On peut dialoguer longtemps sur l’électrochoc et la panique générale qu’a déclenchés l’apparition du COVID au sein de l’ensemble des pays et des sociétés du monde, et sur l’évolution de nos mentalités et habitudes pendant l’épidémie.
Je fais partie de ceux qui, à tort ou à raison et à la lumière des vrais chiffres, pensent que nos réactions et celles des médias et réseaux sociaux qui nous submergent, ont été excessives et exagérées.
Qui, face à effectivement plus de 150 000 décès en France depuis l’apparition du COVID en novembre 2019, sur une période de deux ans et demie et sa mutation vers une forme plus « douce », se rappelle que, toute proportion gardée, chaque année la grippe « ordinaire » tue environ15 000 personnes, et que plus de 160 000 Français meurent du cancer et presque autant de maladies cardiovasculaires – sans que cela ne semble perturber le pays ? Et qu’en octobre 2021, selon l’ONU, 265 millions d’êtres humains, surtout des enfants, continuent à connaître la famine et finissent, en partie, par mourir, sans que cela ne fasse les grands titres quotidiens. Enfin sans oublier qu’au cours des derniers 100 ans, les deux guerres mondiales ont tué entre 9 et 10 millions de personnes pendant la première et 60 à 70 millions pendant la seconde, dont la grande majorité dans nos pays de l’Europe.
Donc parler, comme le Président Macron l’a fait à plusieurs reprises, de « guerre » (un mot que la chancelière allemande a explicitement refusé de prononcer…), à cause des hôpitaux insuffisamment équipés et préparés, et de quelques épisodes de confinement et de couvre-feu, certes économiquement et psychologiquement difficiles mais, toutes raisons gardées, utiles pour nous rappeler la fragilité de notre condition humaine et certains excès de notre vie quotidienne, auraient pu entraîner des réactions plus philosophiques et mesurées.
Le problème de notre société, encore plus répandu depuis l’invention du principe de précaution en France et dans la plupart des pays voisins, c’est qu’elle refuse, au niveau de l’individu, toute mise en danger et surtout tout risque de mort. Exposé du matin au soir à une communication médiatique, en temps réel et en boucle, de toutes les catastrophes dans le monde, la collectivité répond par la peur et par la déprime. Or il va bien falloir continuer à vivre et garder l’espoir d’un monde meilleur.
Quelle attitude adopter ? Tout d’abord accepter que des « catastrophes », comme il y en a eu de tous temps, continueront à menacer régulièrement le monde et notre pays, avec une tendance où des catastrophes naturelles et climatiques pourraient bien devenir de plus en plus fréquentes et courantes par rapport à des épidémies sanitaires, plus rares et exceptionnelles.
Accroître notre capacité de préparation et de mobilisation aux températures extrêmes, sécheresses, tempêtes, inondations, tremblements de terre, etc. et se focaliser, dès leur apparition, sur les solutions à notre portée et leur prescription, généralisée et obligatoire, à tout le monde. Quelle idée que 5 millions de Français, revendiquant leur liberté individuelle et au détriment des libertés collectives, ont refusé, par méfiance, incompréhension ou paresse, de se faire vacciner pour se protéger contre le COVID… là où la vaccination réduit de façon certaine au moins la gravité des infections, et que c’est bien grâce à des vaccins qu’on est arrivé à éradiquer les principales épidémies qu’a connues l’humanité…
L’apparition de la quatrième vague du COVID et du variant Omicron, virus apparemment beaucoup plus contagieux mais aux conséquences sanitaires moins dramatiques et assimilable plutôt à une grippe assez traditionnelle, suggère que, dans l’absence de propagation d’autres variants bactériologiques, il vaut mieux, tôt ou tard et après trois ou même davantage de vaccinations, tomber malade pour développer son propre système immunitaire et arriver ainsi à une immunité collective. En espérant d’éviter au niveau du pays des ruptures d’activité trop importantes par la multiplication des arrêts maladie et en s’adaptant à un défi épidémique permanent…probablement en conservant, pour toujours, une partie des précautions et des « gestes barrière », qui font désormais partie de notre quotidien… Comme quoi la pandémie serait devenue endémie, une maladie permanente mais sous contrôle.
Et enfin, comment prévoir désormais un retour à la normale pour l’économie du pays et l’assainissement des finances publiques françaises, déjà fragiles avant le COVID ? Et quid de la dette française et son nouveau niveau record proche de 115% du PIB après les dépenses du « quoiqu’il en coûte » ?
Depuis longtemps, le débat des économistes sur la capacité d’endettement d’un Etat et les risques y associés a connu des positions très divergentes. Entre ceux qui défendent qu’un Etat peut emprunter sans limites, dans la mesure où il ne peut pas tomber en faillite, et ceux qui, comme en Allemagne, vont jusqu’à interdire par la loi des budgets déficitaires et s’obligent à préserver ou à revenir vers un niveau d’endettement plus faible et la capacité de devoir rembourser les créanciers, les experts préconisent des politiques très différentes.
Déjà avant le COVID, les pays de l’Europe des 27 connaissaient des niveaux d’endettement très inégaux. En pourcentage du PIB annuel, ils variaient entre 35 à 40% pour les pays scandinaves, 50% pour la Hollande, 65% pour l’Allemagne, 100% pour la France, 130% pour l’Italie et 180% pour la Grèce. A noter qu’à aucun moment depuis 1970 et quelle que soit la conjoncture, la France a su afficher un budget en équilibre ou utiliser des périodes plus fastes pour rechercher une baisse de son endettement, contrairement à certains de nos voisins et celui de la moyenne européenne.
C’est à cause du niveau atteint chez nous et de l’incapacité « historique » de créer des excédents budgétaires même en période économique favorable, que de nombreuses voix, en commençant par celle de la Commission Européenne, se sont levées pour dire qu’il était désormais indispensable de baisser les dettes. Baisser le niveau d’endettement juste en pourcentage d’un PIB français, lui-même en augmentation régulière, plus ou moins forte ? Ou plutôt baisser même le montant absolu de la dette ?
Après le COVID et compte tenu de la volonté du Président et du Ministre de l’Economie d’éviter une vague de licenciements et de faillites, par le « quoiqu’il en coûte » avec un coût de la pandémie estimé, fin 2020, à468 milliards d’euros mais seulement 64,5 millions de vrais dépenses (le reste étant, pour l’instant, des garanties et reports), le niveau d’endettement devrait s’approcher, fin 2021, de 115% du PIB, et le budget 2022 est programmé de nouveau en fort déficit…
Mais, comme le confirme Olivier Dussopt, « une dette, ça se rembourse. Ceux qui prétendent le contraire sont des irresponsables ». Pourquoi ne pas augmenter temporairement la TVA sur les produits à taux plein, quitte à baisser « en même temps » les cotisations sociales ou les impôts sur les entreprises industrielles ? Et pourquoi pas, comme le réclament les économistes et Prix Nobel Joseph Stiglitz et Thomas Piketty, faire participer les sociétés du numérique dont les revenus ont fortement progressé pendant la crise, et augmenter leurs impôts au-delà du taux minimum de l’OCDE de 12,5% ?
Soit le système financier sera capable de supporter et de résorber le nouvel endettement (quitte à isoler la dette COVID et à la rembourser sur une période plus longue) – surtout si les taux d’intérêt restent bas. A noter que, même si en 20 ans la dette de la France a doublé, la charge d’intérêt, compte tenu des taux historiquement bas, a été réduite de moitié (de 3% à 1,5% du PIB). Et que le taux d’intérêt moyen de la dette publique de la France s’établit actuellement à seulement 1,1% (par rapport à 5% en 2000) avec une durée moyenne de 8,5 ans.
Surprenant, tout de même, que le désendettement de la France et la voie d’y parvenir (réduction des dépenses ou impôts supplémentaires) ont pratiquement été absents des campagnes électorales, présidentielles et législatives.
Alors la France, comme tous les pays de l’Europe, voire l’économie mondiale, retrouveront sur une période plus longue une inflation plus forte avec, en parallèle, une augmentation des taux d’intérêt et du coût de la dette… Alors une certaine baisse de la valeur de l’argent (comme la génération de mes parents et beaux-parents l’ont connu de façon beaucoup plus importante à plusieurs reprises) est à craindre, et nos enfants devront faire face à d’autres défis.
Mais tant que la confiance des argentiers du monde dans la France subsiste et que le coût de la dette reste supportable, il n’y a rien à craindre. Et on peut toujours partir de l’hypothèse et se consoler par le fait qu’en cas de nouvelle crise, d’autres pays seront logés à la même enseigne.
Axel Ruckert
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