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La politique économique est-elle une fumisterie ou une duperie intellectuelle ?


La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS L’économie, quand on en entend parler sur les médias, lors des interventions des responsables politiques, ou lorsque des spécialistes « reconnus » en débattent et s’affrontent sur les chaînes nationales, cela semble être une « friponnerie ». Tout cela manque de sérieux. Tout le monde affirme savoir...

Entreprendre - La politique économique est-elle une fumisterie ou une duperie intellectuelle ?

La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS

L’économie, quand on en entend parler sur les médias, lors des interventions des responsables politiques, ou lorsque des spécialistes « reconnus » en débattent et s’affrontent sur les chaînes nationales, cela semble être une « friponnerie ». Tout cela manque de sérieux. Tout le monde affirme savoir comment « ça marche » mais personne ne sait comment faire ! Et surtout, quand les décisions semblent avoir été prises, ce qui en résulte s’avère souvent décevant.

C’est au point que j’hésite ! S’agit-il d’une simple fumisterie, ou plus grave, d’une tromperie intellectuelle ? Je prends un exemple, alors que l’inflation bat des records et que les citoyens européens s’interrogent sur leur avenir immédiat, sur leur difficulté de nourrir leurs enfants ou de chauffer leur domicile, les fonctionnaires européens s’offrent une augmentation de salaire de 8,5 % ! Y compris pour la présidente du Conseil Européen qui voit passer son salaire mensuel de 29.205 € à 31 687 €. L’indignation est énorme ! Quand on sait que la très grande majorité de la population « survit » avec un salaire inférieur à 1500 €..

La politique économique, cette mystérieuse magie, connait souvent de nombreux aléas, elle vit sa propre vie ! Et comme elle est utilisée par les gouvernements pour asseoir des promesses de lendemains qui chantent, même quand ils n’ont pas de programme, elle est au centre de toutes les conversations, des commentaires ou des jugements tranchés. Et pourtant, malgré tout, nous avons en la personne de Bruno Le Maire, le ministre des Finances le plus talentueux de la zone Euro et au-delà… Il tient le gouvernail de ce bateau avec fermeté et efficacité.

On peut prendre comme exemple, tout à la fois risible et douloureux, la visite faite à l’usine Whirlpool d’Amiens par les deux candidats finalistes de l’élection présidentielle de 2017, le théâtre d’un affrontement puéril à distance. Les représentants des salariés en grève étaient en réunion avec le futur président afin d’évoquer la prochaine fermeture de leur usine et sa délocalisation en Pologne, tandis que son challenger, dans une démarche imprévue et semble-t-il appréciée, rendait visite aux piquets de grève qui bloquaient l’usine. À la suite de quoi, le futur président s’était lui-même précipité aux portes de l’établissement pour se faire copieusement siffler.

Dans cette affaire, les cadres de l’entreprise ont été surpris de l’intervention politique. Ils imaginaient qu’avec l’aide et le soutien promis par le président de la République, on pouvait être optimiste sur l’issue du projet. Mais ils ont déchanté ! Car il est assez fréquent que les politiques ne tiennent pas (ou ne puissent pas tenir) leurs engagements, et cela finit mal pour les salariés qui « restent sur le carreau », à Amiens comme dans nombre d’autres lieux de contestation.

Et pourtant, l’économie, c’est tout simple, c’est la description de l’ensemble des activités d’une « société » qui produit, échange et vend. En général, on parle de l’économie d’un pays. Souvent, on évoque ainsi l’activité d’une région, d’un département, voire d’une commune, et même d’entités plus petites comme des associations.

Mais en réalité, tout repose sur l’activité de ceux qui apporte une « valeur ajoutée » à la richesse du pays, c’est-à-dire les citoyens, et surtout les entreprises. Et dans cette optique, on sait que « créer son économie », pour un ménage par exemple, mais aussi pour un entrepreneur, c’est de savoir minimiser ses dépenses, optimiser ses revenus et dégager ainsi une capacité à « investir ».

Il faut donc savoir de quoi l’on parle ! D’après les chiffres de l’INSEE, la France comptait en 2019, plus de 4 millions de PME marchandes non agricoles et non financières dont une majorité de microentreprises (MIC). Les 153.000 PME emploient environ 4 millions de salariés et réalisent 23 % de la valeur ajoutée. Au total, les PME (MIC comprises) emploient 6,4 millions de salariés et réalisent environ la moitié de la valeur ajoutée !

C’est donc l’économie de proximité, celle des territoires, qui font la France laborieuse. Ce sont donc ces entreprises qui peuvent être le moteur de la relace française. Mais ce sont également celles qui ont le plus de risques de subir douloureusement les effets de la crise économique voulue par les spéculateurs de tous bords !

Comme je l’analyse plus loin, l’inflation n’est pas une fatalité, une donnée extérieure au système qui vient bouleverser l’équilibre harmonieux du capitalisme de marché. L’inflation est un outil savamment manié par les mains expertes des spéculateurs. Car il faut bien se faire à cette idée : si certains groupes économiques de l’industrie agro-alimentaire, si les lobbies de l’énergie manipulent les prix pour s’octroyer des surprofits, l’État est évidemment le premier grand bénéficiaire de cette inflation qui se traduit en recettes fiscales accrues ! Jusqu’à ce que tout explose !

Il nous suffit d’en revenir à la théorie de base du capitalisme d’État pour comprendre l’inter-responsabilité de l’exécutif et des lobbies financiers pour comprendre la manipulation actuelle qui détermine la crise. Le système économique sur lequel s’appuient les démocraties occidentales, ces pays que l’on appelle aussi « le monde libre », repose sur l’équilibre de l’offre et de la demande, théorie, développée par l’économiste britannique John Maynard Keynes, lequel ajoute qu’un acteur « particulier » est indispensable pour huiler cette mécanique, le pouvoir exécutif, le seul qui soit véritablement en mesure de faire s’accroitre la demande, et ainsi, de stimuler la croissance. Les keynésiens sont convaincus que la demande des consommateurs est le principal moteur d’une économie libérale, moteur qui doit être secondé par les politiques publiques. En conséquence, l’économie d’un pays ne peut exister et ne peut rencontrer le succès qu’à condition que l’exécutif mette en place une politique budgétaire expansionniste.

La théorie keynésienne

La thèse centrale du keynésianisme est que les marchés laissés à eux-mêmes ne conduisent pas nécessairement à l’optimum économique, et que l’État doit jouer un rôle de régulateur et de moteur pour pallier les défaillances des marchés. Cette théorie est fondée sur des constats qui demandent l’intervention de l’État, tant pour l’organisation du fonctionnement que pour la définition de la stratégie économique.

Si c’est bien la demande, dans chaque secteur, qui détermine la croissance, la somme des demandes agrégées n’est pas aisément contrôlable et quantifiable. En effet, les variations de la demande globale ont plus d’incidences sur la production et l’emploi que sur le niveau des prix de production. Car ces prix, dont font partie les salaires, réagissent bien plus lentement aux évolutions de l’offre et de la demande et ne s’ajustent pas spontanément.

La politique du plein emploi est un art difficile car le niveau habituel de l’emploi n’est jamais idéal, tant il dépend des variations de la demande et des prix. Le système économique est donc d’une nature instable et il revient donc aux pouvoirs publics de mettre en œuvre les politiques adéquates. C’est ce qui rend le rôle de l’État aussi imprécis et ses effets aussi imprévisibles ! Promettre une stabilité durable et un développement idéal se heurte à des facteurs profondément humains et donc instables, mais aussi difficiles à anticiper. Finalement, les exécutifs se trompent souvent, ou, en tous les cas, semblent courir en vain après la réalité économique !

Il serait souvent préférable de ne pas trop affirmer que l’on tient toutes les manettes ! C’est pourquoi, d’ailleurs, face à des échecs réguliers, les gouvernements font d’abord le choix de soutenir l’emploi, par la distribution d’aides ou d’allocations, et non de lutter contre l’inflation.Ceux qui n’ont « jamais travaillé », les nouveaux hérauts qui occupent l’espace médiatique, sont les premiers supporters de cette théorie. Heureusement qu’il y a dans leur propre camp, des personnes sensées qui ne savent que trop que la politique de l’assistanat ne mène qu’à la ruine. (Petit message à M. Fabien ROUSSEL pour qu’il garde le cap !!!)

Sur ce point, Keynes se positionne en opposition à la théorie de l’école néoclassique, dont les positions ne permettent pas d’expliquer le phénomène de sous-emploi et l’incapacité des marchés à revenir spontanément à l’équilibre. Il considère que la « théorie classique n’est applicable qu’au cas du plein emploi », c’est-à-dire qu’elle est un cas particulier de sa propre théorie. En réalité, c’est oublier que l’intervention de l’État, à tort ou à raison, justifiée ou pas, surtout quand elle échoue même en partie, cela représente pour la collectivité nationale un coût qui se traduit « durablement » dans les comptes publics favorisant ainsi une fiscalité plus lourde synonyme de recettes complémentaires et un accroissement de l’endettement.

La fiscalité et le prix excessif de la démocratie

Le fonctionnement de l’État représente presque 60 % du PIB. Une véritable gabegie !

AnnéeMontant de la dépenses publiques en % du PIBMontant de la dette publique en % du PIB
201854 %96,80 %
201954 %97,60 %
202062,80 %115,70 %
202158,50 %116,80 %
   

En 2020, la dette publique française représentait 115,7 % du PIB du pays, faisant un bond de près de 10 points par rapport aux années précédentes, une hausse dont l’importance s’expliquait, selon les pouvoirs publics, par la crise économique causée par la situation sanitaire avec l’apparition du COVID 19, et la politique du « Quoi qu’il en coûte » du président de la République. Les prévisions font état d’une stabilité de ce taux autour de 118 % jusqu’en 2027. De tels taux ont de quoi s’interroger !

Sur leurs conséquences d’abord, car il faudra bien rembourser, notamment pour les entreprises qui ont bénéficié de PGE. Un certain nombre d’entre elles, qui ont soudain vu leur trésorerie s’améliorer, n’auront pas les moyens de rembourser leurs dettes. Elles auront survécu quelques années, grâce à des transfusions au goutte-à-goutte. S’ensuivront de nombreuses faillites, accompagnées de licenciements qui jetteront le trouble et l’inquiétude dans la population active.

Cette population, en effet, classes basses et moyennes des travailleurs, s’attend déjà à des hausses d’impôts « masquées », qui est une réponse classique de l’exécutif français depuis des décennies. Mais tous les observateurs disent qu’on se trouve déjà en France à la limite du supportable en matière fiscale !

 De nouvelles taxes, et des sophistications nouvelles dans le « mille-feuilles » fiscal risquent de provoquer des réactions brutales dans un monde où l’on observe déjà monter tous les signes d’un rejet des institutions dans un contexte de croyances complotistes. La violence des peuples, qui s’était calmée durant des décennies, semble revenir dans des comportements de révolte spontanés et animés par les « hâbleurs » de profession, ces « bateleurs » qui font de la politique un métier… je devrais dire une « activité » car de « métier », ils n’ont jamais su en exercer un véritable !

La mise en place ces jours-ci du CNR (Conseil National de la Refondation), une nouvelle institution censée réunir l’ensemble des forces politiques, sera boudée par une grande partie des élus et par les syndicats. Les réactions pourraient, à termes, être brutale et d’aucuns se disent déjà que tout cela, c’est de la « poudre aux yeux », une mascarade voulue par un président élu sans réel programme et qui se cherche des objectifs, dans un monde économique marqué par l’inflation.

Le contexte est donc délétère, et la population, de plus en plus fébrile et révoltée, sait qu’elle va droit vers la crise et qu’elle va devoir faire face à des augmentations de prix qui semblent parfaitement injustifiées, pour ne pas dire injustifiables.

La guerre en Ukraine a été l’argument massue pour expliquer aux Français les raisons du retour de l’inflation qui, d’ailleurs, pour les mêmes fallacieuses raisons, frappent l’ensemble des pays d’Europe occidentale. Une inflation qui va toucher les Européens dans ce qui les rend les plus vulnérables, la nourriture et la chaleur, l’alimentation et l’énergie.

La question de l’électricité, c’est, dans l’esprit des Français qui ont connu la transition entre le XXème et le XXIème siècle, une véritable aberration ! Comme je l’ai déjà écrit, le fonctionnement des entreprise nationales, comme EDF/GDF, tout comme la SNCF et d’autres, était fondé sur la théorie de la tarification au coût marginal, dans la ligne de la droite chrétienne et sociale des années d’après-guerre. Et à cette époque, jusque dans les années 90, EDF, grâce à ses centrales nucléaires, produisait de façon excédentaire une électricité propre qui était la moins chère d’Europe.

Mais ce bel ensemble industriel d’avant-garde a été systématiquement détruit par une politique de recherche de profits immédiats, au détriment de l’intérêt national. Est-ce cela une gestion économique responsable ? Transformer les infrastructures collectives en des machines à faire du « cash » ? Les gouvernements successifs qui, peu ou prou, revendiquent l’héritage gaullien de la renaissance française des années 60, ont tout bradé ! EDF a été privatisée, on a autorisé des « intermédiaires » n’apportant aucune valeur ajoutée, à devenir revendeurs d’une électricité qu’il achètent à bas prix à EDF pour la revendre en se rémunérant grassement au passage. La théorie de la tarification au coût marginal intégrait dans le prix de l’électricité les moyens d’entretenir le parc de centrales.

 La volonté politique de forcer EDF à vendre de plus en plus d’électricité à des prix trop bas a sans doute permis à des intermédiaires de capter de généreux profits, mais cela n’a pu se faire qu’au détriment de la richesse nationale, du producteur historique et des consommateurs de base. Résultat subséquent, le bel outil moderne français de production d’électricité n’a pas été entretenu comme il se doit et certaines de nos centrales tombent désormais en ruine.

Il n’y a donc plus de politique économique raisonnable en matière d’énergie, simplement une volonté de dégager des profits. C’est comme dans n’importe quel placement, si l’on dilapide les revenus, le capital perd rapidement de sa valeur. Et en matière économique, ce sont les consommateurs qui paient le prix fort, en entendant dire, qui plus est, qu’ils sont responsables de la crise du fait de leur attitude dispendieuse en matière de consommation énergétique.

Je ne parle pas ici de l’aspect écologique de la lutte contre les excès de la consommation des énergies fossiles, mais de l’aspect économique de la distribution de l’énergie. Et maintenant que les profiteurs se sont enrichis en captant des revenus qui auraient dus entrer ou demeurer dans la richesse nationale, on vient reprocher aux « citoyens consommateurs » leur « gourmandise », alors que, je le rappelle, rien de tangible ou de durable n’a été fait pour faciliter les économies (isolation, autres modes de production, etc.). On vient donner des leçons d’écologie hypocrites, et on enjoint les Français d’avoir à réduire immédiatement leur consommation de carburant, de pétrole, d’électricité ou de gaz, face aux risques de pénurie et de flambée des prix qui se profilent.

Il faut le dire, ce sont ces mêmes intermédiaires, en quelque sorte complices des gouvernements, qui ont organisé la faillite et la pénurie. Désormais, ils veulent poursuivre leur chasse au « surprofits » tout en obligeant les consommateurs à limiter leur consommation de fuel domestique pour leur chaudière ou de gazole pour leur véhicule. Pour sauver ce qui peut encore l’être et garantir les profits à venir, ce sont les mêmes lobbies qui appellent les Français à « prendre conscience » de leur responsabilité, tandis que, ainsi que je l’ai déjà expliqué, des centaines de camions sillonnent l’Europe pour transporter des denrées inutiles ou que nous pourrions produire nous-mêmes, que des avions voraces voyagent parfois à vide dans le ciel européen, que des porte-containers qui brûlent des tonnes de fuel lourd font le tour de la planète pour nous apporter des objets fabriqués en Asie dont nous n’avons nul besoin. On cherche un coupable, et il est tout désigné… le peuple qui travaille.

Mais, nostalgie quand tu nous tiens, on va rouvrir les centrales à charbon qui noircissaient les villes d’enfance des baby-boomers !

Car qui va souffrir le plus de la hausse du coût de l’énergie ? Les entreprises dont la taille ne permettra pas une adaptation immédiate et une modification rapide des infrastructures de production. Il y a toujours « un dindon de la farce » ! De la même manière que l’on a longuement incité les automobilistes à rouler au diesel avant de le rejeter et de sanctionner ceux qui, soi-disant, polluent, on a « institutionnalisé », dans le raisonnement des consommateurs et des entrepreneurs, l’idée que l’énergie était la valeur accessoire, un outil de développement dont le coût n’avait qu’une importance marginale. Et aujourd’hui, c’est d’un doigt sévère que l’on désigne tous ces dévoreurs d’hydrocarbures et de gaz, et tous ces « producteurs » irresponsables de CO². La transition écologique ne se fera pas en trois semaines, et les entreprises seront, comme les citoyens, les premiers « accusés », mais surtout les premières « victimes » de la surenchère portée sur les prix de l’énergie.

Même si c’est sans doute pour l’État, une façon de « se tirer une balle dans le pied », les PME sont destinées à payer leur survie au prix fort, voire à disparaître. En réalité, les pouvoirs publics, en favorisant outrageusement les intérêts des lobbies internationaux, contribueront à faire disparaître les forces vives de la Nation, ces entreprises qui portent depuis toujours le savoir-faire à la française et livreront le pays aux intérêts financiers étrangers et particulièrement aux investisseurs sans scrupules des pays d’Asie et du Moyen-Orient. Sans parler des États-Unis, qui font tout pour que l’Europe qui pourrait former une fédération puissante, disparaisse dans des oppositions internes stériles. Actuellement, la valeur du dollar a augmenté de telle sorte qu’avec un euro faible, nos exportations devraient logiquement être favorisées.

Mais que pourrons-nous exporter si nous ne sommes plus en mesure de produire ce qui a fait la qualité du « made in France » ? Notre industrie périclite d’année en année et même notre agriculture a perdu cette image de la France, jardin de l’Europe ! Gardons toutefois espoir, les territoires regorgent de pionniers qui développent des idées nouvelles et adoptent des comportements nouveaux et reposables ! Mais jusqu’à quand tiendront-ils si nos dirigeants s’intéressent plus à leurs propres profits qu’au devenir du pays ?

L’inflation

Oui, les causes avancées pour expliquer l’inflation brutale qui frappe l’Europe depuis le 24 février 2022 sont de la désinformation, on pourrait même parler d’escroquerie intellectuelle.

Que l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe ait suscité des craintes pour l’avenir, en même temps qu’elle scandalisait par la barbarie des exactions et des exécutions commises, certes ! Mais ce n’est pas la guerre elle-même qui a causé l’inflation !

Il n’y avait pas, au printemps de pénuries alimentaires susceptibles de créer des paniques. Il n’y avait pas non plus de difficultés d’approvisionnement, de pétrole et de gaz, susceptibles d’expliquer la hausse des prix des carburants telle que nous la connaissons depuis lors. Et les stocks étaient tout à fait rassurants.

La première des raisons qui expliquent cette inflation, c’est l’anticipation très hypocrite des intermédiaires. Alors que les réserves étaient suffisantes pour attendre la fin de l’année 2022 et d’éventuels signes de pénuries, les entreprises concernées ont agi sur les prix comme si les stocks étaient déjà épuisés. La seconde raison de l’inflation, c’est que les consommateurs, alarmés par des informations délétères et par les premières hausses de prix, se sont rués sur les stocks de denrées alimentaires des magasins et sur les stocks de fuel domestique en prévision de l’hiver suivant. Ils ont ainsi contribué à des raretés temporaires de produits, provoquant un effet « boule de neige ».

La troisième raison, mais non des moindres, c’est que cette inflation est du « pain béni » pour les intermédiaires… et pour l’État. Il faut bien nourrir le « mammouth » !

La preuve en est le débat sur les « surprofits », encore un effet d’image..Ne taxons pas ceux qui contribuent, demandons leur de répartir plus équitablement la valeur..Il y a des solutions.. Je suis d’ailleurs très surpris de voir que personne, dans les débats que l’on peut suivre sur les médias, ne soulève cette contradiction. L’inflation est vue comme une donnée exogène qui s’impose au fonctionnement économique. On n’y peut rien, on ne sait d’où elle vient, elle arrive et on la subit. Une fois encore, j’ai envie de parler de « fumisterie » !

Car si l’on prend le prix des carburants à la pompe, on nous dit que c’est la pénurie de pétrole qui en explique l’augmentation. Mais il suffit de regarder la courbe de prix du pétrole brut pour constater que son évolution est depuis toujours particulièrement erratique. Après quelques pointes épisodiques au-delà de 1,20 $, le prix du baril est depuis plusieurs semaines en-dessous des 100 dollars et qu’il est même actuellement revenu au prix qu’il avait avant l’invasion de l’Ukraine en février dernier, à 87,63 $. En réalité, rien qui puisse expliquer que les carburants soient passés durablement à la pompe de 1,40 € le litre à plus de 2 €.

Surtout quand on sait que les impôts prélevés par l’État représentent près de 70 % du prix payé par l’automobiliste, ce qui fait de l’État le principal bénéficiaire de l’inflation du prix des carburants. Que faut-il donc penser d’un gouvernement qui a un double discours ! On affirme d’abord que l’inflation est une malédiction, une crise, une donnée qui s’impose à notre économie, puis on découvre brutalement (quelle surprise !) que certaines entreprises, dont les pétroliers, se sont enrichies outrageusement et doivent donc rendre à la nation une part des profits anormaux qu’elles ont engrangés ! L’État veut passer pour le porteur de bonnes nouvelles et redorer son blason, mais ce n’est certes pas en reversant 30 centimes par litre qu’il nous convaincra…

Pour être parfaitement clair, est-ce réellement une malédiction que cette inflation que nous subissons, ou au contraire une bénédiction pour l’État et les entreprises qui en profitent ?

Rien n’oblige, en effet, dans un marché régulé comme celui des carburants, que les prix à la pompe augmentent dès que le pétrole augmente, surtout lorsqu’on connait les variations au jour le jour du prix du baril, dans un sens comme dans l’autre, et qu’on peut constater qu’ils ne redescendent pas franchement quand le prix du baril chute !

De là à imaginer que l’inflation soit voulue et encouragée, il n’y a qu’un pas (mais n’entrons pas dans les voies ouvertes du complotisme…). L’État a besoin de ressources. On le sait quand on voit son niveau d’endettement. Mais que fait-il de cet argent public ?

Le rôle de l’État dans le domaine régalien

Le domaine régalien, c’est ce qui regroupe les activités qui sont du ressort seul de l’État ou des collectivités locales, l’éducation et la culture, la santé, la justice et la sécurité, la fiscalité. Néanmoins, on estime que le régalien doit intégrer ce qui ne pourrait se faire sans le soutien de l’État, c’est-à-dire sans argent public. En l’espèce on peut classer dans ce domaine tout ce qui nécessite des infrastructures d’envergure nationale, surtout pour positionner notre pays face à des concurrences internationales agressives.

De tout remps, le développement de la culture, par prendre un exemple concret, a toujours été l’œuvre de particuliers, de pionniers, d’artistes engagés et de mécènes. Néanmoins, les grands projets de construction de théâtres ou d’opéras n’ont vus le jour que grâce à l’intervention de souverains (Louis XIV, Napoléon 1er ou Napoléon 3) ou de dirigeants républicains, pour la construction du musée Pompidou à Beaubourg, du Musée d’Orsay ou du nouveau Louvre avec sa Pyramide. Rappelons aussi le considérable apport du Ministre André Malraux qui a redonné à la culture Française ses lettres de noblesse et engagé Paris vers un renouveau esthétique. La culture comme domaine régalien, en action directe et en soutien à la création, était née.

Aujourd’hui, la culture se fait digitale, multiforme et internationale. La France doit défendre sa singularité et son exception, dans tous les domaines artistiques et culturels, et plus particulièrement dans le secteur de l’image.

Les créateurs français sont reconnus, tout autant que les hommes de l’art des domaines techniques, au cinéma bien-sûr, dans les technologies digitales aussi, motion capture ou image animée (2D et 3D), etc. La France est aussi depuis toujours parmi les pionniers de la prise de vue, et depuis les débuts du cinéma, de nombreux studios ont vu le jour sur notre territoire.

Mais la concurrence étrangère commence à se faire un peu trop pressante. Le développement des plateformes de streaming et la multiplication des tournages de séries pour les chaines de télévision historiques et pour les plateformes étrangères, nécessitent un développement immédiat et rapide de nouvelles infrastructures, plus modernes pluralistes et disposant des technologies les plus récentes. De nombreux projets se développent, dans le midi de la France en particulier, terre de soleil connue pour avoir construit des sites pionniers, mais aussi en région parisienne. L’Ile de France présente à ce sujet de nombreux avantages, dont le décor naturel offert par la capitale, mais aussi la proximité, grâce à ses gares TGV et ses aéroports, avec les capitales et les pays qui comptent dans ce domaine, Grande-Bretagne, Benelux, Allemagne, mais aussi États-Unis et Canada.

C’est le cas du projet développé sur l’ancienne base 217 en Essonne, lancé à l’initiative d’entrepreneurs et du Territoire qui cherchent désormais, compte tenu de l’ampleur du projet à solliciter l’engagement de l’État et des collectivités locales.

Les propositions faites dans le cadre du projet France Relance, montrent que l’État n’a pas encore pris la pleine mesure de projets aussi amitieux et aussi vitaux dans la course contre la montre engagée afin de contrer la prédominance des grands studios anglo-saxons dont l’objectif est de voir disparaître la production francophone et tout particulièrement française.

Dans le projet France Relance, une enveloppe était prévue à hauteur de 300 M€ pour rénover ou construire des infrastructures dédiées. Comme souvent, les pouvoirs publics vont vouloir faire du clientélisme et procéder à des saupoudrages sur une vingtaine de projets, alors que la force de la logique aurait exigé que soient choisis 5 projets exemplaires et leur apporter un réel soutien avec une participation de l’État à hauteur d’ambitions bien comprises.

La participation des pouvoirs publics dans les projets de construction de studios de fiction paraît ainsi bien dérisoire au regard des besoins actuels, mais surtout des enjeux. On manque de studios, et les plus connus à l’étranger ne peuvent plus répondre à la demande. L’opportunité est là pour faire de la France une nouvelle terre de tournage et d’en faire un leader européen.

J’en reviens à la question concluant mon développement sur l’inflation ! Mais que fait l’État de tout cet argent public qu’il collecte ? la redistribution doit être créatrice de valeur pour une vraie dynamique de relance, pas pour financer des emplois inutiles et nourrir « le mammouth » Ce sera l’objet d’un prochain article sur le Défi structurel ou organisationnel.

Bernard Chaussegros

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