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La France, grande puissance agricole, face au mur de l’inflation et des pénuries alimentaires


La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS Autrefois, le paysan local cultivait sa terre et élevait quelques animaux domestiques pour les œufs, le lait ou la viande. Il le faisait pour les besoins de sa famille ou pour un seigneur ou un propriétaire dont il n’était souvent que le métayer....

Entreprendre - La France, grande puissance agricole, face au mur de l’inflation et des pénuries alimentaires

La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS

Autrefois, le paysan local cultivait sa terre et élevait quelques animaux domestiques pour les œufs, le lait ou la viande. Il le faisait pour les besoins de sa famille ou pour un seigneur ou un propriétaire dont il n’était souvent que le métayer. S’il en avait suffisamment, il cherchait à vendre ses récoltes au marché du village ou du bourg le plus proche. Les produits étaient ceux du terroir et on les trouvait en fonction des saisons.

Les maladies, les parasites, les cataclysmes, les guerres ou plus simplement le climat conditionnaient sa richesse ou sa misère, l’abondance ou la disette, le bien-être ou la famine et toutes ces contraintes ont permis à l’agriculture de notre pays d’évoluer en technique et en qualité avec l’objectif de nourrir le pays tout entier. C’est ainsi qu’entre le XVIIIe et le XXe siècle, en dépit des guerres récurrentes qui ont ravagé l’Europe, la France était reconnue comme l’un des jardins de l’Europe occidentale. Et parallèlement, on a pu se considérer comme autosuffisants à l’égard des pays voisins. Ne parlons même pas du reste du monde, en dépit des premières importations de fruits et de produits exotiques, comme le café, le thé, le chocolat ou les bananes, à l’époque où nous exploitions nos comptoirs commerciaux ainsi que nos territoires d’outre-mer.

En France, à l’issue de la seconde guerre mondiale, les populations consommaient les légumes du potager, les fruits des vergers, la viande des poulaillers et des clapiers, le poisson des étangs ou des zones côtières, la viande de porc, de bœuf et de mouton, et naturellement bien sûr, les vins de terroir, les fromages fermiers et le pain, lesquels, à eux trois définissent encore aujourd’hui la singularité du patrimoine immatériel français dans le monde. Et puis est apparue la société de consommation, et avec elle le développement des transports, ce qui a permis de faire connaître des produits nouveaux et d’enrichir les étals des commerçants de fruits et de légumes inconnus jusque-là et dont le besoin n’était pas forcément justifié.

Dans un pays agricole, dont l’histoire est intimement liée à celle de sa paysannerie, la transformation des processus jusque-là fondés sur la notion et la valeur travail, sur l’effort personnel et sur l’engagement humain, sur une préservation innée et intergénérationnelles des terres nourricières et donc de l’environnement, en une activité industrielle essentiellement fondée sur la productivité, la rentabilité et la recherche du profit, ne se fait pas sans causer d’importants dégâts, et ce, à tous niveaux. De telles révolutions bouleversent les normes de qualité des produits, elles influent sur la gestion des quantités produites, consommées ou gâchées et surtout, elles contribuent à l’escalade des prix.

Comme dans les autres secteurs de notre économie, en tous cas dans les pays libéraux d’Europe occidentale, l’activité est marquée par le rôle souvent négatif et masqué de l’intermédiation, cette organisation voulue comme une aide au développement et une facilitation des échanges commerciaux, mais qui consiste aussi à « inventer » des tâches et surtout des métiers destinés à accaparer une grosse partie de la plus-value dans le processus de production et de vente des biens produits ou transformés. Ces « ajouts » n’ont d’autres objectifs que de détourner une part des bénéfices d’une activité humaine en créant des interventions inutiles et superfétatoires dont on fait supporter le coût aux consommateurs finaux.

L’intervention d’une succession d’intermédiaires entre l’agriculteur et le consommateur final participe indiscutablement à la hausse des prix et elle recouvre souvent une absence de plus-value réelle dans le processus de production.

Cela n’a d’ailleurs pas échappé à l’État qui « piste » ce parcours par les déclarations successives de TVA qui viennent rajouter au prix final le poids de la fiscalité en fin de compte payé par le consommateur.

L’intermédiation dans le monde agricole a des conséquences visibles et directes sur la qualité de ce qui est le produit de nos terres, les quantités proposées sur les marchés, et bien évidemment la hausse des prix dont les premières « victimes » sont les consommateurs.

La question de la qualité

Dans ce secteur économique comme dans la plupart des autres, les contrastes sont toujours saisissants entre ceux qui estiment avoir un rôle de protection de la civilisation et ceux qui s’engagent dans un combat pour la productivité et les revenus, pour ne pas évoquer la question des profits. En réalité, les choses ne sont rarement aussi tranchées, et dans le monde de l’agriculture, on n’est pas à l’abri d’un certain nombre d’ambiguïtés.

Quelle est la bonne solution pour vivre heureux ? Vaste question qui divise les philosophes depuis longtemps. Le monde serait donc divisé en deux camps, celui des tenants de l’Avoir, pour qui le bonheur est dans la possession, dans l’accumulation de biens matériels, et ceux de l’Être ou du Faire, pour lesquels l’important est de se centrer sur soi-même et de respecter le monde qui nous entoure et l’instant présent avec un engagement certain de frugalité.

Pour préserver l’environnement et remettre l’humain au centre du monde, philosophiquement, la logique serait de privilégier cette seconde attitude, mais on sait tous que dans la réalité, ce n’est pas si simple. En tous cas, la réponse n’est jamais aussi tranchée. Une troisième voie est en train de s’ouvrir à travers les nouvelles pratiques collaboratives. « Être » ou « avoir » semblent désormais des concepts dépassés. En effet, l’idée de « faire » s’impose de plus en plus à ceux qui réfléchissent au devenir de notre monde incertain, l’expérience doit prendre le pas sur le reste et le sujet important est le projet du « vivre » et du « réussir » ensemble.

De tout temps, on a considéré que les paysans étaient les premiers défenseurs de la cause environnementale, les premiers écologistes en charge de la protection de la nature, et comme on l’a toujours énoncé, ceux qui ont la noble responsabilité de nourrir les autres. Mais à la sortie de la guerre, alors qu’il fallait des bras pour reconstruire le pays et alimenter l’industrie qui se développait à une vitesse folle, des dizaines de millions d’enfants de ruraux sont devenus des urbains. Mécaniquement, il a fallu repenser une agriculture où la machine, d’aide au dur labeur, est finalement devenue le modus operandi central, et les pesticides, sans parler des semences stériles élaborées en laboratoires, une nécessité productive parée d’hygiénisme et de calibrage, pour se conformer à une avalanche de normes, quand ce n’est pas de cahiers des charges comme celui de MacDo qui définit précisément la pomme de terre digne de devenir une frite servie dans leurs restaurants. Au fil des années, le monde capitaliste a fait de certains agriculteurs de véritables industriels dont les préoccupations s’éloignent définitivement des visions écologistes de défense de la planète. Et c’est aujourd’hui avec surprise que l’on assiste aux récentes manifestations hostiles et souvent violentes entre certaines catégories d’agriculteurs et les associations écologistes. Les exemples sont de plus en plus fréquents de déversement de boues, ou de pneumatiques dans la propriété d’un défenseur de l’environnement ou d’un élu local, comme si, au même titre que certains industriels de la métallurgie ou de la chimie, les industriels de l’agriculture ou de l’agroéconomie se désintéressaient désormais des impacts environnementaux dont ils sont responsables, en dépit des alertes multiples diffusées notamment par le GIEC.

C’est d’ailleurs étrange de constater à quel point le monde agricole est partagé entre sa volonté de développer une vision qualitative de la production alimentaire, fruits et légumes sains, refus des traitements chimiques, engrais et produits phytosanitaires, et cette course effrénée vers une recherche de productivité dépourvue des exigences normales de qualité. On ne compte plus les exemples d’utilisation, légale mais parfois illégales, de produits toxiques, comme on développe d’ailleurs le recours démesuré au développement d’élevages intensifs, comme les fermes regroupant des milliers de bovins ou les élevages en batteries de dizaines, voire de centaines de milliers de volailles, caractérisés par les conditions d’hygiène et de vie scandaleuses réservées aux animaux domestiques.

La course au profit démontre chez certains des appétits insatiables. Quand on parle de qualité, on peut s’interroger sur les raisons qui expliqueraient que nos céréales françaises soient exportées dans des pays étrangers, c’est-à-dire vendues à un prix fort pour en tirer des bénéfices substantiels, alors que notre pays importe des céréales de qualité médiocre qui, du fait de la hausse des coûts de transport, sont vendues en France, via les intermédiaires du secteur agroalimentaire à des prix supérieurs à ce que coûte initialement la production française de qualité.

On comprendra aisément que la responsabilité en incombe à l’intermédiation dont la spécialité est, le constat est là, de rajouter des prestations inutiles, transport d’abord, et passage chez des « grossistes » ensuite, dans le cheminement entre les producteurs et les consommateurs, la seule raison d’être de ces pratiques étant de créer des étapes profitables inacceptables. En fin de compte, ce sont encore et toujours les consommateurs, après les producteurs, qui sont les victimes de ce système mis en place par les intermédiaires, et qui supportent les effets réels de la hausse des prix.

On pourrait penser que la lutte est ouverte pour s’opposer à de telles pratiques, car les citoyens de ce pays, surtout depuis la crise inflationniste majeure qui touche de façon inédite les produits alimentaires de base, sont de plus en plus informés de ces comportements « profitables ». Mais les évolutions sont lentes car elles sont la résultante de nombreuses initiatives locales et citoyennes, et que les combats se livrent contre des multinationales juridiquement et financièrement puissantes.

En effet, dans le même temps, mais dans un autre monde « philosophique », celui de la liberté des peuples et de la conscience écologique, nombreux sont les agriculteurs qui tentent par tous les moyens de contrebalancer ces politiques productivistes en travaillant sur la qualité des produits, la qualité des services et la sauvegarde des valeurs environnementales. C’est ce qui a contribué au développement de l’agriculture biologique, et aujourd’hui de l’agriculture raisonnée. C’est ce qui a également convaincu certains industriels de l’agroalimentaire de mieux rémunérer leurs producteurs de base, de réduire les empreintes carbone de leurs production, de refuser le poids insensé des coûts de transports. On peut citer l’exemple d’une entreprise bretonne qui a fait construire des voiliers pour transporter les fèves de cacao qu’elle achète en Amérique du Sud jusque dans le Finistère.

C’est aussi le combat que mènent de nombreuses associations ancrées dans les territoires dont la réussite contribue aussi au développement des relations directes entre producteurs et consommateurs, parfois de manière structurée comme avec les AMAP, mais souvent de manière informelle grâce à une prise de conscience collective nouvelle et souvent locale, par des citoyens qui se reconnaissent dans des valeurs communes au sein de leurs terroirs ancestraux, mais aussi parfois dans leur appartenance à des territoires plus larges.

La démesure de la quantité

La notion de productivité, associée à celle de l’industrialisation, implique, de facto, une baisse de la qualité qui se traduit, pour la maximisation des profits, par une hausse des quantités produites. Il faut inonder le marché avec des quantités démesurées de produits de qualité médiocre. Pour ce faire, les intermédiaires et les distributeurs tablent sur une démarche publicitaire agressive, en invoquant des prix censés être plus attractifs. Leur objectif est de satisfaire les goûts consuméristes de consommateurs les moins favorisés qui n’ont souvent que la nourriture comme un exutoire à leurs difficultés de vie.

La conséquence, on peut aisément en faire le constat en ouvrant les poubelles individuelles, mais aussi en visitant les arrière-cours des grandes surfaces où c’est par conteneurs entiers que les produits ayant dépassé la date limite de consommation ou ceux qui sont avariés, voire simplement un peu moins « jolis », nous donnent une image désolante de la gabegie généralisée, pour ne pas dire organisée, qui illustre si bien les modes de consommation de notre société. Or ne nous y trompons pas : ce qui est jeté, nous l’avons déjà payé, et ce dans les marges réalisées sur les produits que nous consommons, parce le prix final prend toujours en compte la perte liée aux rebuts, et celle liée à la « démarque inconnue », en l’occurrence le nom élégant du vol à l’étalage dont la recrudescence augmente actuellement de façon notoire face à l’inflation galopante qui empêche tout simplement certaines familles de se nourrir, en France. En tous cas, c’est à dessein que l’on produit plus que nécessaire, en intégrant le coût de la gabegie dans le prix de vente, pour magnifier cette société d’abondance. Cette situation honteuse dure depuis des décennies.

Et même si l’on sent un petit frémissement pour y remédier, on sait qu’il aura fallu beaucoup d’efforts pour obliger (avec des résultats mitigés) les distributeurs et les grandes surfaces, à ne plus jeter les invendus et ceux qui sont officiellement périmés, mais à les offrir aux associations de défense des plus pauvres, comme les restos du cœur, le SAMU social, la Croix Rouge, le Secours populaire, et bien d’autres…

Mais on le sait, pourquoi le cacher, cette gabegie générale, cette attirance pour les produits inutiles, elle est aussi le fait des consommateurs eux-mêmes qui abreuvés de publicité et de marketing craignent toujours le manque ou la pénurie, même si la prise de conscience d’une certaine forme de raison commence à se faire jour. On sait qu’en France, les pertes et les gaspillages alimentaires représentent environ 10 millions de tonnes de produits par ans, pour un équivalent estimé à 16 milliards d’euros. Ce chiffre global cache une réalité individuelle passablement surprenante quand on comprend que cela représente en fait 30 kg par personne et par an, dont 7 kilos de déchets alimentaires dont on a constaté qu’ils n’étaient ni consommés et ni même déballés.

Ce gaspillage représente, en amont, un prélèvement inutile sur les ressources naturelles que sont les terres cultivables et surtout l’eau. On a identifié également qu’il est source d’émissions de gaz à effet de serre qui pourraient être, de ce fait, largement évitées, des études récentes ayant démontré que ces émissions sont évaluées à environ 3 % de l’ensemble de ce que notre pays émet globalement. L’impact citoyen de cette gabegie des ressources alimentaires se traduit aussi dans l’augmentation de la quantité de déchets qui pourraient ainsi être évités, et qui n’auraient donc pas à être traités par les déchetteries. Toutes les étapes de la chaîne alimentaire, de la production à la transformation, puis de la distribution à la consommation, participent aux pertes et aux gaspillages alimentaires.

2023 semble être une année charnière puisque le pays commence à se rendre compte et surtout à prendre peur face aux risques liés à la sécheresse et aux pénuries d’eau qui l’accompagnent.

Une grande partie du pays est désormais sous surveillance, les nappes phréatiques sont au plus bas, de nombreuses rivières sont asséchées et les quelques précipitations qui s’annoncent ne permettront, semble-t-il jamais, de retrouver une situation normale. La situation est suffisamment grave pour que, dans certaines communes, les projets de construction immobilière soient bloqués ou à l’arrêt, les mairies estimant que les ressources locales en eau potable ne permettent plus d’envisager une augmentation raisonnable de la population.

Les raisons bien sûres en sont multiples, à commencer par le réchauffement climatique dû aux excès de la consommation des énergies fossiles, et l’ensemble des changements sociétaux que cela implique. Mais dans le monde agricole et plus généralement dans le monde rural, on se rend compte que des choix importants sont désormais nécessaires. S’agissant des loisirs d’un monde trop ludique, on prend conscience progressivement de l’incongruité de créer, souvent de façon illégale, des piscines privées, alors que l’on manque d’eau pour les besoins individuels. On sait que les milieux aquatiques et les sols subissent une érosion naturelle qui emporte les sols et les roches qui les composent sous l’effet du vent, de l’écoulement de l’eau et de la gravité. L’érosion façonne et fait évoluer les paysages. Ce phénomène est susceptible d’être accentué fortement par les activités humaines et les aménagements, et peut se manifester de manière violente.

L’érosion désigne le déplacement de sol ou de roches sous l’action combinée de la gravité et des éléments naturels tels que le vent, la pluie, le ruissellement de l’eau ou les vagues. Ce phénomène naturel entraîne le transfert progressif de grands volumes de matières depuis l’amont des bassins versants vers l’aval.

L’érosion et ses conséquences peuvent être accentuées par les activités humaines. Le retrait de la végétation naturelle (la déforestation, par exemple, ou la suppression des haies et des talus), quand ce n’est pas m’artificialisation galopante des terres, augmente l’exposition des sols aux pluies et au vent, amplifiant le phénomène d’érosion, et entraînant ainsi un accroissement des pertes de sol. De la même manière, les sols cultivés qui demeurent à nu l’hiver après les labours sont plus exposés.

Dans les jardins, les particuliers s’orientent petits à petit vers la plantation d’espèces résistantes à la chaleur et au manque d’eau, ils abandonnent le rêve des pelouses verdoyantes qui seront desséchées dès les premières chaleurs et envisagent petit à petit de remplacer la verdure par la minéralité des paysages. Dans les champs, les agriculteurs commencent à intégrer l’idée que certaines productions n’ont plus d’avenir économique, soit parce que l’eau manque soit parce qu’elles impliquent des surcoûts qui remettent en cause leur rentabilité. C’est le cas par exemple de la culture du maïs qui est très exigeante en eau que les techniques actuelles d’irrigation ne peuvent plus fournir. D’ailleurs, en se référant à l’histoire de notre civilisation européenne, on s’aperçoit que cette importation d’une culture américaine peut être aisément remplacée par les céréales que l’on cultivait autrefois, ces céréales anciennes beaucoup moins gourmandes en eau, ce que nos anciens avaient déjà parfaitement compris.

La difficile maîtrise des prix

Le budget moyen mensuel consacré par les Français à leur alimentation est en février 2023 de 392 euros, chiffre qui reste stable. Malgré cette stabilité, ce budget moyen recouvre des réalités disparates, selon le profil et l’âge des ménages. Pour supporter la crise et maîtriser leur budget, les consommateurs ont dû rationnaliser leurs habitudes, afin de limiter les dépenses imprévues. La chasse aux meilleurs prix est une pratique qui se développe, la stratégie visant à privilégier les produits en promotion et à comparer systématiquement le prix des produits, et à se fournir de plus en plus dans les magasins alimentaires discount. Enfin, avec les prix des produits carnés qui s’envolent, deux tiers des Français disent acheter moins de viande ou de poisson, la baisse étant de 12 % depuis 2017.

Ces modes de consommation coïncident en partie avec des aspirations environnementales des consommateurs, mais on sait aussi que nombreux sont ceux qui reconnaissent avoir réduit le nombre et la quantité de leurs repas quotidiens, ce qui met leur santé potentiellement en danger, notamment pour les enfants des classes les moins favorisées.

Si l’inflation occupe tous les esprits, les hausses de prix varie fortement d’un type de bien à l’autre. C’est ce que montrent les graphiques qui représentent l’évolution des prix entre mi-2017 et fin 2022 pour les différentes composantes des dépenses d’alimentation, de logement et de transport.

Les hausses les plus spectaculaires concernent, sans surprise, les énergies fossiles, carburant des véhicules, gaz de ville, et fioul domestique. Elles sont souvent supérieures à 50 %, et atteignent 140 % pour le fioul. Ces hausses se répercutent, cela va de soi, sur tous les biens et services dont le processus de production nécessite une consommation d’énergie importante, que ce soit du fait de leur coût ou des ruptures d’approvisionnement liées à la conjoncture mondiale. Les produits alimentaires sont en première ligne, les huiles et les graisses, les fruits et les légumes, les viandes et les poissons, mais aussi tout ce qui touche au transport.

Les agriculteurs et industriels ont vu leurs coûts de production bondir. Fin 2022, ils demandaient déjà aux distributeurs de nouvelles hausses de prix pour une meilleure rémunération de leurs activités.

Mais la situation continue de s’aggraver dans le secteur alimentaire. Les études de l’INSEE estiment que son impact sur l’inflation globale sera très fort, et même plus que celui de l’énergie. La hausse des prix des biens alimentaires et des produits manufacturés ne devrait pas se normaliser très vite et restera forte durant toute cette année.

Outre la hausse du prix de l’énergie, les agriculteurs doivent supporter la hausse des prix des engrais ou des emballages (suite à la reprise post-Covid ou à la guerre en Ukraine). En tenant compte de l’ensemble de ces hausses (matières premières, énergie et autres intrants), les agriculteurs ont vu leurs coûts de production exploser. A cela se rajoutent bien évidemment, les marges demandées par les intermédiaires dont j’ai déjà évoqué le rôle majoritairement inflationniste.

Selon les chiffres publiés par l’INSEE, l’indice mensuel des prix d’achat des moyens de production agricole est passé de 123,1 (en janvier 2022, et donc avant le conflit en Ukraine), à 142,2 (en octobre de la même année). On sait cependant que les intermédiaires ont largement pris prétexte de la guerre en Ukraine pour majorer les prix de leurs interventions, notamment en s’appuyant sur l’impact des coûts de transport et de l’énergie. Les industriels de l’agroalimentaire rencontrent une problématique parallèle. Les ratios de l’INSEE témoignent de l’explosion des coûts de production, notamment pour les légumes surgelés, les yaourts et desserts frais, ou encore les plats cuisinés à base de viande.

Conclusion

C’est une illustration classique du débat qui oppose aujourd’hui les citoyens sur l’idée de la démocratie. Soit l’objectif est de satisfaire les besoins basiques d’un peuple en respectant des valeurs humanistes, soit, il est de profiter de la situation pour enrichir quelques castes influentes. L’agriculture est-elle destinée à créer les conditions idéales de vie pour la population, ou n’est-elle qu’une activité industrielle et économique désormais financiarisée ?

À la fin du 19e siècle, le chef Sioux Sitting Bull avait déjà esquissé la réponse à la question avec sa phrase désormais célèbre et inspirante : « Quand ils auront coupé le dernier arbre, pollué le dernier ruisseau, pêché le dernier poisson. Alors ils s’apercevront que l’argent ne se mange pas ».

A méditer…

Bernard Chaussegros

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