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La croissance peut-elle renaître sereinement du « bordel ambiant » ?


La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS Les Français sont trompés. On leur fait croire depuis des mois que la réforme des retraites devrait permettre en 2030 d’économiser 15 milliards, lesquels ont fondu depuis pour se limiter aujourd’hui à moins de 2 milliards du fait des aménagements et des amendements...

Photo Tomas Stevens/ABACAPRESS.COM

La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS

Les Français sont trompés. On leur fait croire depuis des mois que la réforme des retraites devrait permettre en 2030 d’économiser 15 milliards, lesquels ont fondu depuis pour se limiter aujourd’hui à moins de 2 milliards du fait des aménagements et des amendements à la loi. Et que peuvent-ils attendre de ce projet présenté comme vital, alors que l’État vit largement au-dessus de ses moyens, que l’exécutif met en pratique depuis trois ans la théorie du « en même temps » en distribuant des sommes sans compter pendant les mois de confinement, sans que ces dépenses soient toutes réellement justifiées. À coup sûr, avec de tels principes exorbitants du droit commun, l’État aurait en réalité aisément pu financer les retraites des Français les plus vulnérables.

Et donc, soyons clairs, ouvrons les yeux, la question n’est pas de réformer le système de retraite pour quelques milliards, dans un pays dont la dette publique est de 3.000 milliards et dont le déficit commercial est de plus de 160 milliards d’euros. La question est de redonner du pouvoir d’achat aux Français et non pas que les appauvrir progressivement, de plus en plus, de façon extrêmement inégalitaire.

Les Français sont inquiets car, depuis plusieurs mois, ils s’interrogent sur l’avenir de leur démocratie. Les sujets qui les préoccupent sont nombreux, mais comme j’ai déjà eu l’occasion de le développer dans mes chroniques, rien ne semble pouvoir rassurer véritablement nos concitoyens. Point n’est besoin de rappeler les mois difficiles vécus par les Français, tant dans leur vie professionnelle que dans leur vie personnelle pendant les mois de confinement, avec la crainte des effets morbides de la pandémie du Covid, les modifications intervenues dans le rapport à la vie quotidienne et dans les modes d’exercice de leurs professions.

Et pourtant, durant cette longue période, le moral des Français est malgré tout demeuré relativement serein, car les espoirs de reprise économique se mêlaient aux certitudes de nouvelles stratégies entrepreneuriales et qu’en dépit des morts nombreuses causées par l’épidémie, ils pensaient que ces chercheurs allaient trouver les traitements adéquats.

Pas besoin non plus de rappeler le choc, pour ne pas parler d’épouvante, lorsqu’en février 2022, la guerre s’est installée aux portes de l’Europe après l’agression de l’Ukraine par la fédération de Russie. Contrairement à l’indifférence à laquelle on aurait pu s’attendre de la part de citoyens préservés des conflits depuis tant d’années, les Français et la très grande majorité des Européens n’ont pas pris cet événement à la légère, et chaque jour passant est venu rajouter à la liste des horreurs, crimes de guerre, destructions et assassinats gratuits des civils innocents, des images traumatisantes montrant des villes rasées, des populations jetées sur les routes ou exécutées au bord des chemins. Dans un monde que l’on croyait pacifié depuis 70 ans, ces informations, largement illustrées par les reportages des envoyés spéciaux de la presse internationale, ont fait l’effet d’un cataclysme. Tout ce que l’on croyait, parfois de façon un peu naïve et simpliste, a été réduit à néant. Oui, la réalité dépassait les fictions des films hollywoodiens, le monde occidental pouvait disparaître. Les conflits qui n’avaient pas cessé d’exploser un peu partout dans le monde, notamment en Afrique ou en Asie, semblaient vraiment, jusque-là, provenir d’une autre planète que la nôtre. La réalité nous rattrapait.

Pas besoin, non plus, enfin, de rappeler l’impact écologique et économique dû à cette guerre, s’agissant en tout premier lieu de l’approvisionnement des démocraties occidentales en énergie, mais aussi, chose particulièrement curieuse dans l’esprit des Français, le constat de notre autosuffisance globale perdue, la découverte de notre dépendance nouvelle en matière d’énergie, même électrique, et en matières premières alimentaires de toutes sortes comme les céréales, mais aussi les fruits et les légumes, dans une France connue comme étant un des jardins de l’Europe.

Cette prise de conscience brutale de notre dépendance énergétique et alimentaire est venue remettre en question notre conception atavique d’une société idéale. Les problématiques soulevées sont multiples, elles touchent à l’écologie, à l’économie et à la démocratie. Et, sur ce dernier point, elles pointent du doigt des difficultés institutionnelles auxquelles on ne s’attendait pas particulièrement, et qui se traduisent, tout particulièrement en France ces dernières semaines, par une situation quasiment insurrectionnelle. En fin de compte, la question centrale aujourd’hui et de s’interroger sur l’avenir de notre pays, sur la stabilité de ses institutions et sur la capacité que nous, citoyens, avons de faire progresser les libertés individuelles tout en parvenant à relancer économiquement une France en désarroi. J’ai écrit plusieurs fois dans ces chroniques que seules les initiatives individuelles de nos entrepreneurs étaient en mesure de sauver le pays. Je le maintiens !

L’économie mondiale

L’histoire de l’humanité est une perpétuelle quête de la paix. Depuis l’antiquité, voire depuis l’âge des cavernes, le pouvoir a toujours été entre les mains de ceux qui avaient la force, la force physique ou celle des armes. Progressivement, le pouvoir est passé entre les mains de ceux qui contrôlaient les territoires, les terres de culture, les ressources en eau, les voies de communication et les ressources. Les autres, considérés avec mépris, ce n’étaient que des esclaves, des serfs ou de la chair « à canon ». Si c’est malheureusement toujours en grande partie le cas, un peu partout dans le monde, les choses ont connu quelques variantes et quelques évolutions. Malgré les injustices et les inégalités, l’histoire a vu certaines classes de la population progressivement gagner ou s’octroyer des parts de liberté. De nombreux métiers, souvent dus à l’ingéniosité humaine, ont vus le jour, inventeurs, artisans, commerçants, éleveurs, etc.

Même si les richesses ont le plus souvent été injustement réparties entre les citoyens, petit à petit, certains d’entre eux sont parvenus, à force d’entreprendre, à créer et à développer une sorte de richesse nationale. Dès le moyen-âge, les confréries ont réunis les métiers de bouche, les métiers du bois, du fer et de l’orfèvrerie, les métiers du tissu, etc. et organisé des foires dans toute l’Europe pour promouvoir les échanges entre les savoir-faire du monde connu. Dès le XVIIe siècle, on a vu se développer les premières fabriques du monde préindustriel, puis les manufactures et enfin les usines. La norme commune à toutes ces activités humaines a donc été la valorisation du travail, essentiellement manuel, qui a permis, peu ou prou, de vivre enfin de son travail.

On pourrait donc définir la société idéale autour de cette idée centrale, la réunion de travailleurs se coordonnant et se complétant pour donner aux uns et aux autres les moyens de vivre dans un monde de moins en moins hostile. Même si c’est faire peu de cas des oppositions, des inimitiés, des jalousies, des guerres, des révoltes et des révolutions qui ont contribué à bouleverser souvent l’ordre espéré et établi, c’était là les prémisses des différents systèmes économiques qui ont été théorisés par les premiers économistes de l’histoire, tels que Locke ou Hobbes.

Dans un système économique organisé, envisager les actions propres au développement est l’étape nécessaire à la création efficace de la richesse nationale. La force fondamentale d’une société humaine réside dans la somme des actes individuels, sur la certitude de l’appartenance à un groupe soudé autour de valeurs affirmées et partagées. A contrario, cela ne peut se faire par des projets et des analyses purement macro-économiques, ce qui m’amène à affirmer qu’on ne peut parler abstraitement d’économie et d’entreprises, sans devoir évoquer des situations totalement disparates et différencier l’action entrepreneuriale des TPE/PME, voire des entreprises en nom personnel, de celle des multinationales. Il convient donc de bien définir notre sujet.

Dans la plupart de mes chroniques, j’insiste sur un point central, notre richesse ne peut venir que de l’entreprenariat individuel. Ce n’est pas l’État, par ces lois et ses règlements, qui contribuent directement à la richesse du pays. Je parle souvent de la valeur travail, et j’ai donc foi en notre capacité collective d’utiliser notre force de travail personnelle pour créer de la valeur. Pour moi, l’entreprise est individuelle, souvent petite ou moyenne, parfois un peu plus importante, mais surtout elle se caractérise par la volonté d’une personne (d’une famille ou d’un petit groupe) à investir ses moyens personnels pour créer quelque chose, un objet, une machine, un service, etc. avec l’idée du bien et de l’utilité commue. Leur objectif n’est pas le profit. Les bénéfices retirés de leur activité doit profiter à l’entreprise, à ses employés, éventuellement à ses actionnaires, mais surtout contribuer à la pérennité de l’outil de travail et au développement de la richesse nationale.

A contrario des entreprises qui ont oublié cette morale de base et se contentent de faire travailler l’argent dans le seul but d’accaparer des profits inconsidérés, voire des superprofits indécents, sans aucun objectif citoyen de faire progresser le bien commun et la richesse nationale, bien souvent la propriété de « fonds d’investissements » dont le seul critère est le « dividende » à tout prix, une vision à court terme.

Il est donc nécessaire de bien faire la part des choses entre ceux que j’appelle les « entrepreneurs » et ceux qui ne sont malheureusement en général que des « profiteurs ». Ceux qui, en plus d’accaparer les richesses induites par des placements boursiers, par des abus de position dominante, par toutes les subtilités légales ou pseudo légales qu’offre la fiscalité pour accaparer de l’argent public, ces entités qui se parent du nom « d’entreprises » profitent également et largement des institutions démocratiques pourtant mises en place initialement pour améliorer les conditions d’existence de la population.

Sans remonter à la féodalité, époque à laquelle quelques seigneurs et leurs proches profitaient du travail de serfs maintenus dans la misère des campagnes, l’évolution historique de notre société a été prioritairement orientée vers l’amélioration des conditions de vie, habitat, santé, revenus, fondée au cours du siècle des lumières sur les principes de liberté, d’égalité, et même de fraternité. Nombreux sont ceux qui aujourd’hui, dans leurs commentaires et discours, se réfèrent aux valeurs du « Conseil de la Résistance » né en 1945. 70 années se sont écoulées, et j’oserais dire que toutes ces valeurs ont été considérablement voire définitivement reniées. On parle souvent des 30 Glorieuses, ces années où le chômage était ridiculement bas et où les parents voyaient, grâce à l’ascenseur social, leurs enfants progresser vers un avenir meilleur.

Quand le premier choc pétrolier de 1973 et des années suivantes a sonné le glas de ces espoirs, peu à peu, le monde du profit a pris le pas sur le monde du travail, le monde des illusions sur le monde des espoirs, le monde du mensonge sur le monde de la sincérité. Et, en matière économique, sans que l’on s’en rende bien compte, les dirigeants politiques, manipulés par les dirigeants économiques, ont progressivement dépecé l’État fort et puissant instauré par le général de Gaulle de ses principales richesses.

Comme le rappelait récemment un ancien ministre qui a eu le courage de s’exprimer sur le sujet, à propos de la souveraineté nationale, en 15 ans, notre pays a perdu des groupes industriels de haut niveau, comme Arcelor, le leader mondial de l’acier, Péchiney qui gouvernait la filière de l’aluminium, Alstom qui était l’une des entreprises phares de la transformation énergétique, Lafarge dans le monde des matériaux de construction qui a été vendue aux Suisses, Alcatel qui aurait pu dévorer Nokia mais qui a été bradé à cette dernière, et d’autres comme Essilor. L’occasion pour cet élu de sonner l’alarme, « se réveiller » dit-il, pour retrouver le chemin de la souveraineté française !il s’est d’ailleurs éloigné de la politique pour « entreprendre » et « créer de la valeur »..

Perdre autant de fleurons industriels nationaux en si peu de temps, c’était brader les richesses de la France pour enrichir des « spéculateurs » et contribuer aux ambitions dispendieuses de l’État, c’était aussi voir disparaître toutes les PME clientes de ces entreprises de pointe. Mais dénoncer la braderie des entreprises fondamentales du pays, c’est surtout mettre en cause les responsabilités des pouvoirs publics, mais aussi celles des dirigeants de ces entreprises qui ont fait de ces opérations de simples sources de superprofits. Et quand on voit la situation de dépendance économique que connaît la France, tout particulièrement en découvrant les effets pervers du conflit en Ukraine et des justes sanctions prononcées contre les dirigeants russes, on ne peut que s’interroger sur la vision à « très court terme » de nos dirigeants politiques et de leurs alliés, les entreprises capitalistiques de la mondialisation.

Contrairement à ce que devrait impliquer les valeurs morales posées en principe après la seconde guerre mondiale, l’objectif de l’économie globale, tenue par un petit nombre de multinationales n’est désormais plus que l’enrichissement privé au détriment de la nation et de la population laborieuse, avec cette circonstance aggravante parfaitement inacceptable que toutes ces manigances se font avec l’aide de subventions publiques et des dépenses prélevées sur les comptes publics !

Quand on parle d’intérêts multinationaux, on devrait aussi évoquer les intérêts supranationaux, qui se traduisent par l’ingérence de moins en moins masquée de certains pays qui veulent prendre le pouvoir économique, voire politique, et imposer leur loi dans les pays de l’Europe occidentale. Rappelons que les États-Unis représentent 330 millions d’habitants, la Russie moins de 300 millions et l’Europe, qui n’est qu’une communauté de 27 états membres, 350 millions d’habitants environ. Face à ces différentes forces, la Chine représente 1.400.000 habitants, à peu près autant que l’Inde. Les appétits de ses pays gigantesques sont démesurés.

On en voit la preuve de cette semaine dans les accords relativement hypocrites que tentent de nouer les dirigeants chinois et russes, ces derniers étant tellement écrasés par leur dette qu’ils ont besoin pour survivre de l’aide d’un voisin avec lequel, pourtant, ils ne s’entendent pas forcément. Mais il est évident que, ces derniers temps, la Chine s’est développée et continue à croitre de façon considérable, d’abord sur le plan maritime avec la construction de milliers de bateaux, dont une énorme flotte militaire qu’elle met à contribution pour tenter de contrôler la mer de Chine et l’ensemble des détroits, et qui persiste dans son projet d’incorporer l’île de Taïwan à son immense continent. « Quand la Chine s’éveillera »…

Mais la Chine poursuit également, seule ou avec la complicité des Russes et de ses milices, à s’implanter progressivement en Afrique, sous le prétexte fallacieux de débarrasser le continent des anciens pays colonialistes européens, mais en réalité pour accaparer les immenses ressources naturelles présentes dans le sous-sol africain. Les néo-libérateurs des peuples africains seront à terme leurs nouveaux exploiteurs.

 On pourrait bien-sûr rajouter à cette liste de pays à la recherche de pouvoirs nouveaux et de richesses à accaparer au moindre prix, les pays du Moyen-Orient et tout particulièrement ceux du golfe persique, qui utilisent, tant qu’ils en ont, les bénéfices de l’exploitation de leurs gisements d’hydrocarbures pour racheter tout ce qui peut l’être dans les capitales européennes comme Londres, Bruxelles ou Paris.

Et notre belle planète « Terre » ?

L’exploitation excessive des énergies carbonées, dans le but ultime d’accumuler des superprofits tant que c’est encore possible, a de toute évidence, des impacts à la fois démesurés et terrifiants sur le devenir de notre planète. En dépit des cris d’alarme dont les premiers datent déjà des années 70, cinquante ans plus tard, le constat est toujours aussi alarmant, le réchauffement climatique toujours sans contrôle, et l’avenir de la planète de plus en plus incertain.

Ces derniers jours, le GIEC vient de publier la synthèse de son nouveau rapport et revoit ses prévisions de hausse des températures de la planète en indiquant que l’évolution est finalement plus rapide que celle à laquelle on s’attendait. Ce n’est plus la fin du siècle qui est l’échéance, voire même les années 2050, mais dorénavant les années 2030. Les constats sont visibles un peu partout dans le monde. La fonte des glaciers dans nos zones tempérées comme celles des montagnes européennes, Alpes, Pyrénées, etc., mais aussi la fonte accélérée des pôles sud et nord entraînent inéluctablement une hausse du niveau des océans et des mers. De récents reportages montrent les impacts de ces changements climatiques sur les loisirs des vacanciers, de moins en moins de neige pour la pratique des sports d’hiver en Europe occidentale, des littoraux qui rétrécissent pour les touristes qui se ruaient sur les plages paradisiaques de l’Océan Indien, etc.

C’est peut-être triste de voir que la société humaine de plus en plus consacrée aux loisirs va devoir oublier ces vacances de rêve ! Mais au-delà des frustrations des vacanciers, il faut voir, derrière ces phénomènes, l’évolution des modèles économiques, et l’impact sur l’activité entrepreneuriale des pays concernés. Qui plus est, les changements climatiques sont aussi responsables des pénuries généralisées de l’eau potable et des événements catastrophiques de plus en plus fréquents dont les conséquences dommageables ont un poids économique loin d’être négligeable.

La sécheresse et le manque d’eau bouleversent les sols et fragilisent l’habitat qui s’affaisse ou s’effondre dans de nombreuses régions, y compris en France, les tornades et les orages sont source de phénomènes aux conséquences économiques désastreuses comme les épisodes cévenols. Les canicules qui dessèchent sur pied de plus en plus d’essences locales peu habituées à ces changements climatiques plus nombreux et plus précoces qui détruisent désormais chaque année des hectares de forêts dans les régions jusqu’alors tempérées de nos pays.

Et pendant ce temps, puisqu’on évoque la question des pôles et des régions autrefois considérées comme glaciaires, le dégel a de nombreux impacts. Il peut être à la source de nouveaux dangers, comme la libération de nouveaux virus, jusqu’alors enfermés dans le permafrost, ou susciter le rêve d’une sorte de nouvel Eldorado en permettant aux industriels d’accéder plus facilement à des gisements de ressources naturelles sources de nouveaux profits, métaux rares, pétrole et gaz. On affirme que 30 % des réserves de pétrole sont cachées sous l’Arctique, d’où l’intérêt soudain des voisins de la Sibérie et de l’Alaska.

Alors même que le GIEC et la communauté internationale tentent d’interdire la poursuite de l’exploitation des énergies fossiles, la course désormais folle aux pétrodollars, pourtant officiellement dénoncée, continuera à mener l’économie mondiale à sa perte en détruisant définitivement les richesses de la seule planète qui nous sert de refuge ! Qui plus est, pour qui pourrait encore douter de la déraison humaine, on envisage déjà les nouveaux profits que l’on pourra tirer, sous prétexte de recherches scientifiques, en retournant dès que possible sur la lune où l’on espère trouver de nouveaux gisements et de nouvelles matières !

Les désordres actuels de la démocratie française

Mais pendant que l’on s’interroge sur le contrôle des émissions de gaz à effet de serre, ou que l’on s’insurge contre les superprofits accaparés par certains au mépris du bien-être des populations, et cela à l’échelle de tous les continents, la France vit cette année dans un nouveau climat d’incertitude, celui suscité par la réforme tant de fois reportée de son système de retraite par répartition.

Mon point de vue n’est pas ici de prendre parti sur un sujet qui occupe les médias depuis des semaines. De toute évidence, le projet de réforme, compte tenu de l’évolution de la pyramide des âges et du nombre de cotisants par rapport au nombre de retraités en situation de percevoir une pension, implique des évolutions. Toute personne un peu censée devrait être consciente de cette situation. Et pourtant, on a beau chercher dans leurs nombreuses déclarations, les responsables politiques et syndicaux, et surtout l’ensemble des journalistes n’évoquent que l’opposition qu’il y a entre ceux qui imposent la réforme est ceux qui la refusent, les questions de procédure législative et les éventuelles atteintes aux règles constitutionnelles.

Je pense sincèrement que l’on se trompe de débat, ou que l’on nous raconte n’importe quoi pour éviter les échanges sur les vrais sujets !

Car en réalité, le problème n’est pas là où on le croit, sur la réforme des retraites. Certes, on peut discuter des modalités et des adaptations nécessaires au coup par coup, et non pas globalement, pour tenir compte de la pénibilité des emplois, de la situation de santé des personnes concernées, des inégalités flagrantes, notamment pour les femmes, mais ici il y a beaucoup mieux à faire !

Actuellement, s’il y a une question centrale à résoudre dans notre société et dans notre organisation démocratique, c’est le niveau de vie des Français les plus humbles. Le seul sujet d’intérêt vital, si l’on veut réellement éviter une explosion ou une révolution, c’est de permettre à chacun, que ce soit dans le cours de sa vie professionnelle ou au moment d’atteindre l’âge de la retraite, de disposer des moyens de vivre décemment. Il ne s’agit pas d’exiger un partage total des richesses dans un souci égalitariste déjà soulevé par Tocqueville, ni d’imposer des rémunérations démesurées, mais il devient indispensable, pour ne pas dire vital à l’échelle de la démocratie, de définir des niveaux de rémunération qui soient dignes et respectueux de la personne humaine.

Il ne s’agit pas de prétendre hypocritement que la retraite sera de 1.200 € minimum pour tous, ce qui ne se fera jamais, que ce soit avec surcotes ou avec décotes, mais de parvenir enfin à une répartition acceptable et non hypocrite des moyens de vivre permettant aux moins favorisés de faire face aux charges qui ne cessent d’augmenter. Cette succession de mensonges est assez peu supportable, entre la question du brut et du net, tout particulièrement en période d’inflation comme c’est le cas aujourd’hui, puisqu’en termes de pouvoir d’achat, cette somme ne cesse de diminuer, ces approximations sur le nombre de retraités concernés, d’un million à moins de 10.000, etc. ! Il faut réellement insister sur ce que vaudront ces pseudos 1.200 euros nets, quand l’inflation aura fait son œuvre maléfique !

Est-il encore nécessaire de rappeler que le mouvement des gilets jaunes avait pris naissance alors que le litre d’essence était inférieur à 1,50 €. Il est, en ce 24 mars 2023, dans de nombreuses stations-services de la proche banlieue parisienne, affiché à 2,25 € ! Ce delta de 0,75 € au litre, notons-le, cela représente une augmentation de 50 % par rapport au prix de 1,50 €. Cherchez l’erreur… ou la manipulation, surtout quand on sait à quel point le prix du baril de pétrole a baissé en quelques mois, de 120 $ à 69 $ en mars 2023 !

Puisque je parle d’inflation, il faut rappeler que l’essentiel de l’augmentation des prix est subie par le consommateur de base, pour son alimentation, ses déplacements ou le chauffage de son domicile, et que c’est à lui qui assume directement les augmentations de prix suscitées à la fois par les appétits démesurés des multinationales (pétroliers, transporteurs, laboratoires et toutes sortes d’intermédiaires n’apportant aucune valeur ajoutée), et les dépenses excessives d’un État outrageusement dépensier.

Les dirigeants politiques et économiques de notre pays sont, comme on le dit de plus en plus dans es débat médiatisés, « hors sols » ! Ils ne connaissent rien de la vie quotidienne de la population et des contraintes qu’elle supporte. Ils n’ont aucune conscience de la réalité de ce que vivent les citoyens de ce pays. Quelqu’un pourrait-il leur expliquer enfin comment il est possible de vivre décemment avec 1.200 € par mois, alors que les prix des produits de première nécessité flambent ? On a connu autrefois des périodes longues d’inflation, mais à cette époque, les salaires étaient, au moins en partie, indexés sur les indices des prix à la consommation. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Et les classes basses de la population entrent progressivement dans une misère que l’on feint d’ignorer, en décidant épisodiquement de verser des primes qui ne sont en fait que des aumônes.

Les Français n’attendent pas qu’on leur « donne la pièce » comme à la sortie du métro ou de l’église. Pour l’essentiel, ils veulent avoir un emploi et une rémunération correcte.

Et que dire de ces belles opérations promotionnelles des « marques distributeurs » présentées comme étant des boucliers anti-inflation ? Alors, dans ce monde « parfait », peut-on enfin savoir qui s’enrichit, et ce, de façon éhontée ? Et peut-on identifier enfin ceux qui s’appauvrissent et plongent petit à petit dans la misère ? En fin de compte, rien ne change, je dirais même que tout s’effondre, dans le beau pays des droits de l’homme et du citoyen. Il est même en train de devenir subrepticement une sorte de 53ème États des USA ! Car il ne faut pas se bercer d’illusion, notre pays aux 3.000 milliards d’euros de dette publique ne vit que sous perfusion « étrangère » et il nous sera bien difficile de retrouver « notre souveraineté » nationale, alors que notre richesse nationale, progressivement, passe entre des mains étrangères.

Encore une illusion, une escroquerie intellectuelle, un discours purement démagogique développé par ceux qui bradent notre richesse nationale, pour tromper celles et ceux qui veulent encore croire à une France indépendante. C’est comme cette attitude qui consiste à dire que les superprofits engrangés durant la crise inflationniste doivent être partagés entre les seuls salariés des multinationales. Nouvelle manipulation destinée à calmer les rancœurs ! Car, en réalité, cette manne a d’abord été prélevée directement dans le porte-monnaie des consommateurs, et que ce sont donc ces derniers qui ont été les premiers spoliés. C’est donc à leur survie qu’il faut d’abord penser.

L’histoire est un éternel recommencement et les évènements s’effacent très vite. Lorsque les dirigeants, quels qu’ils soient, images du passé le plus lointain ou « héros » de l’actualité la plus récente, se « coupent » du peuple, ils s’isolent progressivement du réel et finissent par oublier, dans une sorte de monde parallèle artificiel, que la « majorité silencieuse », que cette « France profonde », celle des Jacqueries ou des Cathares, celle des Chouans ou des Révolutionnaires de 1789, celle des Résistants aux nazisme comme celle des gréviste de 1968 ou celle, enfin, des Gilets Jaunes, peut à tout moment se mobiliser et embraser le pays pour faire entendre sa voix !

Mais tant que nos dirigeants décideront « depuis Paris » ,sans concertation avec la France « d’en bas », celle des « vrais élus de terrain », que faut-il espérer ?

Bernard Chaussegros

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