Après avoir dirigé la confiserie Chocmod, Ghislain Lesaffre se lance aujourd’hui dans une nouvelle aventure, celle de la Chicorée Leroux. Un produit emblématique du Nord pour une PME centenaire, située à Orchies, entre Lille et Valenciennes.
LA CHICORÉE LEROUX, UN PRODUIT DE CH’TI ?
La consommation de la chicorée doit l’élargissement de sa consommation aux guerres, période pendant laquelle le café devient introuvable. Elle avait pourtant déjà ses adeptes depuis des millénaires, notamment grâce à ses grandes qualités digestives. Elle se consomme de nos jours essentiellement au petit-déjeuner.
La rumeur veut que les cafés allongés des ch’ti soient une raison du succès de la chicorée dans le Nord de la France. Pas seulement. D’ailleurs le produit, vendu sous forme liquide, soluble ou en grains, s’exporte jusqu’en Afrique et sa consommation est régulière dans de nombreuses régions du monde. Le fait que cette plante soit cultivée et torréfiée en France a également suscité de l’intérêt dans la restauration gastronomique, conduisant à de nouveaux usages. Ce mouvement a été renforcé par le lancement d’une gamme bio en 2018.
22 JUIN, CHANGEMENT DE PROPRIÉTAIRE
Ghislain Lesaffre a 50 ans, un peu tôt pour raccrocher les gants. Jusqu’à la fin de l’année dernière, il était président de la société Chocmod rachetée en 2008 avec son associé Antoine Fortin. Chocmod est un spécialiste de la fabrication industrielle de truffes au chocolat depuis sa création en 1848. Elle détient un site industriel à Roncq près de Lille et un autre, récent, au Canada. Les deux associés ont revendu l’entreprise qui réalisait environ trente millions d’euros de chiffre d’affaires au fonds Cerea.
Juste avant l’été, Ghislain Lesaffre annonçait avoir repris l’entreprise Leroux, une entreprise typique du tissu industriel nordiste, à peu près de la même taille que Chocmod en termes de chiffre d’affaires. Pas de surprise donc pour ce membre d’une famille dont le nom est bien connu du côté de Lille. Ghislain Lesaffre est un ancien de l’IAE Lille et a pris le temps de 2019 à 2021 pour suivre un MBA à la Saïd Business School de l’université d’Oxford. Le voici prêt à mettre en pratique ces enseignements dans sa nouvelle aventure entrepreneuriale.
UNE FAMILLE EN REMPLACE UNE AUTRE
Ghislain Lesaffre est bien placé pour connaître l’esprit d’une entreprise familiale, Lesaffre est en effet le nom d’un groupe familial international. La chicorée Leroux est quant à elle restée dans les mains de la même lignée familiale jusqu’en 1985 où Alain et Robert Leroux, sans enfants, choisissent Michel Leroux, leur cousin, et Michel Hermand, un informaticien de l’entreprise pour leur succéder, chose faite en 1989. Le second fils de Michel Hermand, Olivier reste dans l’entreprise, faisant le lien entre passé et futur. Il occupe le poste de directeur général.
UN INVESTISSEMENT PERSONNEL
Ghislain Lesaffre fait partie d’une famille d’industriels reconnus, propriétaire d’une entreprise qui emploie quelques 2600 personnes en France sur plus de 10 000 dans le monde au travers de 80 filiales et plus d’une soixantaine d’usines. Un champion français, leader mondial de la levure, dont les concurrents sont tous étrangers, un britannique, un anglais et un hollandais. C’est la raison pour laquelle Ghislain Lesaffre a tenu à préciser un point important lors du rachat de la société Leroux, ce rachat est une aventure qu’il entend mener à titre personnel et non pas au nom de la famille. Il est un investisseur privé, à bon entendeur salut. Ses projets sont déjà clairement établis, l’expérience du nouveau propriétaire avec Chocomod est parfaitement adaptée au profil de Leroux, un gage de confiance pour l’avenir.
10 MILLIONS POUR ACCÉLÉRER
Ghislain Lesaffre a racheté une marque qui est une valeur sure. Leroux est ultra-leader, ses ventes se font à 45% chez des clients industriels et 45% à l’exportation dans une quarantaine de pays. Mais la motivation du repreneur va bien au-de-là. Les affaires sont les affaires, et c’est le potentiel qui l’a surtout intéressé. Pour accélérer la croissance, le nouvel actionnaire n’arrive pas les mains vides, il a annoncé dès son arrivée un programme d’investissement conséquent, à hauteur de 10 millions d’euros. Le plan d’action est déjà prêt, le financement sera essentiellement consacré à la remise à niveau des sites de production portant égale-ment sur des processus de décarbonations.
Les autres volets du plan portent sur l’aval, il s’agit d’attaquer de nouveaux segments de marchés et de nouveaux pays à ouvrir. Ces plans vont être concrétisés rapidement, Ghislain Lesaffre veut toucher de nouvelles cibles telles que l’alimentation animale, et prospecter d’autres contrées, comme les États-Unis, qu’il connait bien pour y avoir vécu long-temps. Il a déjà l’expérience de Chocmod, qu’il a orienté sur l’Amérique du Nord avec l’installation d’une usine au Canada pour couvrir le marché américain.
UNE BASE ON NE PEUT PLUS SOLIDE
Ghislain Lesaffre va donc jouer une partie où il a tous les atouts en main. La chicorée Leroux détient celle du local, du made in France, du végétal, sur un produit qui ne cesse de moderniser ses usages et son image. De plus l’entreprise sort de deux années de croissance et ne demande qu’à poursuivre sur sa lancée, à présent que les moyens financiers sont rassemblés.
« Si j’ai racheté la société Leroux, c’est pour la développer » telle fut l’annonce faite par Ghislain Lesaffre, à la presse, insistant sur sa volonté d’aller de l’avant, le plus rapidement possible. L’entreprise est sur une pente ascendante, le moment est donc d’une importance stratégique pour l’avenir de l’entreprise, qui peut connaître une deuxième jeunesse avec le regain des pratiques végétariennes. On prête aussi au nouveau président l’envie d’exploiter la fantastique notoriété de la marque pour lancer un café Leroux. Après tout, les cafés Méo ne sont pas très loin.
Anne Florin