Par Jean-Philippe Delsol, président de l’institut de recherches économiques et fiscales (IREF)
La CSG est une charge sociale complémentaire affectée principalement à la caisse nationale des allocations familiales, aux régimes obligatoires d’assurance maladie, à la caisse nationale d’assurance maladie, au fonds de solidarité vieillesse.
Son assiette est très large. Elle n’est quasiment pas affectée par les niches innombrables qui amputent l’assiette de l’impôt sur le revenu. A cet égard, elle peut apparaître comme une flat tax, c’est à dire un impôt proportionnel, et non progressif sur les revenus, ou presque car il y a des taux proches mais différents selon certains revenus. La RDS est perçue au taux de 0,5% sur la même assiette pour rembourser les dettes dites sociales.
Pour les salariés, la CSG et la CRDS sont calculées sur le salaire brut majoré des contributions patronales non obligatoires de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire. Donc les contributions patronales obligatoires, qui représentent environ les deux tiers des cotisations obligatoires, ne sont pas assujetties à la CSG et à la RDS.
Il en va différemment pour les travailleurs indépendants et assimilés (gérants majoritaires par exemple). La base de calcul de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), dues sur les revenus non-salariés non agricoles, est constituée du revenu fiscal d’activité non salarié majoré des cotisations personnelles aux régimes obligatoires de sécurité sociale (hors CSG – CRDS) du dirigeant et de son conjoint collaborateur.
Des cotisations sur des cotisations
Les professionnels indépendants supportent donc une CSG/RDS calculée au taux de 9,2 % sur l’ensemble de leurs cotisations, c’est-à-dire qu’ils payent des cotisations sur leurs cotisations. Il est vrai que c’est une spécialité française puisqu’on paye aussi à la pompe de la TVA sur la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) et que nos factures d’électricité et de gaz sont alourdies par de la TVA sur la Contribution au Service Public d’Electricité (CSPE) et sur les Taxes sur la Consommation Finale d’Electricité (TCFE) !
En ce qui concerne la CSG/RDS, le scandale est d’autant plus grand qu’il s’agit d’une façon de procéder véritablement discriminatoire à l’égard des professionnels indépendants puisque cette pratique abusive consistant à faire payer de l’impôt sur l’impôt n’est pas la même pour tous. Certes les salariés aussi supportent de la CSG/RDS sur leurs cotisations salariales, mais pas sur les cotisations patronales.
Il y a plus de CSG imposable que de CSG déductible
Sur les revenus d’activité, les assujettis bénéficient de la déductibilité de leur revenu imposable d’une partie de la CSG payée, soit 6 ;8% déductibles sur un montant de CSG égal à 9,2% du revenu imposable. Les professionnels indépendants bénéficient donc de cette déduction de leur revenu imposable d’une partie de leur CSG, comme les salariés. Mais cette présentation de la situation par l’administration fiscale est elle-même trompeuse. Celle-ci énonce que les contribuables peuvent déduire 6,8% de leur cotisation du revenu imposable. La réalité est qu’ils doivent réintégrer dans leur revenu soumis à l’impôt une partie de la CSG (2,4%). Ils payent donc tous des prélèvements obligatoires sur des prélèvements obligatoires. Et les professionnels indépendants en payent plus que les autres puisque leur CSG est calculée sur la totalité de leurs cotisations sociales.
Exemple : Jean perçoit un salaire brut annuel de 30.000€, correspondant environ à 24 000€ nets. On lui prélève donc 2760€ de CSG (30.000 x 9 ;20%). Mais il sera imposé sur 24.000 € + 720 € de CSG non déductible, soit 24.720 €. Georges, professionnel indépendant, gagne la même rémunération nette, soit 24.000 €. Il doit réintégrer ses charges sociales dans son revenu pour déterminer l’assiette de CSG, soit environ 10.000€ de cotisations rehaussant l’assiette imposable à la CSG à 34.000 €, soit, au taux de 9,2%, une CSG de 3128 € dont 816 € à rajouter au revenu imposable. Avec la même rémunération nette que le salarié, il paiera donc 368 € de plus de CSG et sera imposé sur un montant supérieur.
Cette discrimination n’est pas fondée. Le mieux serait de ne faire payer la CSG que sur le revenu net pour tous. La CSG ne serait ainsi déductible pour personne. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Il faut bien faire travailler nos fonctionnaires surnuméraires ! Et si on s’en passait ?
Jean-Philippe Delsol
Avocat, président de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales, IREF.