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La France invitée d’honneur de la China International Import Expo


Pour qui veut comprendre la transformation du modèle économique chinois et son ampleur, il faut se rendre à la China International Import Expo (CIIE). Ce nouveau grand rendez-vous économique dédié à l’importation, qui se tient à Shanghai tous les ans du 5 au 10 novembre, en est à sa deuxième...

Entreprendre - La France invitée d’honneur de la China International Import Expo

Pour qui veut comprendre la transformation du modèle économique chinois et son ampleur, il faut se rendre à la China International Import Expo (CIIE). Ce nouveau grand rendez-vous économique dédié à l’importation, qui se tient à Shanghai tous les ans du 5 au 10 novembre, en est à sa deuxième édition cette année. En 2018, la CIIE avait déjà fait sensation en totalisant des contrats signés pour un montant total de 57,83 milliards de dollars, presque autant que la célèbre Foire de Canton qui avait atteint 59,9 milliards de dollars, et en accueillant 1 millions de visiteurs. La CIIE n’est donc pas un simple lieu de rencontre où les principaux pays du monde, avec chacun son pavillon national, rencontrent la communauté d’affaires et les responsables politiques chinois de tous niveaux. La CIIE est l’un des événements mondiaux qui incarne l’ouverture de la Chine nouvelle. La venue du président Emmanuel Macron à l’édition 2019, sur l’invitation de Xi Jinping, en est la parfaite illustration.

Un grand rendez-vous international

Emmené par le groupe LVMH, dont c’est la première participation avec une zone dédiée au luxe sur 350 m², les entrepreneurs français fondent de grands espoirs sur les perspectives que donnent la CIIE pour pénétrer le marché intérieur chinois. Javier Gimeno, directeur-adjoint de Saint Gobain et responsable de la zone Asie-Pacifique, rappelle : « La Chine est maintenant la deuxième puissance économique du monde et dans quelques années elle va devenir le pays n°1 sur le plan économique, ça c’est un fait, c’est inévitable. Je vois la Chine comme un pays plein de potentiel pour développer des entreprises. »

Cette confiance des grands groupes industriels français dans l’avenir du marché chinois s’étend désormais aux start-up qui regardent de plus en plus les possibilités de développement qui y sont offertes. Comme le rappelle Luan Tian, directeur du principal incubateur de start-up chinoises (Innoway) situé dans le district de Zhongguancun à Beijing, la Chine totalise en effet 30 % de la valorisation des « licornes » dans le monde, derrière les États-Unis (52%), mais la valorisation ne prend en moyenne que quatre ans en Chine contre sept ans aux États-Unis. Un événement comme la CIIE, capable de mettre directement en contact les start-up étrangères avec des partenaires et investisseurs chinois est donc un argument de poids. Pour ces dernières, les présences de Xi Jinping et d’Emmanuel Macron sont aussi un atout indéniable. Victor Loo, patron de la start-up Cosmérêve spécialisée dans les soins de la peau, livre ses impressions : « Pour moi c’est une surprise et aussi un honneur car on est représenté au plus haut niveau par notre président Français. Cela prouve bien l’importance de la CIIE 2019 et je suis donc fier d’avoir été selectionné pour cette exposition. J’espère aussi qu’Emmanuel Macron et Xi Jinping passeront voir les sociétés françaises qui exposent et ainsi pouvoir les rencontrer ». Pour sa première participation à la CIIE de Shanghai, Victor Loo considère le salon comme un formidable outil de communication pour faire connaître sur le marché chinois sa start-up et sa ligne de produit de soin innovant Belliss.

En à peine un an,  la CIIE a déjà acquis une certaine réputation pour qui veut se faire connaître en Chine. Loin d’être un simple épiphénomène de la vie économique, la CIIE excite les espoirs des participants et observateurs français, certains espérant que ce salon permettra d’importer non seulement des produits et des services mais aussi des concepts comme la pépinière française de start-up Station F et le salon high tech Vivatech de Paris. Tianlun Li, fondateur de l’incubateur de start-up OuiCréa, rappelle que la visite d’un officiel chinois en Finlande vers les années 2010-2012 avait permis au salon des start-up de ce pays d’exporter en Chine et de connaître aujourd’hui un véritable succès. À cet égard, la visite d’Emmanuel Macron à la seconde édition de la CIIE pourrait s’inscrire dans le projet du président français de renforcer l’image de la France comme une « start-up nation » et de développer de nouveaux partenariats entre les entreprises chinoises et françaises.

Bien sûr, tout n’est pas parfait. Li Tianlun déplore par exemple que Business France n’ait pas assez mis l’accent sur la sensibilisation et la formation des entreprises françaises aux spécificités du marketing à la chinoise, notamment sur le rôle des influenceurs chinois dans les réseaux sociaux. Du côté de Shanghai, les grands acteurs de la vente en ligne tels que JD.com restent pour l’instant absents alors que les start-up françaises ignorent largement les pratiques de vente online et offline en Chine. Mais les organisateurs de la CIIE ont déjà été sensibilisé à ces questions et des améliorations sont encore à venir dans les futures éditions.

Le nouveau modèle économique chinois

Sur le plan du développement, la CIIE marque une inflexion et une diversification de la stratégie d’internationalisation économique de la Chine qui ne se focalise plus seulement sur la conquête des marchés étrangers par les entreprises chinoises mais intègre désormais le marché intérieur chinois.

Ce marché intérieur reste encore largement sous-exploré par les entreprises étrangères, alors que la demande en bien de consommation de qualité et les exigences de la population chinoise en termes d’augmentation du bien-être est en plein boom. Malgré son taux d’épargne le plus haut du monde, atteignant 45 %, la jeune génération de Chinois est en effet à la recherche d’un nouveau mode de vie, qui s’invente et change presque du jour au lendemain. Sur les dix à vingt prochaines années, Javier Gimeno se montre ainsi optimiste : « l’élargissement des classes moyennes avec leurs nouveaux comportements en termes de consommation, la démarche vers une civilisation et une société vertes, la digitalisation croissante de la population chinoise, le poids grandissant de la technologie, de l’innovation et de la créativité…Toutes ces tendances sont et demeureront favorables à la Chine, ainsi qu’aux entreprises ».

Ceci étant, le modèle stratégique des entreprises françaises en Chine n’est plus celui des importations directement depuis la France mais plutôt celui de leur implantation sur le sol chinois : développer et produire sur le sol chinois des services destinés aux marchés locaux et non plus à des marchés extérieurs. Javier Gimeno explique : « C’est ainsi que, pour une majorité d’entre nous, les importations ont été un bon moyen pour démarrer notre présence sur le marché chinois ou pour compléter nos gammes de produits dans ce pays[la Chine]. Mais à terme, la volonté de la plupart de nos entreprises est de localiser en Chine nos outils et nos moyens de production ».

La CIIE n’est donc pas un simple canal pour importer des produits de l’étranger. L’événement permet aux entreprises étrangères de s’adapter aux normes de qualité et de performance, et d’ajuster leur offre au niveau des services et de l’innovation en Chine. Cette dernière est justement le point central pour le développement réussi des activités des entreprises étrangères et françaises sur le marché intérieur chinois, que ce soit sur le mode de « l’open innovation », de la « corporate innovation » ou celui de la « co-innovation ». L’autre message important véhiculé par la CIIE est celui de la transparence et de la ferme volonté de la Chine de conduire jusqu’au bout les réformes qui doivent améliorer la gouvernance économique du pays, très attendues par les milieux d’affaires étrangers. Ainsi, la CIIE lance un signal positif auprès des entrepreneurs étrangers en ce qui concerne l’accélération de la réduction des surcapacités industrielles, le renforcement du système financier, l’intensification de la démarche environnementale et, de manière générale, la transformation du modèle économique chinois.

Une confiance Chine-France approfondie

Enfin, le salon de la CIIE semble être perçu par Emmanuel Macron comme un outil de la diplomatie française pour sortir d’une certaine rigidité de la coopération avec la Chine. La visite de Macron s’inscrit donc dans un projet plus large dont l’objectif est d’introduire une coopération fluide capable de renforcer à la fois les échanges de savoir-faire de chacun dans les domaines de la santé, de l’intelligence artificielle, du tourisme, des cosmétiques, etc. Le patron de Cosmérêve espère, par exemple, que les discussions entre Emmanuel Macron et Xi Jinping conduiront à l’assouplissement de la réglementation des marchés chinois et français et à de nouveaux partenariats entre les deux pays.

Cette coopération fluide s’applique aussi au renforcement des précieux liens d’amitié qui unissent la Chine et la France. Dans les temps qui vont suivre la fin de la CIIE 2019, la visite d’Emmanuel Macron permettra sans doute de proposer une approche globale renouvelée de la coopération entre la Chine et la France dans l’industrie des services, de la santé et de l’intelligence artificielle. Cet appel pourrait porter sur la création d’un écosystème fondé sur une politique économique de coopération franco-chinoise impulsée par le développement durable, l’innovation et la propriété intellectuelle. Cet écosystème permettrait aussi de proposer des solutions politiques innovantes à des problèmes globaux dont certaines solutions font déjà consensus entre la France et la Chine, comme la lutte contre le changement climatique.

Cette position a été réaffirmée par le ministre de l’économie Bruno le Maire, lors de sa visite préparatoire à Pékin les 7 et 8 octobre pour la venue d’Emmanuel Macron à la CIIE 2019, en parlant d’un libre échange plus juste. Pour cette raison, la présence des présidents chinois et français à la CIIE 2019 ne se réduit pas simplement aux échanges économiques. Il s’agit aussi pour les deux hommes d’État d’atteindre un nouveau stade de confiance entre la Chine et la France dans les discussions préparatoires sur la réforme de l’OMC. En effet, la CIIE 2019 sert également de cadre pour tracer les traits futurs de l’ordre international à l’ère du multilatéralisme, lesquels ne peuvent être garantis que par des pays responsables.

En outre, si l’on en croit la déclaration de Bruno Le Maire à Beijing sur le « rôle de la France de partenaire responsable, soucieux d’un renforcement équilibré de ses relations avec l’Union européenne et la Chine dans un monde incertain », la CIIE 2019 devrait aussi permettre à la France de jouer le rôle de médiateur entre une Union européenne qui n’arrive toujours pas à convertir sa puissance économique en puissance politique sur la scène internationale et la Chine qui réussit progressivement à le faire. La CIIE 2019 est donc aussi une bonne occasion pour donner un nouveau souffle à la politique européenne d’Emmanuel Macron, en difficulté actuellement avec le rejet de la nomination de la française Sylvie Goulard à la Commission européenne.

L’imbrication de tous ces différents enjeux concentrée dans le seul événement de la CIIE, montre une nouvelle fois que  le monde du XXIe siècle n’est plus seulement globalisé, il est surtout en voie de multipolarisation avec la montée en puissance des différences culturelles qui sont autant de nouvelles normes à comprendre en termes de production, d’innovation et de politique tant pour les multinationales que pour les gouvernements. Loin d’être un obstacle, ces différences culturelles doivent être analysées comme l’un des vecteurs capable de libérer tout le potentiel de croissance des différentes économies dans le monde pour les pays développés et ceux en voie de développement grâce à la consommation chinoise. En somme la CIIE 2019 incarne, à tous les niveaux, le gagnant-gagnant.

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