrer dans leur capital, de réfléchir à leur stratégie et de compter les légumes qui composent la ratatouille que de veiller à ce les entrepreneurs puissent créer, agir, embaucher… sans crouler sous les taxes et les normes.  Pour être souverain, un pays souverain a besoin d’une économie forte. Et pour que l’industrie soit forte, il faut qu’elle soit libre et raisonnablement taxée.

Jean-Philippe Delsol

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