Tribune de Benoit Sevillia, Avocat Associé, Drouot Avocats
L’agent commercial, lequel relève d’un statut particulier régi par les articles L.134-1 à L.134-17 du Code de commerce, est mandaté par la société mandante pour la représenter au titre de son activité commerciale.
Si l’agent peut intervenir exclusivement pour son mandant, il n’en reste pas moins un travailleur indépendant inscrit au Registre Spécial des Agents Commerciaux. De nombreuses entités font le choix de l’externalisation de leur force commerciale au regard des contraintes financières du salariat, laquelle offre par ailleurs une certaine souplesse organisationnelle.
La fin du contrat conclu à durée déterminée ou indéterminée doit être bien appréhendée afin d’éviter pour le mandant les mauvaises surprises y afférentes lorsque l’agent vient réclamer son indemnité de rupture.
L’indemnisation en cas de cessation des relations contractuelles
Lorsque le contrat d’agent commercial est à durée déterminée, il prend fin naturellement s’il n’a pas été reconduit volontairement ou tacitement.
Lorsque la convention est à durée indéterminée, la décision de rompre la relation commerciale est prise par l’une des parties qui la notifie à son cocontractant en respectant un délai de préavis. La durée du préavis peut aller d’un mois à six mois en fonction de la durée de la relation contractuelle, laquelle peut le cas échéant être portée à dix-huit mois si rien n’a été prévu par les parties, en application de l’article L.442-1 du Code de commerce.
La survenance du terme du contrat à durée déterminée ouvre automatiquement pour l’agent le droit à une indemnité de rupture, tandis qu’il est ouvert sous conditions en cas de résiliation d’un contrat à durée indéterminée :
- La rupture doit être à l’initiative du mandant et non de l’agent commercial ;
- Si elle est à l’origine de l’agent commercial, la rupture doit être justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à son âge, son infirmité ou une maladie empêchant la poursuite de son activité.
Lorsque l’agent commercial invoque des circonstances imputables à son mandant, il doit alors dénoncer l’impossibilité d’exécuter son mandat en raison de manquements contractuels graves commis par son mandant (atteinte à son exclusivité, réduction unilatérale du territoire confié, retrait de produits, etc…) en demandant devant le tribunal de commerce la résiliation judiciaire du contrat d’agence. Cette hypothèse, moins habituelle, est à prendre néanmoins au sérieux car elle peut surgir lorsque les réclamations de l’agent ne sont pas satisfaites par le mandant.
Il est d’usage que le juge accorde pour l’indemnité de rupture un montant équivalent à deux ans de commissions, lequel peut être légèrement revu à la baisse ou à la hausse en fonction de circonstances tenant notamment à l’ancienneté de l’agent. Il est cependant un détail majeur que d’aucuns ne doivent omettre : l’agent dispose d’un délai d’un an pour signifier au mandant son souhait de faire valoir ses droits à l’indemnité, sous peine de le perdre.
Ce droit indemnitaire, beaucoup plus élevé que l’indemnité de rupture prévue en cas de rupture du contrat de travail (que ce soit l’indemnité légale de licenciement ou l’indemnisation complémentaire au titre du barème Macron), est parfois méconnu et souvent insuffisamment provisionné par le mandant.
La privation d’indemnisation en cas de rupture des relations contractuelles pour faute grave
Un conflit abondant est venu encombrer à juste titre les rôles des tribunaux de commerce qui doivent statuer sur l’appréciation de la faute grave reprochée à l’agent commercial par son mandant.
Elle est caractérisée notamment lorsque l’agent ne respecte pas ses obligations impérieuses de prospection commerciale sur fond de non-respect des instructions, de mésentente, d’infractions à la règlementation, difficultés conduisant généralement à une insuffisance de résultats, ou en cas de déloyauté de l’agent violant son obligation de non-concurrence.
Outre l’exclusion de tout droit indemnitaire, la rupture fondée sur la faute grave prive l’agent commercial de son droit à préavis.
Cette double peine, particulièrement préjudiciable, est parfois infligée à dessein par le mandant pour échapper à son obligation de financer la rupture du contrat d’agent, ce qui nécessite une vigilance d’autant plus grande de celui qui en est victime.
Face aux enjeux financiers majeurs pour le mandant comme pour l’agent commercial en cas de rupture du contrat, on ne saurait trop insister sur la nécessité pour l’un comme pour l’autre de s’entourer à cette occasion de conseils avisés.
Benoit Sevillia
Avocat Associé, Drouot Avocats